La première fois que j'ai manifesté dans les rues de Paris, c'était contre la guerre du Golfe. Au fil du mouvement dans le cortège, je me suis retrouvé à tenir une banderole entre Harlem Désir et Nasser Ramdane. Signe d'engagements futurs ? Rien ne l'indiquait alors, mais évidemment ça n'était pas anodin.
Je savais qui c'était. Harlem, on ne le présentait plus, et Nasser était devenu une personnalité comme le porte parole du mouvement lycéen de 1990-91.
Sa tête de Maghrébin, son prénom de leader arabe, le tout dans un keffieh et un blouson un peu large, c'était ces années 80-90 où l'antiracisme soudait des générations militantes qui n'étaient pas fractionnées en mille particularismes.
Nasser et moi sommes devenus potes assez tardivement même si nous nous sommes croisés mille fois, avec ces convergences naturelles qui ne nécessitaient pas beaucoup d'explications. Ses engagements à la Fidl, à SOS racisme, son bref passage au PC (je crois), son cheminement au PS ses prises de positions enflammées sur des sujets qui nous tenaient à cœur faisaient que régulièrement nous nous retrouvions du même côté de la barricade.
Nasser avait aussi été confronté à l'homophobie, pas toujours en provenance du camp d'en face, mais il faisait face, cela ne veut pas dire qu'il n'y avait pas de blessure.
C'était un petit bonne qui avait gagné en rondeur avec l'âge comme on gagne en sagesse, mais lui n'avait rien perdu de son intransigeance. Quand on a fait ses premières armes avec Julien Dray, Malek Boutih, Delphine Batho ou encore François Delapierre, on est fait d'un seul bloc. Cela veut dire que lorsqu'il fallait aller au combat, il n'y avait de timidité, c'est le moins qu'on puisse dire.
Dans nos dernières discussions, il y avait évidemment cette rage contre eux qui avaient pour ainsi dire gâché trente ans de combats en dévoyant l'antiracisme pour les uns, la république et la laïcité pour les autres alors que nous étions parvenus à faire converger identités métissées, reconnaissances partagées et idéal républicain accessible à tous.
Depuis sa base, la Seine-Saint-Denis et notamment Noisy-le-Sec, Nasser n'a jamais cessé de défendre ses idées, quitte à ce que ce soit un peu rugueux, mais son idéal, nous le partagions : on s'en fout de qui tu es, de ton accent, de ton patronyme ou de l'endroit d'où tu viens, nous nous battons pour l'égalité.
C'était le combat que Nasser avait aussi prolongé en faveur du Hirak en Algérie car, ce qui se passe là bas, ça nous touche toujours de façon très particulière.
Adieu mon pote, adieu mon camarade ! La lutte continue !
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