Et le 10 avril effaça le 21 avril ! Il n’est jamais simple d’écrire « à chaud », quand bien même, l’issue du premier tour de l’élection présidentielle ne fait que confirmer un scénario "imposé" sous le feu roulant des rollings hebdomadaires des instituts de sondage dont les prévisions passaient pour des injonctions à écouter les commentateurs qui s’intéressaient moins aux idées et aux programmes qu’aux personnes et aux bruits d’une campagne d’une rare pauvreté intellectuelle.
Nombreux seront les commentaires sans originalité pour déplorer, moquer, saluer ou constater « la mort du PS » et ceux qui n’aura pas assez balles pour continuer à tirer sur le cadavre, même si la situation actuelle en Ukraine incite à mesurer certains propos définitifs…
Mais le constat d’échec, l’acte de décès même n’est pas un début de réponse à la question qui se pose dès maintenant : comment reconstruire car il est évident que personne ne croit une seule seconde que le cuisant échec du Parti socialiste signe la mort définitive de la gauche ou de la social-démocratie à la française.
Le fait même que des partis comme LFI aient réussi à convaincre par un récit, un leader, une rhétorique, un vocabulaire et un projet, à fédérer des gens qui y ont cru et à attirer des gens qui par tactique, par romantisme ou nostalgie, par envie de « bruit et de fureur », les faisant voter avec leur cœur, leurs tripes ou leur rage, prouve que la politique n’est pas condamnée au désenchantement et que la gauche sait faire vibrer.
Le fait même qu’au Portugal, après trois mandats, les socialistes obtiennent une majorité absolue, qu’ils soient au pouvoir en Espagne, que les sociaux-démocrates en Allemagne et dans les pays nordiques soient également au pouvoir pousse à questionner cette « exception française » dont on se serait bien passé. Soit le nuage de Tchernobyl ne sait pas arrêté à la frontière en 1986 et alors il faut trouver les moyens de la « remontada », soit la terre est plate et il n’y a plus de place à gauche pour autre chose que le péronisme à la française qu’incarne Jean-Luc Mélenchon, et qui, du fait de sa personne, n’est ni transmissible à son dauphin ni assuré de survivre dans une formation unitaire telle que LFI est encore aujourd’hui…
Pourquoi je voterai Macron au deuxième tour
Puisque chaque électeur se fait stratège, ne votant pas forcément pour un programme, mais souvent pour envoyer un signal, punir ou simplement soutenir sans trop prêter attention aux propositions, je veux dire ici que le 24 avril prochain, je voterai contre Marine Le Pen en mettant un bulletin « Emmanuel Macron ».
D’abord parce qu’un vote contre l’extrême droite c’est un vote pour quelqu’un d’autre et si je reproche beaucoup de choses à l’actuel Président dans son projet, sa pratique du pouvoir et son bilan, j’ai en commun avec lui, le choix de la démocratie dans une Europe qui n’est pas celle des nationalistes.
Pour moi, plus l’extrême droite est basse dans les urnes, mieux je me porte.
Mais c’est un vote de colère et de tristesse car jamais la gauche n’a été capable depuis 2017 d’être autre chose que l’alliée objective de cette stratégie mortifère qui avait pourtant été terriblement efficace alors : la ringardisation méthodique des partis dits traditionnels par une dépolitisation assumée.
Peut-être que cette fois, la leçon sera comprise…
Je comprends les électeurs qui disent « on nous a déjà fait le coup en 2017 alors là, allez vous faire voir » et je ne sais pas comment les convaincre, mais « à titre personnel », je ne veux pas reste sans rien faire.
Sans entonner le refrain du « Plus jamais ça », mais sans oublier non plus le mot d’ordre ultraviolent et sectaire « Plus jamais PS » des Insoumis, il faut tirer les leçons du cours nouveau engagé au PS depuis 2018 dont il faut admettre qu’il a conduit à un échec : au fond, le PS ne savait pas trop comment aborder une présidentielle ingagnable – et on ne peut pas lui en vouloir – mais il a commis l’erreur de sacrifier ses propres troupes au nom du dépassement sans mesurer qu’il marquait ainsi son effacement face à des forces politiques auxquelles il voulait s’allier alors que celles-ci voulaient se substituer à lui.
A 2 % à peine, le PS est nu, il ne peut plus rien cacher, plus rien relativiser, plus rien camoufler s’il veut repartir. Mais pour cela, ce n’est ni une question de chance, ni une question cycle, ni une question d’opportunité. C’est une question de croyance, d’envie et de volonté d’acier, allié à une humilité, une écoute et une ouverture d’esprit sans précédent tout en puisant dans nos ressources car la gauche « non radicale » est celle qui a bâti l’essentiel des lois sociales du pays et elle a encore de l’avenir pour peu qu’elle sache se relever.
Anne Hidalgo ou les excès de la haine
Les Romains disaient « Vae victis » après une défaite militaire et après une déconvenue politique fatale, ils rappelaient « Arx Tarpeia Capitoli proxima »… De même, lors des triomphes des généraux victorieux, un esclave brandissant la couronne du vainqueur leur rappelait « n’oublie pas que tu es un homme » afin de l’inciter à se préserver de l’hubris.
Beaucoup de socialistes ont été aveuglés par l’insolente bonne santé électorale dans la capitale depuis 20 ans au plan municipal, malgré les déroutes dans d’autres villes en 2014 par exemple. Certains ont mal mesuré la folie de l’obsession anti-Hidalgo qui confinait au harcèlement sur les réseaux sociaux, à la haine et à un antiparisianisme démagogique – comme s’il n’y avait qu’à Paris qu’existait une bourgeoisie aisée et arrogante.
Il ne serait pas juste de faire d’Anne Hidalgo la cible commode sur laquelle on se soulage, selon la formule bien trouvée attribuée je crois à sa rivale Rachida Dati sur la logique des mœurs en politique : « d’abord on lèche, ensuite on lâche, enfin on lynche ». Ca dédouane peut-être mais cela ne règle rien même si comme disait Kennedy « la défaite est orpheline alors que la victoire a mille pères ».
S’agissant du PS, on serait tenté pour le coup d’attribuer mille pères et mères à la défaite tant ses victoires récentes semblent minimes !
Anne a porté un combat rude et ingrat qui ne va pas de soi malgré l’envie et la préparation.
Elle a connu là sa première grande défaite, comme Valérie Pécresse d’ailleurs, ce qui sur le plan humain constitue une épreuve qu’il ne faut ni relativiser ni moquer.
Elle a été portée par des milliers de personnes qui n’ont pas douté, votant lucidement avec leurs convictions et leur conscience entière des réalités du pays.
Tout cela est un argument de plus dans la nécessité d’aborder la période avec gravité, sans chercher à tirer quelque profit.
Heureux celles et ceux qui sont déjà dans l'après, sachant à peu près exactement quoi faire et sans qui, mais à ce stade, point de "zapping"... C’est aux milliers de militants qui se sont donnés et qui y ont cru qu’il faut penser tout en se disant qu’une fois qu’on aura digéré tout cela, en prenant tout le temps qu’il faut, celles et ceux qui voudront rebâtir ne seront pas seuls et toutes les bonnes volontés sont les bienvenues, quelques soient les états de service et les générations.
La bataille des législatives, exceptionnellement longue commence, peut-être l'occasion de corriger les erreurs et de se donner les moyens de reconquérir les cœurs pour le bien du pays.
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.