Ce vendredi, j'étais à la gare Saint-Lazare et je regardais le tableau des trains au départ. Les noms des gares indiquaient des villes qui m'évoquaient des souvenirs. Parmi ces destinations, Conflans et Eragny.
Pour le socialiste que je suis, ces villes sont connues : parmi les maires de Conflans Sainte-Honorine on compte Michel Rocard et Jean-Paul Huchon. Parmi les maires d'Eragny, on compte Dominique Gillot. Voilà des villes dont on ne parle jamais. Il est agréable d'y vivre, dans ces confins yvelinois et valdoisiens, où la Seine et l'Oise se croisent un peu plus loin.
Quand un drame arrive dans des coins comme cela, c'est peu de dire qu'on est marqué à jamais, comme l'est, je crois, notre pays depuis cette atroce acte terroriste qui s'est produit ce vendredi 16 octobre 2020, un de ces jours d'infamie que nous avons connu plusieurs fois déjà...
La phrase tourne en boucle : un professeur décapité pour avoir montré, dans un cours sur la liberté d'expression, des caricatures du prophète Mahomet.
Dans quelle société tue-t-on des enseignants, des personnes qui transmettent le savoir, qui éduquent, qui apprennent aux enfants à devenir des citoyens, des hommes et des femmes libres ?
Jamais en démocratie. Dans les dictatures, les régimes totalitaires, les enseignants sont souvent les premières victimes avant même l'avènement des autocrates. Ceux qui survivent, sont mis au pas et surveillés de près.
Ils sont en effet des maîtres de conscience. Cela me rappelle ce merveilleux film de José Luis Cerda, La Lingua de las Mariposas avec Fernando Fernán Gomez qui campe un professeur qui enseigne à un petit garçon comme devenir libre avant d'être emporté par la vague franquiste.
« Dans quelle société tue-t-on des enseignants, des personnes qui transmettent le savoir, qui éduquent, qui apprennent aux enfants à devenir des citoyens, des hommes et des femmes libres ? »
Le fanatisme islamiste s'en est pris à des policiers, à des journalistes, à des enfants juifs, à des gens sans histoire et, ce vendredi un jeune homme a décidé d'assassiner un passeur de savoir.
Dans tout le pays, l'émotion est immense. Et pour cause, c'est du terrorisme à l'état pur, dans toute sa sauvagerie.
On vient de basculer dans un autre moment : celui où les enseignants iront au travail la peur au ventre en se demander si ce qu'ils enseignent les met ou non en danger.
Il faut bien comprendre toute la perversion de cette idée dans un pays comme la France, une démocratie. Dans un pays comme le nôtre, on ne tue pas les profs.
On peut penser que quiconque a bien compris cela ne peut se contenter de rester sans rien faire et que ceux qui ont animé la main du tueur doivent se dire et comprendre qu'ils ont réveillé un géant.
En plein procès des attentats contre Charlie Hebdo et un peu moins d'un mois avant le cinquième anniversaire des attentats du 13 novembre 2005, si on voulait ne pas banaliser ces agressions, on est servi, même si on s'en serait passé.
Faire bloc, faire front, faire face, oui. Mais à chaque fois, la fureur monte qui animent ceux qui veulent des proscriptions pour traquer partout où ils se terrent, ceux qui ont banalisé ou accusé, faisant de tous ceux qui sont plus tièdes et moins vigilants qu'eux, des complices.
Nous n'avons pas besoin de représailles ou de fusiller pour l'exemple. Mais nous savons aussi que pour certains, la haine appelle la haine.
Nos pensées vont vers la victime et ses proches, ses collègues et tout la communauté éducative ainsi que l'ensemble des élèves et leurs familles.
L'unité dont le pays a besoin sera forte si on sait se passer du brouhaha des appels à la haine pour fortifier ce bien commun qu’est la République.
Commentaires