Ce 9 décembre, comme chaque année à cette période, nous rendons hommage à l'ancien Premier ministre israélien, assassiné en 1995 par un militant d'extrême droite, lui aussi, israélien.
L'année prochaine, on pourrait ne pas (seulement) se souvenir de lui au moment de sa mort violente, mais aussi de l'ensemble de son œuvre puisque 2022 sera l'année du centenaire de la naissance de ce héros de guerre devenu héros de paix.
Rabin était de cette génération des bâtisseurs de l'Etat hébreu. Né en Israël d'une famille venue d'Europe, s'il n'y avait pas eu la guerre, il serait devenu un expert en questions agricoles, mais au kibboutz ou on apprend le socialisme démocratique, on doit aussi se défendre et sa jeunesse fut occupée par le combat au sein du Palmach, l'unité d'élite de la Haganah.
Membre de la délégation qui négocie le cessez-le-feu après l'indépendance, il participe aux autres engagements du jeune Etat et notamment à la guerre de juin 1967.
On le sait, la question palestinienne telle qu'elle s'est posée par la suite, est née de l'occupation des territoires conquis à ce moment et que, malgré les résolutions des Nations unies, l'Etat hébreu n'a pas évacué.
C'est ce qui fait le caractère particulier du conflit israélo-palestinien : les revendications sont connues, elles ont été discutées mille fois.
Rabin a été diplomate, en poste aux Etats-Unis, puis, une première fois Premier ministre, dans les années 70 après la chute de Golda Meir.
C'est sous son mandat qu'a lieu le détournement du vol Air France sur Entebbe. C'est aussi le moment où le déclin de la gauche va ouvrir, pour la première fois dans l'Histoire du pays, les portes du pouvoir à la droite nationaliste, mais à cette époque, le désir de paix l'emporte et les Accords de Camp David permettent de sceller un traité entre Israël et l'Egypte. Un acte que le Premier ministre égyptien, Anouar El Sadate paya de sa vie...
Rabin revint aux affaires politiques dans les années 80 et dans le fracas de la premier Intifada, son intransigeance illustra le blocage d'une situation qui devait s'ouvrir quelques années plus tard avec l'ouverture, puis l'intensification, de discussions entre Israéliens et Palestiniens.
Rabin redevenu Premier ministre en 1992 doit mener une guerre sur deux fronts : pour la paix et contre le terrorisme et il y parvient avec les Accords d'Oslo et la poignée de main en 1993 avec Yasser Arafat.
Cette Paix des Braves tant souhaitée butte sur l'intransigeance.
Le terrorisme chauffe la population israélienne à blanc alors que la poursuite de l'occupation des Territoires palestiniens grossit les troupes des groupes armés qui ne partagent pas tous la position de l'OLP qui a elle-même révisé la sienne : le futur Etat de Palestine a vocation à voir le jour non pas à la place d'Israël, mais à côté, "dans des frontières sûres et reconnues" comme dit la formule.
La radicalisation, côté israélien où on a vu des extrémistes assassiner des Palestiniens, appeler au meurtre du Premier ministre, dans des manifestations où on brandit des pancartes à l'effigie d'un Rabin vêtu d'un uniforme de SS ou d'un keffieh aboutit à ce qu'on craignait, l'assassinat du chef du gouvernement.
La donne a changé dans la région.
Netanyahu qui ne fut pas en reste dans la vague anti Rabin, et qui a dominé la vie politique pendant vingt ans, a enfin disparu du devant de la scène, mais la politique en Israël, rarement pauvre en surprises, interdit que l'on tire un trait définitif sur une période où l'intransigeance dominait.
Le gouvernement Bennett-Lapid, historique dans sa composition - l'ensemble des forces politiques y sont représentés dans une diversité inédite - doit gérer la crise sanitaire mais il bénéficie d'une donne régionale nouvelle avec les Accords d'Abraham dont l'ampleur est évidemment historique, mais qui masquent mal l'isolement des Palestiniens qu'ils induisent, à moins que la situation évolue.
En tout cas, il faut continuer la lutte pour aboutir à cette solution à deux Etats qui est plus sérieuse que tous les artifices qu'on peut inventer et qui ne sont que la preuve d'un refus qui est un contresens historique.
Le sens d'un hommage ne peut pas se limiter à l'acte de mémoire. Il doit se prolonger dans l'action car c'est ce qu'aurait continué celui qu'on honore.
Voilà pourquoi, le combat pour la paix ne peut pas être un vœu pieux, mais une action résolue, forcément minoritaire dans un premier temps pour faire qu'un jour, ce soit une réalité et que les enfants des deux pays vivent heureux sans craindre pour leur sécurité.
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