Il y a 60 ans, la police française, aux ordres de Maurice Papon qui avait été collabo pendant l’occupation nazie, tabassa et tua plus d’une centaine d’Algériens dans Paris.
Ce massacre du 17 octobre 1961, alors que la guerre d’Algérie finissait et que l’affrontement entre l’OAS et le FLN connaissait aussi des développements violence en « métropole », fut longtemps occulté.
La censure, l’omerta, la destruction d’une partie des preuves, firent que quelques témoins seulement acceptaient de parler, quelques militants transmettaient une mémoire et il fallut attendre longtemps pour que ce massacre deviennent un fait historique reconnu, raconté, documenté et versé au dossier déjà lourd, des crimes de cette terrible guerre qui, dans son existence même démontrait combien la colonisation et sa théorisation, le colonialisme, n’apportaient pas seulement des hôpitaux, des routes et des écoles, mais aussi du racisme, de la dépossession, du pillage et de la violence.
J’ai déjà écrit un billet il y a 10 ans sur le sujet et aujourd’hui qu’on en sait plus, il faut probablement appuyer les revendications qui demeurent.
La reconnaissance par la France ne sera pas un élément d’autoflagellation, mais un moment où la République met les bons mots sur les maux pour mieux panser les plaies.
Le geste d’Emmanuel Macron, dans le sillage des initiatives prises par Lionel Jospin et Jean-Pierre Chevènement qui firent ouvrir en partie les archives et à l’époque desquels l’Assemblée nationale parla non plus des « événements » mais de la guerre, et François Hollande qui eut les mots pour parler du 17 octobre, est à noter par sa présence physique. Mais il faut aller plus loin. On ne peut pas se défausser sur Papon ni nier le fait que la lutte contre le FLN ne pouvait faire comme victimes collatérales, l'ensemble de ce qu'on appelait alors "les musulmans", c'est-à-dire les Nord-Africains.
Ce fut un crime d'Etat, un cas de violence policière sans retenue, un déferlement de haine.
Pour nous autres Antillais, ce qui s’est passé avec l’Algérie nous parle. Pas seulement parce qu’Edouard Glissant fut un des signataires du Manifeste des 122 ou que Frantz Fanon fut un compagnon de route de la révolution algérienne et qu’il repose là-bas, mais parce que la violence de la répression policière fut la même – car les hommes venaient parfois des mêmes terrains d’opération (notamment en Afrique du Nord), lorsqu’il fallait faire face aux grèves ouvrières.
Durant les années 50-60 et 70, les mouvements de protestation en Martinique et en Guadeloupe, étaient réprimés par la violence et dans le sang. Les Martiniquais se souviennent en particulier du mouvement de 1959 et de la grève de 1974. Quant à la Guadeloupe, elle n’a pas oublié la grève du Moule de 1952 et surtout, la répression de mai 1967, longtemps occultée jusqu’à la fin des années 2000.
Tout humaniste ne peut être qu’anticolonialiste et d’ailleurs, toutes les grandes figures de l’anticolonialisme et qui ont furent les acteurs de la décolonisation, le furent en vertu des principes universels, inspirés de 1789 notamment. C’est cet héritage que nous portons. Non pas dans un esprit de revanche, mais dans une volonté de vérité pour avancer ensemble dans la construction d’un monde sans oppression. Hommage aux victimes d’octobre 61 et des luttes pour l’émancipation.
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