C'est une constante : chaque rencontre entre Emmanuel Macron et l'outremer est l'occasion d'un rendez-vous manqué, d'une boulette, d'une maladresse. Ca fait trois ans que ça dure et il ne semble pas y avoir de raison que cela cesse.
La suppression de France effective ce 23 août est un épisode de plus à une liste déjà longue. La date même de cette disparition choque les esprits tatillons : le 23 août étant une journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition. N'y a-t-il pas un conseiller assez méticuleux pour avoir regardé dans un calendrier et un autre, assez convainquant pour que les décideurs politiques soient plus attentifs ?
Ce n'est pas comme si, en plus, il n'y avait pas un débat dans le pays depuis plusieurs semaines qui avait d'ailleurs démarré en outremer avec le déboulonnage de deux statues ! Quoiqu'on en pense, ce n'était pas le moment de donner l'impression d'une indifférence appliquée à l'outremer.
La situation de l'hôpital en outremer qui pousse, pour la Martinique, à demander l'aide de Cuba, la lenteur de la réponse publique dans le scandale du chlordécone, la non application de la loi égalité réelle dans sa totalité, la remise en cause des congés bonifiés comme le retard dans la lutte contre les sargasses, cela commence à faire beaucoup. Sans oublier la crise économique et sociale en Guyane, la crise démographique qui vident certains îles de leurs habitants...
Après, on dira que les ultramarins sont susceptibles !
Le soutien à France Ô est d'abord un soutien au service public de l'audiovisuel, à des journalistes de qualité et des documentaristes de talent.
C'était une belle idée d'avoir un média national qui donne à l'outremer, très peu présent dans le PAF, une visibilité plus grande, celle, non seulement de cultures "exotiques", mais de cette France Océanie, de cette France Amérique ou de cette France Caraïbe qui permet à notre pays d'avoir une place stratégique particulière en matière de développement, d'économie bleue ou encore de photovoltaïque par exemple.
France Ô c'était pas la chaîne des ultramarins, mais celle qui faisait connaître et aimer l'outremer. A l'heure où les fake news circulent de plus en plus sur les médias sociaux, une chaîne publique en moins, c'est un espace de plus pour la désinformation.
Nul n'ignore que les représentations doivent beaucoup à la façon dont la sphère médiatique parle de la réalité. La construction ou la déconstruction des préjugés passe aussi par ces filtres médiatiques. Ce n'est pas pour rien que le JT de TF1 ou le traitement de l'info sur BFM TV ou CNews suscitent tant de commentaires chez les citoyens exigeants à l'égard du Quatrième pouvoir, un pouvoir qui a la particularité de ne jamais rendre de compte.
Les arguments justifiant la suppression de France Ô portaient sur l'audience et la nature des programmes. Mais on n'a jamais dissous une chaîne à cause de sa grille et quant à l'audience, eh bien ça se stimule, et, s'agissant d'une chaîne publique...
A l'évidence, ce gouvernement fait des choix. Les électeurs aussi feront leurs choix.
Sur les réseaux sociaux a circulé cette déclaration d'Emmanuel Macron s'engageant à pérenniser la chaîne. Cruelle trace qui restera et qui donne raison à Charles Pasqua qui disait "les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent".
On nous promet qu'en compensation, on verra plus de programmes ultramarins sur les autres chaines ? Chiche ! Dès les grilles de rentrée, on sera fixé.
Par ailleurs, la garantie du service public était une assurance d'indépendance.
La mobilisation trop faible tout au long du combat des salariés de la chaîne indique un autre sujet, plus complexe à poser : celui de la capacité des ultramarins à s'organiser et à peser.
Sur le plan parlementaire d'abord, on ne peut pas dire que l'ensemble des parlementaires ultramarins de la majorité ont pris fait et cause pour sauver cette chaîne. Maud Petit, a donné de la voix, mais, selon ses propres mots, elle assurait "suivre avec attention" le débat. Elle devait au contraire le mener. C'est l'occasion de demander aussi des comptes à la délégation parlementaire pour l'outremer et sa capacité à se faire entendre du gouvernement.
Mais à gauche, la question est déjà tranchée : il faut que dans le programme de gouvernement pour 2022 figure l'engagement financé d'une chaîne et d'une radio ultramarine. L'expérience ancienne de RFO puis de France Ô permet de tirer tous les enseignements pour éviter de commettre les mêmes erreurs.
Il faut dès maintenant s'y mettre. Ce serait une, première, un mot dont les amis de la chaîne ont l'habitude : des citoyens, militants, journalistes, qui inventent ensemble une chaîne de télé, dans son concept, ses moyens ou sa manière d'envisager ses programmes...
Pensées amicales aux salariés, merci pour votre travail, on ne vous oublie pas.
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