Dur à réaliser ! C’était déjà dur pour un militant de gauche de traverser un 21 avril, ça l’est encore quand cette date sera désormais l’anniversaire de la mort de Prince Roger Nelson...
Sometime it snow in april chantait il y a tout juste trente ans. Mais ce sont plutôt des flocons de larmes sur les joues des fans qui vont devoir ressortir leurs disques car sur YouTube ou Deezer, sa musique est introuvable.
Après la mort de James Brown et celle Michael Jackson et Maurice White, Prince est parti. C’est une énorme partie de l’orchestre qui a rythmé nos soirées et nos nuits d’amour.
Quel priviliège nous avons eu de grandir avec sa musique et d’être les témoins de ses excentricités durant tant d’années !
Pour comprendre Prince, il faut comprendre qu’il était le musicien de toutes les transgressions. Entre 1978 et le début des années 2000, il s’est moqué de toutes les conventions, de toutes les normes et de toutes les frontières. Il a souvent été là où on ne l’attendait pas.
On a parfois dit que dans sa période la plus créative – les années 80 – il avait un temps d’avance sur les tendances musicales.
L’enfant de Minneapolis était aussi un chef de gang. Des dizaines d’artistes sont passés par ses équipes. L’homme était petit par la taille, grand par le talent : chanteur, batteur, pianiste, guitariste, auteur, compositeur, arrangeur, producteur, acteur, styliste, Paisley Park son complexe musical et les studios, salles de concerts et boîtes de nuit de sa ville resteront longtemps pour l’attester.
Dans la scène soul et funk des années 80, Prince était le bad boy et Michael Jackson l’enfant sage. Prince avait intégré l’aspect punk, glauque urbain des années 80 à sa musique et à son style. Son funk était agressif et lorgna très vite vers les accents rock des années Reagan. Les masques tombaient, il n’a rien fait d’autre qu’actualiser sans cesse le blues et ce qui en a découlé.
Car Prince fut la synthèse du Funk : sa voix sonnait comme Sly Stone, ses groupes ont toujours été « interraciaux » comme ceux de Sly, il pouvait jouer comme Jimi Hendrix ou se contenter d’un efficace riff « soul ». Il y avait aussi cette excentricité androgyne d’un Little Richard.
Dans les années 80, il usa et abusa du synthé, mais il su redonner leur puissance aux instruments traditionnels. Ce touche à tout était entourée d’une ribambelle de musiciens dont certains eurent leur moment de gloire. En effet, bien qu’on finit par l’appeler « The Artist », Prince animait une communauté de créateurs et d’interprètes. Lui-même aimait bien la polyphonie dans ses chansons.
Engagé à sa manière, Prince savait faire des chansons à message comme Ronnie talk to Russia, ou bien sûr le magistral Signs of the times. Cerveau pourpre, toujours en activité pour le bonheur des fous de musique.
Sheila E, Morris Day and the Time dont certains membres devinrent de grande producteurs de r’n’b comme Jam and Lewis qui travaillèrent notamment avec Janet Jackson, mais aussi Rosie Gaines, Appolonia, Vanity ou encore le duo Wendy and Lisa. Prince ne rompit jamais la chaîne du funk, travaillant avec Larry Graham, Maceo Parker, Mavis Staples et beaucoup avec George Clinton avec qui il partageait ce délire créatif sans limite. Let’s go crazy.
La légende de Prince c’est ce fameux concert au Palace où la poignée de spectateurs n’a probablement pas mesuré le moment historique qu’elle vivait. Trop rock pour les amateurs de soul, trop funky pour les fanas de rock, il se moquait des classifications musicales.
Il faut l’avouer, sa musique n’était pas toujours accessible au premier abord. Mais elle élevait à un certain niveau à la fois de transgression et d’irrévérence. Toujours visuelle.
Parlant de visuel, Prince s’essaya au cinéma. Je me souviens de soirées au Grand Rex où ses quatre films étaient projetés. Il fallait être fan pour pardonner la qualité cinématographique inégale, puisque seule comptait la prestation musicale. Purple Rain qui bien que très académique dans sa forme est une réussite fortement imprégnée de l’esprit sombre de ce début d’années 80 ; Under the Cherry moon avec la jeune Kristin Scott Thomas en 1986 relativement mégalo et kitsch pour rappeler l’amour que Prince vouait à la France ; Signs of the Times, le film concert d’un de ses meilleurs albums ; Graffiti Bridge, une suite-remake plus colorée de Purple Rain plus funk que rock. Et il faut ajouter à la liste Batman de Tim Burton et Girl 6 de Spike Lee en 1996 dont le « kid de Minneapolis » a signé la B.O.
Contrairement à Michael Jackson qui nous faisait patienter longtemps avait de sortir un disque, Prince était extrêmement fécond. Chaque année, un nouvel opus et entre 1981 et 1990, pas grand chose à jeter dans ses disques, c’est dire.
En 1988, le must c’était de mettre la main sur le Black album qu’on ne pouvait se procurer qu’illégalement. « Camille », un des nouveaux alias de Prince avait dit-on des centaines de titres enregistrés dans ses studios, de quoi faire encore des dizaines d’albums.
La puissance sexuelle de la musique de Prince est d'une rare intensité. Do Me Baby, Darling Nikky, Orgasm ou Get off sont les meilleurs aphrodisiaques musicaux qui soient.
Que peut-on en retenir ?
D’abord l’incroyable profusion de talent, le charisme d’un passeur qui fut assez secret pour ne jamais défrayer la chronique par ses frasques. Ensuite, sa musique est indéniablement la B.O. des années 80-90. Enfin, le fait que Prince s’est moqué du monde, ce monde où il faut être dans une case et ne pas en sortir pour ne pas déboussoler les bien-pensants.
Un de ses albums résume tout ça : Emancipation.
Thank you Prince, with you music « may we live to see the Dawn ».
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