L’actualité récente qu’a constitué la guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan a réveillé en Ile-de-France de vieux souvenirs, ceux de la première opération d’épuration ethnique en aux confins de l’Europe au début du vingtième siècle.
Le génocide des Arméniens, qui faisait suite à une série de tueries de masse et de pogroms, qui s’est déroulé pour l’essentiel en 1915, a fait un million et demi de victimes sans compter les milliers de survivants des marches de la mort et des tortures, dont une bonne partie est venue vivre, au terme de pénibles pérégrinations, vivre dans notre région.
C’est à Clamart, Alfortville et Issy les Moulineaux que vivent en majorité les descendants de ces réfugiés, victimes, déjà, du nationalisme, celui des Jeunes Turcs qui dans l’empire ottoman en déclin, voulaient construire une Turquie sans Arméniens, sans Kurdes et sans Grecs, sans Assyro-chaldéens ou Yezidis. Ces massacres qui avaient débutés dans les années 1890 se sont poursuivis jusqu’au début des années 20 alors que la Turquie succédait à l’Empire ottoman.
Comme devait dire plus tard, François Mitterrand, « le nationalisme c’est la guerre », cette folie qui embrasa l’Europe en 1914.
Dès 1896, Jean Jaurès prenait la défense des Arméniens, déjà la cible des Ottomans. Dans un discours à la Chambre, le leader socialiste qui tomba lui-même sous les balles d’un illuminé nationaliste, mettait son éloquence au service de la vérité.
Il rappelait l’engagement des puissances européennes à protéger les Arméniens, pris lors du Traité de Berlin de 1878, un engagement qui ne fut pas tenu lors des massacres, des viols et des spoliations perpétrés tandis que le député du Tarn parlait. Il dit « C’est notre devoir à tous, si l’Europe a failli à sa mission, si, divisée contre elle-même par des convoitises, par des jalousies, par des égoïsmes inavouables, elle a laissé égorger là-bas tout un peuple qui avait le droit de compter sur sa parole, uniquement parce qu’elle avait peur de se battre dans le partage des dépouilles ; c’est notre devoir, à nous, de venir confesser ici les fautes et les crimes de l’Europe pour qu’elle soit tenue aux réparations nécessaires. »
Le génocide de 1915 est aussi une affaire française donc. S’en souvenir en ce 24 avril c’est bien évidemment adresser un message de fraternité à ceux d’entre nous qui ont perdu un parent dans les prisons ottomanes, les plaines et les montagnes d’Anatolie.
S’il y a un travail de mémoire à garantir et à transmettre, il y a aussi une paix durable et une réconciliation à conquérir.
L’Ile-de-France aide depuis longtemps les associations arméniennes et c’est la gauche régionale qui a mis en place une coopération renouvelée avec Erevan il y a dix ans.
Une Ile-de-France en commun n’oublie évidemment pas sa composante arménienne à laquelle notre patrimoine doit beaucoup, parce qu’il s’agit de lutter contre la guerre des mémoires, d’œuvrer pour la paix et le développement solidaire. On ne lutte pas contre un conflit en soufflant sur les braises…
L’autocrate au pouvoir aujourd’hui à Ankara menace, par son action, la démocratie et les perspectives d’une paix durable. C’est aussi pour cela qu’à côté d’un partenariat renouvelé avec l’Arménie, il faut soutenir les démocrates et les défenseurs des Droits humains en Turquie.
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