Quand je ne fais pas de politique, je me shoote à la soul. C'est une addiction et heureusement qu'il y a les soirées Motown de DJ Reverend du Djoon pour partager ce plaisir avec d'autres.
Dans les nuits de danse, la tendance n'est pas toujours à la qualité de la musique. On pourrait passer pour élitiste en évoquant ce concept, mais oui, la musique soul c'est toute une culture. C'est toute une histoire et on ne vit intensément cette musique et les vibrations qu'elle donne que lorsqu'on en descend un peu en profondeur.
J'ai découvert la Motown par la diffusion à la télévision du show pour les 25 ans du label de Detroit. C'était en 1983. Ce programme, présenté par Richard Pryor, est rarissime, mais ce qu'on en a retenu c'est la légendaire prestation de Michael Jackson sur Billie Jean avec en prime, le fameux mooonwalk qui y fut inauguré. Ce qui est aussi touchant, c'est que Marvin Gaye devait décéder l'année suivante.
Si les soirées Motown décevront les puristes tant les titres du label de Detroit sont pas forcément les plus joués, elles permettent quand même de se déhancher sur des chansons sur lesquelles il est si rare de danser.
Élitistes ces soirées car les "beautiful people" qui viennent ne sont là que pour le plaisir de la danser. C'est une piste de danse, pas un terrain de chasse où dragueurs post ados avinés, ou nymphomanes paumées viennent "s'éclater" quand d'autres viennent "danser" et jouir du plaisir d'entendre les lignes de basses, les accords de Fender Rhodes et les beats de batterie funky que le dj a le bon goût de mixer dans la fidélité la plus grande. Sauf le jour où, mal inspiré, il mixa Papa was a rolling stone dans un délire trip hop qui était une vrai transgression.
Car la soul de Motown est difficilement remixable. Le faire c'est l'appauvrir sauf à en faire des "extended mix" ces versions longues qui font durer le plaisir.
Le son Motown ne s'est pas limité aux compositions de Smokey Robinson ou à celles du trio Holland Dozier Holland. Il y a eu les titres du duo Ashford et Simpson et surtout celles, très funky de Norman Whitfield. Au Djoon, on fait dans la valeur sûre, connue et appréciée. Les Jackson Five, Marvin Gaye, Diana Ross, Stevie Wonder. On aurait pu y rajouter Edwin Starr... A la place, on a les classiques Salsoul et disco entre lesquels se glisse toujours un Maceo Parker.
Le son Motown était sous titré "la musique de la jeune Amérique". Il s'agissait de plaire à un public assez large. C'est pourquoi, le son de Detroit, plus urbain que celui de Stax à Memphis n'avait pas la crudité rauque du Sud, qu'il s'agisse du rhythm and blues de Rufus Thomas, Wilson Pickett ou Johnny Taylor ou du funk de James Brown.
Il a mis du temps à se politiser comme la soul de Chicago incarnée par Curtis Mayfield et la foule de protégés qu'il produisait sur son label, Curtom.
Ce genre de soirée attirant les connaisseurs et les puristes ou ceux et celles qui aiment juste ce son fait un bien fou. Les trois quart des titres sur lesquels on danse sont des classiques ou des titres appréciés, puis il y a nécessairement des trouvailles, mais aussi, disons le, des facilités. Mais c'est bien normal : dans une soirée consacrée à Stevie Wonder, en l'occurrence la dernières, j'ai été amusé d'entendre à côté des classiques Sir Duke, Isn't she lovely ou I Wish, La reprise de Respect ou We can work it out. Mais pas Contusion ou Shoo be doo be doo da day qui est un tempo lent très efficace.
Les amateurs de funk trouveront bien sûr leur compte. Si je n'ai pas encore bougé sur Bustin' out de Rick James ou sur Love Machine, Brick House ou Gonna give it up ont enflammé la salle plusieurs fois. En attendant un jour une rafale d'Edwin Starr (25 miles, Big Papa ou funky music sho' nuff turns me on) ou des compositions de Norman Whitfield dont l'œuvre ne se limite pas aux efficaces tubes de Gladys Knight and the Pips ou des Temptations. En effet, le bonhomme a commis l'efficace bande originale de Car wash.
La grande audace des concepteurs des soirées Motown du Djoon, c'est d'avoir conçu, à côté des spéciales Michael Jackson ou Stevie Wonder, des spéciales Marvin Gaye. Le "lover écorché" qui en fit frétiller plus d'une dans les années 70 a en effet conçu une musique dont la force érotique est telle qu'on imagine mal trois heures de termpos lents et suaves, aux formules suggestives. Qu'on se rassure, les morceaux les plus "hard" sont pour les vrais connaisseurs qui ne peuvent en profiter que dans des after avec l'être aimé(e). Ca a un charme désuet, mais à la lumière bleue en rentrant du Djoon, ça doit faire son effet... Pour ceux qui ça intéresse, écoutez donc l'intégralité de l'album I Want You... donc le jumeau est le Musical Massage de Leon Ware. Tout un programme.