Si on mettait un euro à chaque fois que ce nom et l’idéologie qu’il véhicule sont évoqués, il y aurait de quoi mettre le smic à 2500 euros, déchlordeconer nos îles et en finir une fois pour toutes avec les sargasses.
Son omniprésence comme un aimant qui attire des gens qui devraient pourtant s’intéresser à autre chose représente pour nous, ultramarins, une menace sérieuse et nous devons en être conscients.
Nous sommes les enfants de la traite négrière, cette déportation de masse et cette servitude assumée du 17ème au 19e siècle par la fille aînée de l’église que seule la République stoppa, même s’il fallut s’y prendre à deux fois.
On ne nous a pas laissé le choix, donc notre assimilation à la France ne fut jamais tout à fait une adhésion volontaire, mais une acculturation forcée comme dans tout système colonial.
Dans les écoles de ces colonies, devenues départements, on nous apprenait « nos ancêtres les gaulois ». Il ne fallait pas parler créole parce que sinon on ferait des fautes de français. Le cheveu défrisé permettrait à la femme ne faire illusion sur sa chevelure initiale plus proche du Jex, cette paille de fer qu’on utilisait pour récurer les casseroles.
Si on était une « négresse gro chivé » ou un nègre au « chivé grain nain », cela voulait dire qu’on n’avait pas été « sauvé » par les facéties du métissage qui permet à une élite d’avoir la peau et les cheveux d’une couleur « wayayaï », un nez pas trop épaté et des lèvres de calibre acceptable. Il ne fallait pas que la couleur de la peau soit de ce noir « bleu marine » des nègres marron, mais cette couleur café, et ce cheveu « couli » que le moindre souffle de vent fait onduler.
Cela dit, depuis quelques années, l’usage des solutions de bronzage et les injections faites pour épaissir les lèvres sont à la mode.
On avait beau parler le français « de France » en usant d’un vocabulaire riche que quelques années passées « en métropole » avaient complété des expressions populaires comme « purée ! » ou « j’te jure », jusqu’à la prononciation qui restituait à la lettre « R » tout son être, ce qui faisait dire aux créolophones de toujours qu’on « brodait ».
D’ailleurs, l’accent était un signe d’intégration assuré.
Quand bien même la France serait « débarrassée » de ses étrangers et de leur descendance, fût-elle française, il resterait les ultramarins, preuves vivantes que la France de Zemmour, Morano and Co n’existe pas.
Mais, à l’inverse, même le plus assimilé des ultramarins ne sera jamais à l’abri d’un renvoi aux origines, enfermé dans des préjugés qui lui fermeront certaines portes ou qui feront planer un doute qui n’existe pas pour d’autres.
L’assimilation est un débat d’hier
Le débat sur l’assimilation a été résolu dans la pensée afro-antillaise depuis longtemps.
Les plus vieilles colonies n’ont évidemment pas échappé au débat sur la décolonisation – le texte fondamental d’Aimé Césaire « Discours sur le colonialisme » fait encore autorité aujourd’hui – et leur maintien dans le giron français a eu comme effet de poser la question du vivre ensemble dans ce « pays dominé » dont parle Patrick Chamoiseau.
Par leur vécu, les ultramarins ne rentrent pas dans le mythe ethnique de la France sur lequel fantasme l’extrême droite, tout comme les descendants de ces gens venus de Pologne, d’Afrique, des pays méditerranéens venus dans notre pays depuis des décennies.
On a fini par comprendre qu’être Français, dans l’esprit de 1789 notamment, c’était moins troquer une identité contre une autre qu’adhérer aux principes de la Nation, une nation républicaine. D’ailleurs, la façon dont les citoyens de confession ou de culture juive furent accueilli montra le génie de la République, mais l’Histoire a montré par la suite que l’assimilation la plus poussée ne vaccine pas contre l’antisémitisme le plus forcené. Ainsi l’Affaire Dreyfus, ainsi le maurrassisme, ainsi la collaboration, ainsi le lepénisme…
Il est probablement que certains considèrent que le racisme envers des Français « qui font des efforts » est un dommage collatéral, mais il faudrait dire de quoi car, les musulmans ne peuvent pas être la cause de tout !
La candidate socialiste à l’élection présidentielle Anne Hidalgo, elle-même « issue de l’immigration » comme on dit, le dit clairement, « l’assimilation c’est l’effacement des origines », or la France s’est construite sur la rencontre et le mélange.
Alors oui, comme on trouve des Antillais dans les ouailles de Saint-Nicolas du Chardonnet ou dans les rangs de l’extrême droite, il s’en trouvera pour dire que Zemmour a raison. Lui qui voit en Edouard Glissant un « Alain Minc antillais » - preuve qu’il n’en a pas lu une seule ligne – indique par là même qu’il zappe volontairement toute une partie de ce qui fait ce pays. Donc ce n’est pas un rassembleur, or ce dont la France a besoin, c’est d’unité, d’un rassemblement autour de quelque chose qui nous permet de nous dépasser. C’est tout comme cela que notre beau pays a gagné et qu’il a rayonné dans le monde.
Mais ces Lumières- là, certains, veulent les éteindre. Pas nous, et nous ne laisserons pas faire.
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