Je fais partie de ces gens qui ne sont pas des fous de foot, mais qui se rattrapent lors des coups du monde ou des coupes d’Europe.
La seule fois où j’ai été empêché d’accéder à un lieu où je devais aller ainsi que l’indiquait un billet en ma possession, c’était dans une des zones du Parc des Princes pour un match PSG-Auxerre. On m’avait dit « vous ne pouvez aller dans cette zone, il y a des racistes là-bas ». C’était l’époque du kop de Boulogne infesté de nazillons.
Depuis les commentaires de Thierry Roland aux cris de singes dans les tribunes, en passant par les propos contre un Mario Balotelli, la coupe est pleine et cela depuis longtemps.
Fin 2017, j’avais proposé, sans succès, à plusieurs associations engagées dans les réseaux afro-antillais notamment de marquer le coup du cinquantième anniversaire des Jeux olympiques de Mexico où Tommie Smith et John Carlos brandirent leur poing ganté de noir en solidarité avec le combat contre le racisme qui secouaient les Etats-Unis. La photo avait fait le tour du monde : avant celle, vingt ans plus tard de cet homme en chemise blanche devant les chars sur la place Tian An Men, on y voyait deux hommes défier le système à l’œuvre dans leur pays.
Il ne s’agissait pas seulement de leur rendre hommage, mais de rappeler l’actualité du racisme dans la société, à commencer par le sport.
Pap N’Diaye rappelle que dans les stéréotypes négrophobes de la fin du 19e et du début du 20e siècle, on considérait les Noirs physiquement inaptes au sport. Aujourd’hui ce préjugé semble totalement stupide… Normal, c’est un préjugé.
Mon idée avait été de dire qu’il fallait une prise de conscience dans le monde du football dont les joueurs sont souvent des icônes et que trop longtemps ils se sont tus. Une mobilisation de ces joueurs au prochain acte raciste, sur le terrain ou dans les tribunes, pouvait éveiller les consciences. On m’a objecté les pressions des clubs, le poids de l’argent… Evidemment. D’ailleurs, il est arrivé que quand un joueur protestait contre les insultes racistes qu’il subissait, il prenne un carton rouge. Double peine…
Aux Etats-Unis, Smith et Carlos ont eu des héritiers. A commencer à Colin Kaepernick le quarterback des 49ers de San Francisco.
Le fait qu’un arbitre soit incapable de nommer un homme autrement que par sa couleur a provoqué un tollé tel, dans le match PSG – Basaksehir, que les deux équipes ont refusé de continuer le match. Pendant quelques heures, le mot roumain pour « noir » a été appris par des milliers de personnes. Langue latine, le roumain dit « negru » à la fois pour « noir » et pour « nègre », même s’il existe aussi un autre moi. Et pour « homme », c’est moins sujet à polémique puisqu’on dit tout simplement « om ». Encore que pour « monsieur », on emploi un mot qui vient du latin « maître » !
La réaction ne fut donc ni excessive, ni impulsive. Les gens ont des noms et quand on ne les connaît pas on peut dire « ce monsieur » ou « ce type »…
Dans un match entre clubs européens dont l’un est turc, on le voit bien, cette question ne se résume pas à la France, elle est éminemment européenne.
Erdogan lui-même a dénoncé le racisme. Il a raison, mais on ne sait pas s'il compte en tirer lui-même des leçons concernant les Kurdes et les Arméniens dans son propre pays !
Ca peut même être un sujet où la gauche et les écologistes montrent leur détermination.
Jugez plutôt : si on pense à quelques grands clubs comme le PSG, l’OM, les Girondins de Bordeaux, le LOSC, le Bayern, Chelsea, Anderlecht, Le FC Nantes, le FC Lens, le Barça, le FC Séville, le Borussia Dortmund, les clubs milanais ou de Manchester… Ce sont tous les fiertés de villes dont les maires sont de gauche ou écologistes. Les villes misent sur ces clubs, elles y investissent des moyens dans les stades notamment.
La démocratie et le respect ne peuvent rester sur le banc de touche sous prétexte que les un s’accommodent du racisme et d’autres estiment qu’il ne faut pas faire de politique…
On pourrait en prendre des initiatives. La France qui va accueillir la Coupe du monde de rugby en 2023 et les Jeux Olympiques et Paralympiques l’année suivante peut être une force d’impulsion avec les maires et d’autres élus locaux.
C’est une bataille qui concerne aussi bien joueurs que les clubs dans leur ensemble, les ligues et les fédérations ainsi que les médias. C’est un travail sur les mentalités et les représentations. Ca compte.
En Ile-de-France c’est un des champs de bataille du combat contre les discriminations.
Le match qui opposa donc ce mardi 8 décembre peut-il est un début de révolution kapernickienne où les sportifs ne laisseront plus rien passer ? Il faut l’espérer.
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