Le 24 avril prochain (la veille on vote déjà en outremer et dans certaines parties de l’étranger), le choix sera entre un candidat républicain et une candidate héritière des traditions anti-républicaines.
Marine Le Pen n’a jamais renié son héritage politique. Elle a simplement cessé d’y faire référence pour mieux séduire et mieux attirer un électorat qui n’est évidemment plus réductible aux partisans de l’extrême droite, raciste, antisémite et violente.
La caractérisation du RN et l’attitude à son égard aujourd’hui voient se répéter les mêmes erreurs qu’au temps du Front national de Jean-Marie Le Pen.
La diabolisation a des effets limités car la morale n’agit pas indéfiniment en politique. Mobiliser la mémoire de l’extrême droite, convoquer le fascisme ou évoquer l’Histoire des régimes autoritaires de droite en 2022 a peu d’effet d’autant que l’extrême droite, marqué par son « péché originel » du 6 février 1934 et plombée par le nazisme, a su, depuis les années 60, réaliser un formidable travail de reformulation de son vocabulaire et de ses tactiques de conquête du pouvoir. Par la ruse et la dissimulation, elle échappe à ce qu’elle appelle des caricatures.
La banalisation qui consiste à considérer que les idées de l’extrême droite en valent d’autres, qu’il est moralement et politiquement acceptable de les considérer comme « vraies ». En d’autres termes, cela revient à valider leur approche de la réalité. Une fois qu’on a franchi ce cap, il est impossible d’imposer un autre récit.
Le mimétisme qu’a tenté une partie de la droite, loin d’affaiblir l’extrême droite, la conforte dans l’idée que son discours sur les trois I - identité, immigration, insécurité - est le bon et, comme on dit, les électeurs préfèrent toujours l’original à la copie.
Le Front républicain permanent conforte l’extrême droite dans l’idée que gauche et droite c’est bonnet blanc et blanc bonnet. Cette mesure d’urgence ne peut être qu’exceptionnelle. Sa répétition comme pour les présidentielles de 2017 et 2022 l’affaiblit et elle conforte les électeurs dans l’idée qu’il ne produit aucun sursaut.
L’ignorance, c’est-à-dire ne pas parler de l’extrême droite « pour ne pas lui faire de la pub » comme on l’entend souvent est aussi une erreur car on ne répond pas à une question en ne la posant pas ou par le silence. Cela revient évidemment à nier une réalité politique.
L’extrême droite a profité du temps long de l’Histoire, de la dépolitisation, des basses eaux idéologiques, de l’amnésie pour avancer en ringardisant les récits se fondant sur l’Histoire et en considérant comme caricatural les caractérisations idéologiques.
Le RN a même tenté un coup judiciaire en attaquant celles et ceux qui le traitaient de « fasciste ». Ce fut sans succès, mais si la justice leur avait donné raison, on aurait franchi un cap.
« Le fascisme ne passera pas »
L’argument ne porte plus d’autant qu’il n’est pas nécessairement pertinent. Galvaudé depuis des lustres, c’est l’insulte politique la plus infâmante depuis l’après-guerre, mais elle banalise le fascisme lui-même qui, comme on l’a dit, a appris de son histoire, se dérobant justement à ses vieux démons.
On emploi de façon plus « soft », « national-populisme ou « souverainisme » - ce dernier terme trop doux ne reflète pas la dureté du nationalisme, ce qu’est véritablement le RN.
On n’a pas besoin de « nazifier » l’extrême droite pour souligne combien elle est antidémocratique, violente, raciste et réactionnaire.
Il faut par contre contester son récit sur l’invasion, la peur de l’autre et raconter en termes simples, ce que serait une société sous leur emprise. On en a déjà un aperçu avec les obsessions anti musulmanes ou les attaques contre l’Histoire nationale et le lot de discriminations qu’elles charrient. C’est cela qu’il faut combattre d’autant que la zemmourisation est une « relepénisation » c’est-à-dire un discours décomplexé qui parie sur l’ignorance et la nostalgie. C’est-à-dire tourné vers un passé réécrit par une poignée quand il faudrait écrire l’avenir avec tous.
La tâche historique de la gauche d’après sera, non pas de se diviser, mais de réinventer un projet social et un nouveau récit émancipateur pour renvoyer l’extrême droit là d’où elle n’aurait jamais dû sortir.
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