La convention d’investiture d’Anne Hidalgo par le Parti socialiste ce 23 octobre n’est pas que l’ultime étape statutaire de la sélection d’une candidate à l’élection présidentielle.
Elle est un moment politique dont il faut saisir tout le sens et cela ne se résume pas à la « relance d’une campagne dont le début connaît des ratés ».
Le Discours de Lille prendra la suite du Discours de Villepinte prononcé par François Hollande, ce qui avait donné un élan important à la campagne socialiste et donné un espoir a celles et ceux qui rêvaient de la fin du sarkozysme.
Le lieu d’abord n’est pas anondin.
Lille c’est la ville dont Martine Aubry est maire depuis vingt ans. Les deux femmes ont été proches, et à elles deux, elles représentent cette gauche responsable, celle qui réussit au plan municipal, celle qui a produit des réformes importantes sur le plan de l’emploi sous Lionel Jospin et, pour Martine Aubry, ce que les commentateurs ignorent sciemment, cette génération qui a relevé le Parti socialiste au début des années 2010 en redéfinissant sa doctrine, en mettant à jour son projet. A cette époque, il y avait même une plateforme commune aux socialistes et aux écologistes.
Lille c’est évidemment, le beffroi socialiste depuis longtemps dans un bastion historique du mouvement ouvrier.
Pierre Mauroy, le premier chef de gouvernement socialiste depuis Guy Mollet, sous le premier Président de la République socialiste élu au suffrage universel, François Mitterrand, en fut la figure dominante pendant plus d’un demi siècle. Il représente l’ancrage local, l’expérience gouvernementale et le sérieux. De la fédération du Nord à l’Internationale socialiste en passant par la fondation de la fédération Léo Lagrange, une des principales structures d’éducation populaire de France, Mauroy qui était tout sauf un gauchiste, fut l’homme de la ténacité dans la durée.
Et puis, en ces temps où l’extrême droite se sent pousser des ailes, comment ne pas penser à Roger Salengro qui fut ministre de l’Intérieur du Front populaire, qui sut prendre d’énergiques mesures comme les factieux qui ne reculaient devant aucune violence et qui subit le harcèlement de cette même extrême droite jusqu’à être acculé à une issue fatale…
Et puis, le Nord, c’est frontalier de la Belgique où le socialisme se porte bien, lui aussi, imprégnant le pays, garant de son unité contre les replis identitaires au point d’être un pôle de stabilité exemplaire.
Sans la gauche, la République est bancale
L’affirmation des socialistes dans une gauche renforcée n’est pas une nécessité pour nous-mêmes, c’est vital pour ces secteurs grandissants du pays qui souffrent de la misère, de la relégation, des discriminations et des divisions qui sont nombreuses dans la société.
Mais cela bute bien sûr sur notre faiblesse, la crise de foi qui touche beaucoup de militants et de dirigeants. Cela bute aussi sur une formidable entreprise idéologique et médiatique qui consiste à effacer la gauche, à cherche à la délégitimer dans les têtes. la dernière couverture de l’hebdomadaire conservateur le Figaro Magazine sur « la mainmise de la gauche sur les médias du service public » dans des couleurs vert de gris est d’ailleurs très significative. Face au rouleau compresseur Bolloré qui « tient » Cnews et Europe 1 et aux chroniqueurs du Figaro et de Valeurs actuelles, la comparaison est délicieuse, mais la réalité bien plus inquiétante.
L’effacement culturel de la gauche n’est pas une lubie qui agite une poignée de réacs. Souvenons-nous comme Trump aux Etats-Unis et Netanyahu en Israël ont hystérisé le débat politique, faisant de la « gauche » un gros mot, une accusation infamante.
Et cette droite médiatique qui ne s’assume pas, mais qui nous juge avec aplomb et condescendance. Quoique nous disions, nous sommes à ses yeux, ringards et sans projet.
L’omertà sur nos débats, pour ne les réduire qu’à des petites phrases, la morgue et le mépris face à la moindre idée sont devenu des nouvelles conventions de la bien pensance à laquelle d’ailleurs, beaucoup à gauche, cèdent malheureusement. Mais une fois qu’on a donné sa note, il n’y a jamais le début du commencement d’une proposition alternative.
Anne Hidalgo doit gagner car elle représente malgré tout ce qu’on entend, une gauche pragmatique et courageuse surtout.
En effet, il faut être sacrément culotté et motivé pour porter les couleurs du PS et de ses alliés quand on regarde les années écoulées.
Elle a fait ce choix qui ne lui garantit pas des mois commodes. Mais elle n’est pas seule.
Ils sont nombreux les hommes et les femmes en France qui ne se résignent pas à plier devant des sondages dont on dit toujours au soir du côté qu’ils se trompent.
La volatilité de l’électorat et la cristallisation tardive des intentions de vote ne sont jamais pris au sérieux par des commentateurs obsédés par l’accomplissement de leur désir : écrire le récit de l’effacement !
Mais que serait la France sans la gauche ? Veut-on on pays où les libéraux qui n’ont tiré aucune leçon de la crise sanitaire, du désarroi dans la police ou de l’affaissement du système éducatif, appliquent la suppression de 200 000 emplois dans les services public ?
Veut-on un pays où la question sociale est effacée au profit de la revanche des réactionnaires qui dessinent chaque jour un pays où on réhabilite les pages sombres de notre histoire ?
Anne, par son histoire familiale, ne connaît que trop bien ce que représente la chape de plomb du fascisme version franquiste dont les admirateurs français d’alors ont leurs héritiers encore trop nombreux.
Mais nous connaissons aussi combien le socialisme démocratique a modernisé bien des nations européennes.
De Lille doit partir une nouvelle énergie, celle des actuels bêtes noires des nouveaux bruns :
La gauche ne doit pas raser les murs mais s’imposer comme une évidence : nous sommes le camp de la justice et de la solidarité. Le camp de l’égalité et de l’émancipation.
Rien ne nous sera épargné. Oui nous voulons le remplacement des obsessions identitaires par les passions égalitaires. Oui nous voulons l’émancipation par le savoir, le travail et la culture. Oui nous voulons une écologie sociale conquérante dont l’efficacité passe par le pragmatisme plutôt que le dogmatisme. Oui nous croyons en une Europe utile dans laquelle la France, avec d’autres, doit redevenir une puissance d’influence au lieu de céder par électoralisme à une europhobie stérile.
Nous croyons aussi que la France, hexagonale et ultramarine, doit cesser de s’accommoder des discriminations en tous genres et qu’au lieu de camper dans des attitudes défensives s’agissant de la République, celle-ci doit repasser à l’offensive en fabricants dès l’école, dans tous les quartiers populaires ou bourgeois, de nouveaux républicains en réconciliant les mémoires, en redonnant à la fraternité une réalité dans la vie de tous les jours.
Tout commence !
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