La nomination de Pap Ndiaye comme ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse a soulevé très rapidement des commentaires violents du côté de l’extrême droite et, d’une tonalité différente, même s’il s’agit des mêmes arguments du camp qui revendique de lutter contre le « wokisme » et « l’indigénisme ».
Comme le dit Ian Brossat, la virulence des attaques venues de l’extrême droite a donné raison à Pap Ndiaye quand il notait qu’il y avait un racisme structurel en France.
Alors que le nouveau ministre avait rendu hommage, dans sa première déclaration publique à Samuel Paty, signalant par là même, le profond traumatisme qu’avait causé l’assassinat d’un enseignant dans l’exercice de son métier, il fut la cible d’attaques virulentes.
Evidemment, le successeur de Jean-Michel Blanquer attirerait l’attention après les cinq ans – un record de longévité – de ce dernier comme ministre de l’Education nationale.
Le choix de Pap Ndiaye est un virage à 180° sur les questions liées à l’identité et à la possibilité de faire mémoire commune au point qu’on se demande ce que tout cela cache.
Mais ce qui est vraiment important, c’est de savoir si, avec ce nouveau ministre, l’école et la jeunesse disposeront de moyens en faveur du savoir : pourra-t-on imaginer plus de moyens, une meilleure formation, de meilleurs salaires, des conditions de travail décentes, des remplacement plus systématiques ? Moins de discriminations selon les territoires ou les origines…
Dans les attaques comme Pap Ndiaye, il y a, au fond, l’idée qu’on ne peut pas parler de racisme, de discriminations ou du fait colonial autrement que de la façon la plus conservatrice qui soit.
Jean-Michel Blanquer était un conservateur assumé dans sa vision de l’école, en phase avec toute une catégorie de personnes qui, face aux bouleversements du monde contemporain où tout est bousculé : de l’Histoire aux questions d’identité et de genre, de la sexualité à la place des femmes ou encore le rapport à la domination masculine, tout est questionné parce qu’il s’agit de traquer les discriminations et les inégalités.
Le fait qu’il faille prendre en compte les minorités dans une dimension universaliste signifie bien qu’il faut que majorité et minorité se rejoignent dans une relation d’égalité, c’est-à-dire dans un rapport qui n’est pas celui où un groupe supérieur s’impose à un groupe inférieur.
Cela produit une peur, une forme d’insécurité comme si ce qui était donné aux uns était pris aux autres. C’est ne rien comprendre à la République.
On peut s’interroger sur les raisons qui ont conduit Emmanuel Macron à opérer un tel virage, mais c’est secondaire par rapport à des questions bien plus importantes :
Le pays n’a pas besoin d’une nouvelle guerre scolaire qui serait provoqué par les fatwas lancées par des élites paniquées à l’idée que le nouveau ministre, pur produit du meilleur de ce que fait l’école républicaine, ne fasse pas de l’égalité des chances un slogan, mais un programme d’action.
Dans l’Ecole où Samuel Paty ne peut plus enseigner, il ne s’agit pas uniquement de prétendre ramener un ordre qui protégerait contre la violence et le meurtre, mais s’en donner les moyens avec sincérité et constance.
Cela veut dire évidemment de mettre « quoi qu’il en coûte » des moyens dans l’éducation. Plus d’enseignants, mieux formés, mieux payés, mieux affectés, mieux considérés et plus respectés.
Cela signifie aussi une nouvelle relation avec les parents d’élèves dont certains doivent comprendre qu’ils forment un ensemble dont la ligne ne peut être « mon enfant contre le reste du monde », mais plutôt « nos enfants mieux préparés pour affronter le monde ».
De nos jours les mentors de la jeunesse ne sont pas uniquement le prof, un père ou un grand frère, il y a aussi ce flot ininterrompu sur les réseaux sociaux qui sont autant de cours magistraux qu’on ne peut interrompre par des questions.
Il faut protéger l’école du marché et aussi de la haine. Elle déroge à sa mission si en éduquant elle ne libère pas, voilà pourquoi elle est un bien commun, précieux qu’il faut défendre contre les idéologies de l’oppression qui, n’en doutons pas, feront tout pour faire échouer le ministre dont la mission compte pour le pays.
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