Tout cela paraît loin, mais les leçons de l'époque sont encore valables aujourd'hui.
C''est un événement qui n'a intéressé que les passionnés ou les héritiers du mouvement étudiant : la scission de l'Unef de 1971. Le récit de Robi Morder permettra de connaître les grandes lignes de cet événement, le plus important dans la vie interne de l'Unef depuis la guerre d'Algérie.
L'Unef était ancrée à durablement à gauche depuis lors, comme organisation étudiante, anticolonialiste et résolument antifasciste.
En 1966, des dirigeants de l'AG de Strasbourg publient le fameux manifeste situationniste "de la misère en milieu étudiant" qui passe en revue l'ensemble des problèmes que rencontre des étudiants devenus extrêmement nombreux, ce qui modifie beaucoup la France : cette génération du babyboom est hyperpolitisée, elle veut vivre dans une société qui ne se résume pas à la société de consommation. Outre l'intérêt qu'on porte à la révolution mondiale qui doit venir, à la contestation de l'impérialisme américain et du stalinisme, l'heure est aussi au début des grandes luttes pour l'émancipation.
Le PSU qui est majoritaire dans l'Unef a joué un rôle important dans les événements de Mai 68, mais la tourmente n'a laissé aucune organisation intacte et le "reflux" qui suit voit l'émergence du gauchisme (Ligue communiste, Gauche Prolétarienne notamment) qui bouge tous azimuts.
Le reste est connu : dans l'Unef, c'est l'affrontement des tendances : communistes contre lambertistes après que la direction PSU a jeté l'éponge. C'est le collectif national de l'Unef qui se tient le 10 janvier 1971 dans l'amphi Champollion en face de la Sorbonne qui sert de théâtre à une réunion enfiévrée au cours de laquelle les militants lambertistes, après avoir quitté la salle, y reviennent en force, non sans quelques échanges de coups avec "les stals". C'est dans cette mêlée que Cambadélis reçoit une chaise sur la tête. C'est surtout là qu'une leçon politique est apprise et transmise aux générations futures : "on ne quitte jamais une salle".
La scission de l'Unef entre une Unef-Renouveau, dont le premier président fut Guy Konopnicki et l'Unef unité syndicale dure trente ans. En 1980, la réunification syndicale de la gauche non communiste donne naissance à l'Unef Indépendante et démocratique et, au début des années 2000, les deux Unef renouent. Karine Delpas et Carine Seiler finalise une unité qui subsiste à ce jour.
Si au sein de l'Unef d'aujourd'hui, cette mémoire n'a pas été entretenue, c'est sur un plan politique plus global que l'héritage a un petit intérêt.
D'abord parce que la division syndicale affaiblit l'ensemble des organisations. Or, les mobilisations étudiantes des années 70 démontrent l'évidence d'une vraie unité syndicale. C'est ce à quoi travaillent à partir de 1976-1977 plusieurs leaders étudiants dans un sillage qui est celui d'un parti socialiste devenu la force politique la plus attractive de la gauche à l'époque.
Car l'année de la scission de l'Unef, a eu lieu le Congrès d'Epinay en juin. Si l'événement n'a pas ému les masses, il a marqué la gauche non communiste. Depuis 1969, le travail de rénovation avait été engagé et lorsque François Mitterrand prend la tête du PS, c'est pour incarner un parti de masse qui n'a rien à envier au PC qui avait recueilli plus de 20 % à la présidentielle avec la candidature Duclos.
L'unité des socialistes allait, comme en 1905, être le moment d'un renouveau durable, ce que les étudiants d'alors ne percevaient pas encore.
Classiquement, la division ferment les portes de la victoire alors que l'unité rend tout possible. Mais l'unité est possible quand les gens se parlent au lieu de se contenter de se combattre.
Les socialistes d'Epinay ont rassemblé leur camp et toute les générations dans un mouvement qui fut formateur et puissamment irrigué par des profils de tous les horizons : les liens étaient alors étroits et les résonances fortes avec la Ligue des droits de l'homme, la puissante Fédération de l'éducation nationale (FEN), des secteurs importants de la CFDT, de FO, mais aussi de la CGT. Bref, le PS permettait à la gauche non communiste de trouver un espace dans lequel aucune des questions qui émergeaient dans la société n'échappait à la sagacité de cadres qui formaient et se formaient.
Au nom de cet héritage, s'il ne faut évidemment pas commettre les mêmes erreurs, il faut surtout mesure, à gauche, que la tâche commande de tourner le dos à la médiocrité et à la facilité...
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.