Vendredi soir, France 2 a diffusé les deux derniers épisodes de la deuxième saison de la série policière Tropiques criminels qui suit les aventures de la commandante Mélissa Sainte-Rose et de ses collègues dans des affaires criminelles qui permettent de survoler divers débats de société sans jamais aller au bout de la façon dont ils percutent ou concerne la société antillaise. Ce n'est pas le but de la série, mais c'est intéressant de suggérer en toile de fond comment en Martinique se pose la question des femmes, des transgenres, de l'IVG ou d'autres débats.
J'aime cette série car les images sont belles - évidemment, la Martinique est belle - et il y a un plaisir non dissimulé à revoir des paysages familiers et à s'amuser des folies de la capitaine Crivelli plus attachante de ce côté ci de l'écran que chiante.
Et parce que j'aime cette série et que j'en espère une troisième saison, je crois qu'il n'est pas inutile de pointer ce qui cloche et qui pourrait rendre cette série plus crédible, plus authentique et ce qui permettrait de remplir encore mieux une mission de service public car depuis la fin de France Ô, la question de la visibilité de l'outremer n'est pas réglée, mais mon propos va au-delà.
La preuve par Mafiosa
Mais dans Tropiques criminels, il y a quand même quelque chose qui cloche car si les séries policières sont souvent ancrées dans des réalités dans lesquelles chacun peu se retrouver ou si elles reproduisent un univers adapté au récit sans caricatures, le monde représenté dans Tropiques est plus tropical que martiniquais. Les images aériennes et les couleurs éclatantes évoquent un cadre paradisiaque qui n'exclue ni la violence ni la souffrance, mais soleil oblige, on est loin des ambiances glauques et moites à la Olivier Marchal.
Les auteurs écrivent comme ils veulent et ce qu'ils reproduisent n'est finalement pas l'élément le plus discutable de Tropiques criminels.
Ce qui jure avec le réel c'est ce sentiment de réalité importée.
D'abord, l'accent. Aux Antilles, l'accent est un indicateur très intéressant quand il n'est pas un déterminant discriminant et même avec une mobilité plus grande qu'il y a 30 ans, l''accent "métro" n'est pas dominant chez les "locaux", pas plus qu'on ne voit un commissaire "métro" dans un commissariat "de commune" comme on dit chez nous, mais la diversité ça compte !
La grande majorité des protagonistes antillais de la série dont on suppose qu'ils ont plus longtemps vécu au pays que "là-bas", parlent comme s'ils étaient des habitués du Forum des Halles, des Flanades ou des bars de Paris.
La quasi totalité des comédiens antillais sont eux aussi importés. La production a fait évidemment un effort en embarquant Julien Beramis,Jean-Michel Martial dans un de ses dernières rôles ou encore Mark Grosy. On a aussi noté Laurence Joseph ou ma camarade de lycée Nataly Dabon dans des rôles le temps d'un épisode, mais ce genre de création est une aubaine pour les comédiens locaux talentueux qui n'ont pas toujours la possibilité de percer.
Mafiosa sur Canal Plus a montré que c'était possible. Autant on ne compte plus les comédiens corses, humoristes ou pas, dans la distribution de façon permanente, autant le corse y est parlé, sous titré, donnant à la série une authenticité dont on pouvait douter avec le propos "cliché" du "pitch" : clans mafieux dans le maquis, vendetta et autres cartes postales de l'Île de Beauté.
Les deux séries, tournées sur place et financées en partie par les collectivités locales contribuent aussi bien à l'image qu'à l'économie...
Alors oui à une troisième saison, à une distribution qui fait plus de place aux talents locaux, sans oublier évidemment les techniciens...
Une carte postale est toujours belle, mais on y trouve assez de place pour y écrire des choses et c'est ce que retiennent et qui touchent ceux qui la reçoivent.
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