L'élection législative partielle dans la quinzième circonscription de Paris a vu ce dimanche 30 mai un résultat qui illustre cette étonnante réalité dans ce bout de l'Ile-de-France où, comme dans les communes limitrophes de Bagnolet et Montreuil, la gauche a des problèmes de riches : la droite n'est pas au deuxième tour.
80 % des voix sont allés ainsi à des candidatures de gauche avec une socialiste en tête, suivi par la candidate de la France Insoumise, celle des écologistes et le candidat du Parti communiste.
Evidemment, toutes les analyses ou les satisfécits sont relativisés, pour ne pas dire "plombés" par l'importante abstention en ce dimanche ensoleillé de fête des mères.
Mais c'est un classique : dans une élection législative partielle, les électeurs ne se déplacent pas en masse. C'est donc d'une campagne de réseau dont il est question, où, n'étant porté par aucune vague, tout candidat doit créer lui-même le mouvement.
C'est ce qu'a été la campagne de Lamia El Aaraje. Elle a avait tout à bâtir et désormais, il faudra transformer l'essai face à Danielle Simmonet qui a bénéficié de l'importante abstention.
Deux profils, deux gauches, une combattivité commune, mais une seule incarne l'avenir d'une gauche réformiste soucieux de dire ce qu'elle fait et de faire ce qu'elle dit.
Dans l'entre deux tours, on le verra.
Lamia est née en 1986 quand Danielle rejoignait le mouvement contre la réforme Devaquet-Monory. Un mouvement dont l'un des portes-paroles s'appelait David Assouline. J'ai bien connu "Danette" à l'Unef-indépendante et démocratique où, elle de Nanterre et moi de la Sorbonne, militions dans la majorité dans une tendance animée par les amis de Jean-Christophe Cambadélis.
Danielle quitta la majorité de l'Unef, mais nous nous sommes retrouvés au PS et j'ai le souvenir d'un débat assez passionnant avec elle et ses camarades lors de l'actualisation de la Déclaration de Principes où nous constations que, malgré tout, à l'époque, sur l'essentiel, nous étions d'accord, elle avec ses idées d'une gauche radicale qui regardait vers l'Amérique latine et moi le social-démocrate qui regardait l'Europe.
La scission opéré par Mélenchon en 2008 pour fonder le Parti de gauche demeure toujours, un peu plus de 10 ans après, un acte incompréhensible à ce moment là sauf à considérer - et c'est ma conviction - que les amis de Jean-Luc Mélenchon et lui-même, ont fait le choix de renoncer au réformisme, même radical et à l'action d'un parti de masse doté d'une solide culture de gouvernement, pour le confort de la protestation dans une logique minoritaire dans laquelle il n'y a plus à "composer" avec la diversité des sensibilités.
Mais le problème avec Jean-Luc Mélenchon c'est qu'il casse souvent ce qu'il touche. Il a joué un rôle actif - il n'était pas le seul - dans la scission de l'aile gauche du PS. Il a été incapable de maintenir l'unité du Front de gauche qu'il avait constitué notamment avec le Parti communiste dont il fut le candidat à la présidentielle de 2012 avant de présenter des candidats contre ceux du PCF aux législatives de 2017.
Il n'est pas certains que les électeurs aient besoin à Paris "du bruit et de la fureur" car, en portant la gauche depuis longtemps au pouvoir dans la capitale, la question est surtout celle des possibilités durables d'une gauche utile.
Et toute la difficulté quand la gauche est "seule" face à une droite ultra minoritaire, c'est que cette gauche se querelle.
Lamia fit aussi ses classes à l'Unef dans une génération militante que j'ai découverte au Parti socialiste. Ce qui fut probablement sa différence avec d'autres, c'est qu'elle résista à la facilité. Elle aussi aurait pu céder aux sirènes du macronisme naissant qui promettait à certains de revivre - avec une autre fin - l'aventure intellectuelle et politique qu'ils avaient vécues avec Dominique Strauss-Kahn et dont la fin - il y a dix ans - avait été un cauchemar. Mais elle était déjà intransigeante et désireuse de clarté.
Ceux de "la bande de Poitiers" n'avaient probablement pas imaginé, pressés qu'ils étaient, qu'il faudrait composer avec Blanquer, Darmanin, ou Pénicaud. Seul Aurélien Taché a assumé la rupture, même si pour le moment, il n'a pas encore rebondi dans la clarté...
C'est une leçon politique : le socialisme réformiste n'est peut-être pas rouge vif comme le populisme de gauche ou il n'a pas la modernité "hi-tech" d'un progressisme parfois trop complaisant avec le libéralisme, mais il préserve la démocratie, il prend la mesure du temps et il trace sa route. C'est Jaurès, c'est Blum, c'est Jospin, c'est Rocard.
La bataille du second tour est engagée. Une des conditions de la victoire c'est le rassemblement. Tous les regards sont donc portés sur les électeurs écologistes et communistes, mais aussi l'ensemble des habitants qui ne sont pas venus voter.
Quand on ne vote pas, on décide de ne pas décider. Ca n'est pas cela l'esprit de la Commune de Paris. Il faut prendre la parole : interpeller les militants, questionner les candidats et participer à la décision. La démocratie est précieuse, belle, mais fragile. L'abstention profite toujours aux démagogues et le pays n'en manque pas, même, si, celle fois, l'extrême droite comme le Parti présidentiel ont préféré, eux-même, s'abstenir... La peur ou le désintérêt, à eux de l'assumer.
Le choix est clair, mais il ne faut pas se tromper. Alliés aux socialistes dans la majorité municipale, écologistes et communistes ont démontré depuis vingt ans la force de l'unité pour rendre Paris plus vivable, plus démocratique, plus ouverte sur la société et le monde. C'est la démonstration d'une gauche utile où la loyauté et le réalisme sont une bonne boussole.
A l'heure où on parle de la jeunesse et de sa détresse, la candidature de Lamia El Aaraje est celle d'une militante qui n'a jamais cessé de se demander comment changer la donne au lieu d'en faire un fond de commerce.
De plus, le ticket avec Eric Pliez, le maire "non encarté" du vingtième arrondissement représente un duo riche en sens. Eric, que j'ai appris à connaître, est un praticien de l'action sociale qui agit autant qu'il parle peu, mettant en acte ce que d'autres préfèrent se contenter de théoriser.
Dimanche prochain, 6 juin, il faudra débarquer l'abstention et voter en masse pour Lamia El Aaraje et Eric Pliez !
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