Annoncé depuis longtemps comme un événement - l'évocation de la carrière de Diana Ross, Dreamgirls fait partie avec La Môme, Blood Diamond ou Letters from Iwo Jima des grands films de ce début d'année.
Le film de Bill Condon n'est pas à proprement parler une "biopic". C'est une comédie musicale par certains aspects, c'est moins l'histoire d'une personne en particulier que cette de toute une époque, celle où dans les années 50-60 ont émergé dans les grandes villes de centaines de groupes partis de rien et qui ont fait le bonheur de toute une génération. Par la suite, ils ont peut-être perdu eur âme parfois dans les méandres de la célébrité avant de trouver une forme de rédemption. De ce point de vue, la structure du film est académique, elle suit le cheminement de Ray ou des autres grands films du même genre.
D'où l'intérêt du personnage incarné par Eddie Murphy. C'est à la fois James Brown et Marving Gaye. Il campe bien ces stars du rhythm and blues, bêtes de scènes, roublard et coquins, séducteurs mais sensibles à leur popularité. Certains passant les étapes plus difficilement que d'autres, qui n'y survivent pas toujours...
Quand au trio, d'une classe suprême, si on peut oser ce jeu de mots. Les Dreamettes sont une évocation des Supremes. Curtis Taylor c'est Berry Gordy, jr et Rainbow records c'est... Tamla Motown. Tout se passe, dans le film comme dans le réel à Detroit.
Sans raconter toute l'Histoire, la vraie, les similitudes sont là. Gordy a fondé Motown - Mo'town pour motortown est le surnom de Detroit dans le Michigan. Cette ville industrielle abritait les usines General motors et notamment Ford. Les Noirs montés du Sud pour fuir la ségrégation et pour trouver du boulot émigrent souvent vers les grandes métropoles du nord comme Chicago ou Detroit. Là, en marge des chaînes de montage, les églises, les salons de coiffure ou les coins de rue sont les lieux où les jeunes apprennent à chanter. Souvent au sein de formations vocales à trois ou à quatre avec des noms qui font rêver.
L'enjeu pour Berry Gordy était de créer une maison de disques pour des Noirs et tenue par des Noirs. Motown ce n'est pas Atlantic, un grand label blanc qui produit de grands noms grâce au flair de Jerry Wexler et Ahmet Ertegun, récemment disparu. Ni Stax, une maison de disque mixte, mais qui est très enracinée dans l'identité noire du sud. La Motown va vouloir rester longue "the music of young America" et être confrontée au racisme dans le métier. Les fameuses "covers" où des Blancs reprennent des tubes pour qu'ils se vendent mieux et surtout, les pochettes retravaillées pour qu'aucune "face d'aubergine" n'apparaisse... La pop doit beaucoup au pillage systématique du rhythm and blues. Quelques artistes ont assumé cependant leur admiration pour cette musique et c'est tant mieux.
Gordy voulait tout contrôler. Production composition, interprétation. Seuls Smokey Robinson et Stevie Wonder purent être leurs propres auteurs. Il faut attendre la fin des années 60 pour que, cédant à la mode psychédélique (le génial Norman Whitfield et son travail avec les Temptations) le son bouge. L'étau se déserre à partir des années 70. Marvin Gaye et à nouveau Stevie Wonder en furent les plus beaux fleurons...
Quand Motown bouge vers Hollywood, c'est la fin d'un époque. On s'essaie au cinéma, mais la mission est finie. Motown fut pionnère dans les années 60, elle ne pouvait plus innover, mais demeurer une référence. Dreamgirls et avant lui le documentaire sur les Funk brothers, les musiciens maisons sont d'excellents hommages.
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