Il était à ce stade, le plus âgé des acteurs récompensés par un Oscar, un prix qu'il avait obtenu en 1964 - l'année où Martin Luther King obtint le Prix Nobel de la Paix. Au cours de sa longue carrière il avait joué avec les plus grands : Paul Newman, Richard Widmark, Rod Steiger, Robert Redford, Katharine Hepburn, Spencer Tracy, James Earl Jones, Richard Gere...
Sa disparition est celle d'un homme qui incarna jusqu'à nos jours l'élégance, la classe, la pureté morale et la grâce.
Le descendant d'esclaves, originaire des Bahamas était né la même année qu'une autre figure de la musique et du cinéma, elle aussi antillaise, Harry Belafonte et très vite, dans les années 50, après l'Actor' Studio, Sidney Poitier s'imposa comme l'acteur afro-américain le plus connu du cinéma hollywoodien. Cela effaça - sans qu'il y soit pour quoique ce soit, les dizaines de seconds rôles dont certains acceptaient d'entrer dans les schémas stéréotypés du cinéma américain d'alors.
D'ailleurs, quand il tourna "Devine qui vient dîner" cela installa un débat sur la manière d'appréhender la question raciale : rassurer le Blanc sans trop le brusquer dans sa bonne conscience. Dans une Amérique qui voulait aller plus loin et plus vite que les Marches des Droits civiques...
Pour nous, Sidney Poitier était la quintessence de la classe.
On comptait alors les Noirs au cinéma et à la télévision dans des rôles phares. Il n'y en avait pas beaucoup et en Martinique, il touchait plus que les grands textes car le pouvoir de l'image compte plus que les mots et le voir à la télé nous renvoyait une image qui nous faisait du bien : nous n'avions pas tant d'icônes noires que cela et ça n'allait pas toujours de soi d'avoir une fierté d'être nous-mêmes et lui a joué ce rôle.
Il incarnait cette élégance qu'on retrouve chez Harry Belafonte et aujourd'hui chez un Denzel Washington ou un Dennis Haysbert et il a montré le chemin.
Après lui, ce fut plus simple pour ceux et celles qui ont suivi, Halle Berry, Whoopy Goldberg, Forrest Whitaker ou encore Willy Smith, Larry Fishburne ou Ving Rhames... La liste est longue d'acteurs et de metteurs en scène pour qui c'est plus facile à Hollywood aujourd'hui qu'avant.
Comme a dit un des comédiens dans l'hommage qui lui fut rendu par l'Académie des Oscars il y a quelques années pour l'ensemble de sa carrière, "quand je sens que c'est difficile pour moi, je me souviens toujours de comment ce fut difficile pour lui"...
Consécration ultime, Sidney Poitier avait été décoré par Barack Obama de la Médaille de la Liberté, la plus haute distinction du pays. Le descendant d'esclaves qui était devenu Chevalier de l'Ordre de l'Empire britannique, demeure un repère. Il y a un chemin.
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