Un des premiers souvenirs de Danièle Hoffman-Rispal c’est une réunion qu’elle avait organisé avec Nissim Zvili pour les jeunes socialistes. Rachid Temal y était d’ailleurs.
Je l’avais rapidement identifiée à moi comme une des figures rocardiennes de Paris avec Chantal Morel, Tony Dreyfus, Jacques Bravo, Jean-Yves Mano ou encore Alain Le Garrec.
Tout aussi rapidement, Danièle était une figure au point qu’il était impossible, et il le sera encore longtemps d’imaginer une réunion du Parti socialiste parisien – et même national – sans elle. Qu’il s’agisse de son habitude de se mettre au premier rang des réunions ou des manifestations, elle était là, avec nous quoiqu’il arrive.
Sa vie était une vie de combats. Elle n’avait jamais perdu ses racines, celles qui plongent dans le shtetl du vieux Yiddishland dont elle parlait la langue, de ses origines modestes et des boulots qu’elle avait enchainés, souvent au service des autres avant de s’engager en politique dans les années 70.
Dans le bouillonnement de l’époque, elle racontait comment les mitterrandistes l’avaient envoyée chez les rocardiens et comment, elle avait été « convertie » et était devenue une fidèle de cette aile progressiste du PS.
Or, être rocardien à Paris à la fin des années 70 et au début des années 80 ça n’était pas si simple ! Encore plus quand on militait dans ce 11e arrondissement « tenu » par les amis de Jean-Pierre Chevènement !
De fait, quand Danièle bat George Sarre aux élections législatives de 2002, c’est une victoire importante. Pour elle bien sûr, mais aussi sur le plan politique.
Car Danièle appartenait, comme Sarre, à cette génération de la conquête, celle de 2001 avec Bertrand Delanoë.
Sa bienveillance la conduisait à avoir le souci des autres. Nous nous sommes rapprochés dans l’aventure politique avec Dominique Strauss-Kahn. Des heures de réunion, de discussions, malgré les traditionnelles méfiances entre les rocardiens et les amis de Cambadélis au point que l’amitié, même politique, demeura intacte malgré les chemins différents par la suite. Avec les années, elle se renforça.
Danièle ce n’était pas que la socialiste de tradition rocardienne qui rappelait par ce qu’elle était, que la politique était quelque chose d’humain quand bien même il pouvait y avoir de la cruauté.
Danièle fut une amie de longue date de la gauche israélienne et du maintien de l’influence de la gauche dans la communauté juive organisée en France. Elle ne lâcha jamais, elle faisait passer discrètement les messages, elle ne refusait aucun débat. Toute laïque qu’elle était, une foi dans la gauche l’habitait et tout en combattant le regain d’antisémitisme et les renoncements d’une partie de la gauche, elle ne s’en servit pas pour rompre avec sa famille politique.
Elle maintenant de toutes ses forces les liens avec tout le monde.
Présidente du groupe d’amitié France-Israël à l’Assemblée nationale, Danièle fut aussi une des députées les mieux élues de France, dans ce Paris entre le 11e et le 20e arrondissement.
Chaque année, nous avions droit à la carte estivale depuis Saint-Raphaël où elle passait du temps avec Gérard et l’ami Philippe Zittoun.
L’accord avec les écologistes qui imposa Cécile Duflot fut une blessure profonde pour elle, mais malgré cela, malgré d’autres épreuves, elle resta socialiste, mieux, militante socialiste.
Comprenez bien, impossible d’envisager une réunion sans elle. On la voyait débarquer, habillée de la même couleur de la tête aux pieds et elle était toujours partante pour boire des coups après, refaire le monde…
Elle voulait rester « dans le coup », dans le film. Elle voulait être utile. Etre aussi reconnue et considérée. Pas pour des raisons d'égo, mais parce qu'elle voulait servir. Pour le coup, elle n'avait pas ce côté "cassant" qu'on rencontre parfois chez des responsables politiques.
De fait, dans le PS d’après 2017, purgé des beaucoup de ses anciens, Danièle était la seule des « vieux » qui venait, qui parlait, qui transmettait à sa manière, par sa présence quelque chose. Elle, et mon grand frère, Jean-Michel Rosenfeld. Rien pourtant ne les obligeait à perdre du temps avec des jeunots qui n’avaient pas eu leur histoire, qui n’avaient pas leur passion ou leur ténacité.
Lors de l’université d’été du PS à La Rochelle en 2019, elle fit quelque chose de rare : elle pris la parole devant Olivier Faure pour exhorter les quelques 200 militants et dirigeants présents pour qu’ils comprennent bien la responsabilité historique que nous avions tous, le devoir moral de ne pas laisser s’étioler notre parti. Cette voix éraillée résonnera longtemps.
C’était une mensch. Nous avions nos moments indéfectibles chaque année : le 19 avril pour honorer la mémoire des héros du ghetto de Varsovie, le 10 mai pour honorer Léon Blum, mi juillet en hommage aux victimes de la rafle du Vel d’Hiv et en novembre pour honorer Yitzhak Rabin dont elle entretenait la mémoire avec Bernard Zilberg et d’autres.
Danièle n’était pas sectaire, elle était généreuse et, d’une certaine manière, sa manière de ne pas cacher sa maladie et sa souffrance en s’obstinant à être présente nous donnait l’impression qu’elle finirait par nous convaincre qu’elle était immortelle. Parce qu'elle avait décidé de continuer à vivre jusqu'au bout et cela voulait dire, poursuivre la lutte politique.
On en finissait par s’amuser de ce petit bout de femme qui venait nous voir, posant sa main sur votre épaule, demandant des nouvelles – pas juste pour la forme – et, planquant ses clopes dans des paquets de Ricola…
Il y avait chez Danièle, un côté Simone Signoret en plus frêle.
J’ai compris aux obsèques d’Henri Malberg ou de Roger Fichtenberg qu’un monde était entrain de partir que je voyais les larmes de notre amie et être avec elle dans le 11e pour inaugrer une place au nom de Marek Edelman c’était une façon de dire que nous sommes les continuateurs de cette histoire là, celle contre le fascisme, pour une gauche qui ne renonce jamais, social-démocrate, déterminée et inventive.
Nous ne pourrons pas construire le monde d’après avec elle, mais pour elle, nous ferons du meilleur que nous pouvons.
Au revoir chère Danièle, merci d’avoir été dans nos vies, nous sommes devenus un peu meilleurs à ton contact.
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