Ce mois de juillet, Marcel Manville aurait eu cent ans. Un nom très connu en Martinique et dans les parmi les compagnons de lutte de la cause algérienne, peut-être moins de nos jours.
Pourtant, quiconque s’intéresse aux débats sur la décolonisation, l’indépendance algérienne et à des figures comme Frantz Fanon, croisera mille fois le parcours de cet avocat qui comme lui, vit le jour en Martinique, comme lui, s’engagea dans les troupes françaises au cours de la Seconde guerre mondiale, au terme de quoi d’ailleurs, il reçut la médaille de…
Rendu à la vie civile, Manville ne cessa pas pour autant de combattre, cette fois contre le colonialisme sous toutes ses formes.
Formation
Marcel Manville voit le jour le 19 juillet 1922 dans la ville de Trinité, sur la côte atlantique de la Martinique dans une famille socialiste. Son père travaille à la mairie dont un des maires, Fernand Clerc, un mulâtre, a accepté de s’allier au leader socialiste Joseph Lagrosillière dans une coalition qu’on qualifierait aujourd’hui de « progressiste ».
Le père de famille fut aussi conseiller général socialiste du canton, mais il mourut très jeune, ce qui fit que le jeune Marcel fut élevé par sa mère, « potomitan » d’une famille nombreuse.
Comme beaucoup de jeunes à l’avenir prometteur, le jeune Marcel effectue ses études secondaires au Lycée Schoelcher qui accueille, depuis sa création en 1937, des élèves comme Edouard Glissant ou Frantz Fanon et des enseignants comme Aimé Césaire.
Héros de guerre
L’année de ses 17 ans, la colonie accueille comme gouverneur l’amiral Robert qui fait allégeance au régime de Vichy, ce qui a pour conséquence un durcissement des conditions de vie des Martiniquais. Cette époque qui est restée dans les mémoires sous le nom de « An temps Robè » est un temps sombre.
Certains Martiniquais partent à leurs risques et péril en « Dissidence » pour rejoindre les forces alliées qui luttent contre l’Allemagne nazie.
C’est d’ailleurs des colonies que viennent les ressources sur lesquelles la France peut s’appuyer. A la fois parce qu’il y a une adhésion massive à la cause menée par le général de Gaulle et aussi parce que Vichy n’a pas les moyens de maintenir sa loi dans tout l’Empire.
Dès le 18 juin 1940, le gouverneur du Tchad, Félix Eboué qui fut aussi gouverneur de la Guadeloupe, est l’un des premiers hauts dirigeants français en poste à rallier De Gaulle.
En 1943, à 21 ans, le jeune Manville, après le départ de l’amiral Robert, rejoint à son tour les FFL avec Frantz Fanon.
Les deux hommes, étaient condisciples, ils deviennent frères d’armes, ralliant, par le Maroc les forces françaises, débarquant avec elles en Provence en août 1944, au sein de la Iere armée, commandée par De Lattre.
Manville combat en Provence, jusqu’en Alsace où il fut décoré de la Croix de guerre.
Avocat militant
Après-guerre, Manville poursuit des études de droit et il prête serment en 1947. L’année d’avant, il a adhéré au Parti communiste, le « parti des fusillés », sorti auréolé de la guerre, dont Aimé Césaire est aussi membre.
Alors la principale formation de gauche, le parti, bien que stalinien séduit par son intransigeance et, malgré son lien avec l’Union soviétique qui s’engage dans la guerre froide, convainc par ses initiatives pour la paix. C’est ainsi que Marcel Manville participe à la fondation du Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et pour la Paix (Mrap) (aujourd’hui le Mrap signifie « mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) avec d’autres anciens combattants, des anciens résistants, des membres de la Lica, (future Licra), des FTP-MOI etc.
Parmi les fondateurs, le peintre Marc Chagall.
Manville devient alors un « avocat militant » qui défend principalement les causes des militants antillais, anticolonialistes dans un moment où, malgré la loi de départementalisation de 1946 qui a transformé les quatre vieilles colonies que sont la Guyane, la Martinique, la Réunion et la Guadeloupe en départements, les rapports de domination et d’exploitation ne changent pas et les abus de pouvoir, répressions violentes ou actes de mépris nourrissent la réalité des travailleurs et des citoyens ultramarins de ces années d’après-guerre.
En compagnie de Georges Gratiant (1907-1992), figure du communisme martiniquais, intellectuel, premier président du Conseil général puis par la suite, maire du Lamantin, la deuxième ville de l’île pendant trente ans - et de Gerty Archimède (1909-1980), première femme inscrite au barreau de Guadeloupe, militante communiste et une des premières députées des Antilles françaises, Manville défend avec succès les Seize de Basse-Pointe, des coupeurs de canne accusés du meurtre d’un béké qui les supervisait.
Un procès qui illustre l’engagement de l’avocat contre le colonialisme, ce qui le conduit naturellement à soutenir les indépendances indochinoise en algérienne et à soutenir les appelés du contingent antillais qui refusaient de combattre le FLN.
Un combat dans lequel il retrouve son ami Frantz Fanon plusieurs fois en Algérie. A cette époque, il fut l’un des avocats du FLN.
Cet engagement expose Manville assez naturellement aux menaces de l’extrême droite et notamment l’OAS qui, en 1961, fait exploser une bombe dans l’appartement parisien de l’avocat. Heureusement, personne n’est blessé dans l’attentat terroriste.
Manville défendit les militants de la cause algérienne chaque fois que cela lui était possible et, il était tout à fait cohérent qu’il défendit les intérêts des personnes issues des Antilles françaises.
Toujours en 1961, il participe à la fondation du Front antillo-guyanais pour l’autonomie avec Edouard Glissant et d’autres figures comme le militant guadeloupéen Georges Beville ou encore député socialiste guyanais Justin Catayé, Une organisation dissoute immédiatement par le pouvoir et qui lui vaut une interdiction de séjour pendant cinq ans.
L’année suivante le 22 juin, Beville et Catayé meurent dans le crash du vol Air France 117 qui heurte un morne en Guadeloupe dans des circonstances qui n’ont jamais été élucidées.
Dans les années 50-60, la départementalisation n’apporte pas la prospérité aux populations ultramarines. Dans beaucoup de cas, le départ constitue une option pour ceux qui peuvent. Mais surtout, en pleine ébullition des mouvements de libération nationale dans le monde, qui sont à l’origine et la conséquence de la décolonisation, les Antilles françaises, entre Cuba et le continent sud-américain, en face de l’Afrique, ne sont pas épargnées par ces soubresauts.
Le refus de la guerre d’Algérie, la circulation des discours sur l’autonomie, comme la prise de conscience qu’il faut secouer le joug qui maintient les inégalités sont de puissants facteurs de politisation pour une partie de la jeunesse.
Elle s’organise, malgré la censure et les intimidations du pouvoir, en outremer comme dans l’hexagone par exemple dans le Regroupement de l’émigration antillaise, L’Organisation de la jeunesse anticolonialiste martiniquaise (Ojam) ou encore le Groupe d’organisation nationale de la Guadeloupe (Gong), pour citer les plus connues de cette période.
En effet, malgré la départementalisation, le sentiment d’une persistance de la domination coloniale est conforté par la violence de la répression des mouvements sociaux : les morts lors de la grève du Carbet en Martinique en 1948, le massacre de la Saint-Valentin lors de la grève du Moule en Guadeloupe en 1952, les émeutes de décembre 1959 en Martinique, bientôt les « événements » de Mai 67 en Guadeloupe ou la grève de Chalvet dans la commune de Basse-Pointe en Martinique en 1974.
A chaque fois, une revendication sociale, sous forme de manifestation pacifique dégénère du fait de la brutalité des forces de l’ordre. A chaque fois, il faut déplorer des morts.
Durant ces années de plomb, les militants jugés « subversifs » sont souvent mutés dans l’hexagone par leur hiérarchie s’ils sont fonctionnaires et ceux qui militants dans l’hexagone sont interdits de séjour dans leurs îles natales. Ce fut le cas de Manville.
Les quatre départements d’outremer ne bénéficient pas de la décolonisation, bien au contraire. Le pouvoir gaulliste entend maintenir là ce qu’il a perdu ailleurs, mais au lieu d’y renforcer la République, il y renforce une approche autoritaire qui ne peut que nourrir les tensions.
Le contexte antillais c’est aussi ce que Césaire a nommé le « génocide par substitution » que fut le Bumidom.
Pour faire face à l’explosion démographique, le désœuvrement de la jeunesse qui a peu de débouchés et qui peut, du fait de ce qu’elle vit la rend perméable aux idées révolutionnaires, le gouvernement s’engage dans l’application d’une politique de migration à vocation économique via le bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer.
Des dizaines de milliers de jeunes partent grossir les cohortes de travailleurs employés à des tâches subalternes, en particulier dans la fonction publique, secteur où on n’embauche pas les immigrés.
Contre l’oppression partout dans le monde
Après l’indépendance de l’Algérie, et parallèlement à au combat qu’il mène pour les Antilles, Marcel Manville s’implique dans les luttes de libération nationale en participant par exemple à la Tricontinentale qui se tient à la Havane en 1966 et pour la cause palestinienne dès la même année.
Pour lui, la réponse au colonialisme ne peut se satisfaire de l’autonomie. La solution passe par l’indépendance. C’est ce qui marque une distance avec le Parti communiste qui, au lieu de l’exclure, lui demande de ne pas renouveler son adhésion.
Il s’engage contre la guerre civile qui divise le Nigéria entre 1966 et 1970 du fait de la sécession de la région du Biafra qui fit plus d’un million de morts, notamment à cause la famine.
La guerre du Biafra frappa l’opinion publique car c’est une des premières guerres civiles de l’après-guerre dans laquelle fut pratiqué le nettoyage ethnique. La division de la communauté internationale conduit à l’exacerbation du conflit au détriment des populations qui se retrouvent au cœur et en ligne de mire des jeux de mercenaires et de géopolitiques comme les connaissent plusieurs Etats d’Afrique minés par les sécessions territoriales après la décolonisation.
Manville s’implique aussi dans le soutien aux les prisonniers politiques tunisiens alors que le régime de Bourguiba, réformateur et progressiste au moment de l’indépendance, s’est durci.
La Palestine est aussi au cœur de son engagement.
Pour les Antillais, la cause palestinienne compte pour plusieurs raisons. D’abord du fait d’une importante communauté palestinienne et intégrée dans ces territoires depuis plus de cent ans qui est solidaire de son pays d’origine. Ensuite parce que l’occupation des territoires est perçue comme une politique coloniale qui porte avec elle une suite logique de violences. Mais il s’agit de territoires éloignés de la Caraïbe qui a déjà fort à faire avec ses propres défis, à quelques encâblures du puissant voisin nord-américain.
Les Etats-Unis veillent d’ailleurs sur l’ensemble du continent américain et la Caraïbe, soutenant toutes les actions de déstabilisation ou de renversement des dirigeants ou des régimes de gauche au nom de la « lutte contre le communisme », même quand leurs cibles ne sont que des démocrates.
Washington intervient ainsi en République dominicaine à plusieurs reprises dans ces années, au Guatemala, à Cuba (le fiasco de la Baie des Cochons), en soutien aux dictatures militaires en Amérique latine (Brésil, Chili, Argentine, Uruguay, Bolivie, Paraguay, etc.) au Salvador, au Nicaragua ou encore à la Grenade.
Tout cela constitue autant d’arguments contre l’impérialisme nord-américain qui s’embourbe au Vietnam.
Marcel Manville continue aussi de défendre des Antillais ou des travailleurs immigrés en France, notamment pour le compte de la CGT par exemple. Parmi les collaborateurs qu’il forme à son cabinet, une jeune avocate qui prendra la présidence du Mrap et qui deviendra députée de Paris, dirigeante du Parti socialiste puis ministre, George Paul-Langevin.
Retour au pays natal
Manville, âgé de 55 ans, revient en Martinique en 1977. L’île s’est beaucoup modernisée depuis les années 50. La gauche communiste à laquelle il appartenait en France, a connu une importance scission en 1956 avec le départ d’Aimé Césaire et la fondation en 1958 du Parti progressiste martiniquais (PPM). La critique envers le communisme français porte sur le fait qu’il ne soutient pas assez les courants indépendantistes ultramarins. D’ailleurs, Manville lui-même, rompt avec la branche martiniquaise du PC au moment des lois sur la décentralisation qu’il refuse au nom de l’indépendantisme qui a commencé à se structurer politiquement au cours des années 70 en Martinique.
Après l’Ojam dont beaucoup de militants structurent par la suite le courant autonomiste. L’extrême gauche agit aussi dans le cadre syndical et politique. C’est ainsi que de l’union départementale de la CGT-Force ouvrière émerge le premier syndicat autonome martiniquais, la Confédération syndicale des travailleurs martiniquais, CSTM dont le discours intransigeant et les méthodes d’action en font un acteur des tensions sociales de l’île.
Si la départementalisation de 1946 était une promesse d’égalité, le bilan tiré par Manville était que le Parti communiste n’était pas assez intransigeant sur les réponses à apporter aux problèmes des Martiniquais car, pour lui, la solution était dans une souveraineté totale.
En 1984, il participe à la fondation du PKLS (Parti communiste pour l’indépendance et le socialisme).
Le PKLS se revendique marxiste-léniniste. Il rejette la constitution de la Cinquième République et, au nom de l’indépendance, il appelle systématiquement au boycott des élections.
Pour préserver l’héritage politique de son ami Frantz Fanon, Marcel Manville fonde le Cercle Frantz Fanon en 1982. Ce sera son activité principale désormais.
Il s’agit diffuser la pensée de cet intellectuel natif de la Martinique qui est un auteur essentiel de la pensée anticolonialiste. En effet, même si Fanon a peu agi directement dans les débats intellectuels antillais à l’instar de de Césaire ou de Glissant, en deux textes, Peaux noires masques blancs et les Damnés de la terre, il a résumé l’essentiel des termes de l’aliénation des peuples colonisés et fixé, en psychiatre qu’il était, comme le fit aussi Césaire dans son Discours sur le colonialisme. Dans la Martinique des années 80, avec l’arrivée de la gauche au pouvoir qui a mis fin au Bumidom, mais qui est très vite confrontée à la crise en Nouvelle-Calédonie, la question indépendantiste demeure vive.
En effet, dans la Guadeloupe voisine, fait très rare dans l’histoire du courant nationaliste, une tendance s’est radicalisée, donnant naissance à l’Alliance révolutionnaire caraïbe (ARC) qui va perpétrer quelques actions terroristes aux Antilles et dans l’hexagone. L’expérience est un échec car d’une part, elle ne recueille aucune adhésion politique ou populaire déterminante et aussi parce qu’elle intervient à un moment où le bilan de la « lutte armée » dans l’environnement français est tiré et il est négatif : le groupe Action directe n’a recueilli aucun bénéfice de ses actions.
Maître Manville participe en 1992 à un procès symbolique à l’occasion du cinq-centième anniversaire de la découverte par Christophe Colomb de l’Amérique. Le degré de conscience atteint depuis longtemps par les habitants de la Caraïbe et des trois Amériques de leur trajectoire depuis 1492 ne leur permet pas de lire cet événement avec la même optique que les Européens qui s’en tiennent au récit « officiel ».
En effet, de la « découverte » pour les Européens et de la « rencontre » pour les peuples précolombiens, découlent un cycle qui va durer plusieurs siècles de massacre, d’oppression, d’esclavagisme et de colonisation qui conduit à la destruction de cultures anciennes et à la déportation massive d’esclaves capturés en Afrique.
Christophe Colomb symbolise, parce qu’il fut le premier et le plus connus des Européens à mettre le pied dans ce que les Européens appellent le Nouveau monde l’exploitation déshumanisante que fut la colonisation quand bien même il n’en fut ni l’instigateur ni le théoricien.
C’est ainsi que du 9 au 11 décembre 1993, à l’initiative du Cercle Frantz Fanon, le Théâtre municipal de Fort-de-France, qui abrita l’hôtel de ville jusqu’aux années quatre-vingt, devient le prétoire d’un procès symbolique dont l’accusé était Christophe Colomb.
Y participent entre autres Pierre Aliker, le bras droit historique d’Aimé Césaire, Christiane Taubira, alors députée de Guyane, l’ancien directeur de l’Unesco Amadou Mahtar M’Bow ou encore le philosophe Louis Sala-Molins.
Ce tribunal symbolique est présidé par Thérèse Yoyo Likao, une figure féministe qui fut la première déléguée aux droits de la femme, nommée par le Président François Mitterrand.
Manville explique sa démarche en expliquant qu’il était « obscène » de demander aux peuples colonisés de célébrer un événement qui fut une des raisons de leurs malheurs – à commencer par l’extermination de milliers d’Amérindiens et la traite négrière.
La date de la « découverte » de Christophe Colomb correspondant à l’expulsion des juifs d’Espagne, Manville justifie le procès posthume en rappelant la pratique des consistoires cadavériques qui, du temps de l’Inquisition médiévale, consistait à juger quelqu’un, même après sa mort.
Il s’inspire aussi du Tribunal de Nuremberg.
L’unique témoin de la défense fut Michel Lequenne, un spécialiste de Christophe Colomb, également connu comme militant anticolonialiste de la première heure et figure du trotskysme français.
Lequenne écrivit par la suite une longue critique de ce procès.
Manville a passé les cinquante dernières années à mesurer l’ampleur des drames causés par le colonialisme qui furent un prix bien trop élevé par rapport aux bénéfices de la colonisation.
Cette initiative lance un débat qui débouchera sur la qualification de la traite négrière et de l’esclavage colonial comme crime contre l’humanité par l’Assemblée nationale et le vote de la Loi Taubira.
Derniers jours
Manville est partisan d’une action en faveur de réparations pour les victimes de la traite. D’abord pour Haïti qui fut contrainte de dédommager les colons français après son indépendance en 1804.
Même les conditions de son décès sont dans un temps militant. L’avocat septuagénaire, toujours lié au Mrap accompagne l’organisation alors dirigée par celui qui en a le plus profondément marqué l’histoire, Mouloud Aounit, dans un combat judiciaire compliqué : déposer plainte pour faire la lumière sur le massacre du 17 octobre 1961 au cours duquel, la police aux ordres de Maurice Papon a tabassé et tué plus d’une centaine d’Algériens à Paris et dans certaines communes limitrophes.
Le 2 décembre 1998, Manville décède en plein Palais de Justice, loin de son lit… D’une certaine façon, il n’avait jamais quitté le front.
***
Homme de son temps, l’avocat Marcel Manville était un anticolonialiste d’un seul bloc. Du colonialisme il critiquait la dimension aliénante dont Fanon a parlé. Il en critiquait la dimension asservissante, avec l’esclavage et la dimension oppressante ce qui le conduisait à s’engager pour la cause palestinienne.
Sur ce dernier point, Manville qui avait défendu toutes les causes de libération nationale ou presque, ne pouvait ignorer la question palestinienne, non réglée depuis 1967 si on prend la question des frontières, ou 1948 si on prend la question des réfugiés.
La présence d’une communauté moyen-orientale aux Antilles (Palestiniens, Libanais et Syriens) donne à cette cause un écho plus concret malgré l’importante distance.
Manville fait partie de ces intellectuels et de ces hommes d’action qui n’ont pas vécu les Trente Glorieuses autrement qu’à travers le combat pour l’émancipation.
Il ne cherchait pas à plaire aux dominants, mais à être utile aux dominés.
La France perdit son âme dans l’affaire algérienne qui divisa aussi la gauche. Elle ne sut pas faire le deuil de l’Empire et ce qu’elle ne pouvait « imposer » aux colonies d’Afrique, elle l’imposa, par d’autres moyens parfois à l’outremer, créant les conditions d’une forme d’atonie ou d’aliénation qui produit, tel un volcan, parfois, des explosions, pour retomber ensuite en sommeil.
Mais à l’inverse de l’Algérie, nul vrai mouvement national de masse n’émergea suffisamment aux Antilles pour imposer un rapport de force avec la France. Puisque l’indépendance n’était qu’un projet politique minoritaire et que l’assimilation était enfin rejetée, restait une autonomie qui méritait, par-delà l’intention, un projet cohérent et des perspectives. On en est encore là aujourd’hui…
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