" La France ce n'est pas les Etats-Unis ", mais il suffit de quelques images et de quelques mots pour que la frontière ténue qui séparent deux sociétés cède. Si tous ceux qui été émus par l'Affaire Floyd et les autres se taisent, ça pourra continuer sans problème et à l'abri des caméras, jusqu'au jour où...
L'eau d'un océan est rarement une protection étanche : les courants charrient tout.
La vidéo du journaliste David Perrotin que plusieurs milliers de personnes découvrent depuis quelques heures sur les réseaux sociaux s'ajoute à une série de cas de violences commises par certains membres des forces de l'ordre.
Ces images de Michel, un producteur noir, dans ses locaux du 17e arrondissement de Paris tabassé et matraqué par plusieurs policiers en rappellent d'autres. Celles de Rodney King dans les rues de Los Angeles en 1992 et, plus récemment, celles de l'arrestation de George Floyd qui s'est terminée par la mort de ce dernier, sous l'œil de caméras.
Alors que le préfet de police de Paris est critiqué depuis longtemps pour sa réputation de dureté et que le ministre de l'Intérieur a fait voter une loi polémique sur la sécurité et, quelques jours après l'évacuation brutale de la Place de la République, voilà qu'une fois de plus l'ordre républicain se transforme en ordre brutal, violent et raciste.
Brutal car les coups que l'on voit, ne sont pas porté pour maîtriser un individu menaçant, mais pour exprimer une volonté de faire mal.
Il y a de la haine dans ces coups.
Raciste puisque la victime évoque des insultes assez claires : "sale nègre !".
Cela suffit.
Alors oui on voudra minimiser, relativiser, banaliser et tenter même d'envisager que la victime a des antécédents et que, au bout du bout, il n'y a pas mort d'homme, que ça arrive et que ca ne justifie ni a priori, ni a posteriori, quelque violence que ce soit à l'encontre des forces de l'ordre. On nous dira que la justice est déjà saisie, que "le système fonctionne" et que donc il n'y a rien à dire.
Ceux qui portent ces discours s'accommodent du racisme et des discriminations que subissent certaines personnes qui n'ont pas la bonne couleur pour certains.
Les jeunes qui étaient dans le studio ne vivaient probablement pas dans cet arrondissement. Ils avaient prévu une soirée de travail, de création artistique. Ils seront rentré chez eux après avoir été malmenés par la police et, si ça se trouve, auront eu à "subir" depuis d'autres contrôles au faciès n'ayant rien à voir avec l'affaire. Qu'est-ce que ça va donner ?
Si une telle situation s'était produite dans une cité de banlieue, on imagine ce que ça aurait donné et il se serait trouvé des voix pour utiliser la violence urbaine comme écran de fumée sur les faits initiaux.
Isolée d'un contexte urbain particulier, cette affaire doit être exploitée jusqu'à la corde pour qu'on en mesure tout le sens.
Le témoignage de Valérie Atlan, la co-productrice de Michel est lui aussi précieux. Qu'elle m'autorise à faire à allusion à un des personnages de "l'Union sacrée" qui porte aussi ce patronyme très présent dans les films d'Alexandre Arcady et qui, frappé par un drame, va "donner la punition" parce que c'est un Atlan. Evidemment dans la réalité, la question n'est pas de donner la punition, mais de donner l'exemple en imposant l'ordre républicain au sein même des forces de l'ordre. Pour ne plus donner raison à des formules du genre : " qui nous protègera de ceux qui nous protègent " ou la tirade de Coluche, " ne vous inquiétez pas madame, on n'est pas de la police "...
Pour l'exemple
Il y a de la colère et une volonté franche de nettoyer. Quelle belle occasion donnée aux radicaux de tous poils, à ceux qui se croient dans un Etat policier articulé sur un "racisme d'Etat". Des mots trop forts pour être vrais, mais il suffit d'une image pour que tout bascule.
Parce que je suis viscéralement républicain, j'ai un profond respect pour ceux qui nous protège et je n'ai pas d'hostilité à l'égard des forces de l'ordre au prétexte que je suis de gauche.
Je crois dans l'autorité au sens que lui donnait M. T. Ciceron, cette "auctoritas" qui associe pouvoir, prestige, réputation et d'autres vertus d'un pouvoir qui s'exerce par des qualités naturelles.
Quand à la "vertu", dès les premiers temps de notre belle République, elle était recherchée en inverse ou en but ultime de la Terreur.
Que la police soit un des secteurs publics les plus contrôlés comme s'en défend Darmanin va de soi, mais ne suffit pas.
Ce n'est pas harceler la police ou douter d'elle que d'exiger qu'elle soit exemplaire.
Que faisaient ces policiers dans cette rue ? Pourquoi s'en sont-ils pris à lui ? Voulaient-ils briser l'ennui ou la frustration en cassant du nègre ? Mesurent-ils que l'esprit de corps peut justement affaiblir la confiance que les citoyens doivent avoir dans la police ?
Qu'on se le dise, nous devons traquer le racisme sous toutes ses formes, même quand il se planque sous un uniforme.
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