C’est une histoire qui a structuré l’Europe et le monde pendant quarante ans. Le Mur de Berlin symbolisait physiquement la séparation du monde en deux blocs. Cette frontière passait en Allemagne même et au cœur de sa capitale, Berlin.
Deux autres pays dans le monde ont connu une partition semblable au terme de guerres civiles qui virent aussi s’opposer d’autres nations : la Corée, toujours divisée et le Vietnam, réunifié sous la férule du Parti communiste. Seule l’Allemagne a connu une réunification pacifique.
Pour restituer rapidement ces événements, il faut se souvenir que l’unité allemande ne datait que de 1871. L’Empire allemand, proclamé à Versailles devait donner naissance à la première puissance mondiale. Le mouvement ouvrier allemand devait lui aussi être le plus puissant du monde, mais il ne réussit ni à bloquer la fièvre nationaliste qui conduisit à la guerre en 1914 ni à bloquer la folie fasciste qui conduisit la la guerre en 1939.
Entre temps, le puissant SPD se divisa et la guerre féroce avec le KPD qui renvoyait dos à dos nazis et socialistes au début des années trente fut fatale.
Le nazisme s’effondra au printemps 1945 sous les coups conjugués des Alliés, mais les soviétiques profitèrent de la libération de l’Europe centrale et orientale des griffes du IIIe Reich pour étendre leur empire. On connaît la suite. Un rideau de fer est tiré sur l’Europe et la Guerre froide débute avec le Blocus de Berlin.
Durant l’été 1961, le gouvernement de la RDA érige le Mur. En 28 ans, ce sont plusieurs centaines de personnes qui perdent la vie en tentant de franchir le mur, sans parler des milliers de personnes arrêtées ou torturées. Car la RDA était un terrible Etat policier où chacun pouvait surveiller et dénoncer son voisin à la redoutable Stasi, la police d’Etat…
Si la Réunification de l’Allemagne fut un travail mené par Helmut Kohl, elle doit beaucoup au visionnaire et énergique maire de Berlin et premier Chancelier social-démocrate de l’après-guerre Willy Brandt.
Depuis ses années d’exil, Brandt était convaincu que la division de la gauche allemande avait été une des causes de l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Devenu maire de Berlin, il ne désespérait pas de voir de ses yeux la réunification. Devenu chancelier en 1969, il continua d’y travailler en appliquant la formule imaginé par Egon Bahr, un dirigeant du SPD : « le changement par le rapprochement ».
Jamais il ne faut oublier que les sociaux-démocrates ont ainsi ouvert la voie, dans une époque où la CDU-CSU était hostile à tout dialogue, même si elle recueilli les fruits de l’effondrement de 1989.
Le Parti socialiste lui-même n’avait jamais rompu les liens avec les partis d’Europe centrale et orientale dont plusieurs cadres et intellectuels étaient francophiles et francophones. Ce qui l’animait c’était la conviction que Léon Blum avait vu juste au Congrès de Tours. A la même époque, Karl Kautsky et même Rosa Luxemburg avait « prophétisé » ce que serait l’illusion du bolchevisme. L’Histoire leur a donné raison.
Au moment de la Chute du Mur de Berlin, Pierre Mauroy écrivait « à chaud » en novembre 1989 : « d’un mur qui tombe, d’un symbole d’oppression disparu, la démocratie ne surgit pas pour autant. » Il prévenait aussi : « A ce bouillonnement, il faudra bien donner une direction. A cet égard, l’économie, bien avant l’idéologie précédera le mouvement. C’est pour nous socialistes, un défi important. Le rejet du communisme ne doit pas conduire nécessairement à l’adoubement du libéralisme ». Et de conclure « il n’y a aucune raison pour nous de lire avec quelle anxiété l’histoire de la liberté qui s’écrit sous nos yeux ».
L’inquiétude française était compréhensible. La réunification allemande, à peine 50 ans après le début de la Seconde guerre mondiale faisait peur. La sortie de crise – une germanophobie en réaction à un retour en force d’une puissance allemande – passait par l’Europe. C’est ainsi que François Mitterrand fut capable de convaincre Kohl : « construire l’euro plutôt que reconstruire le deutsch mark ». On connaît la suite…
La démocratie triomphait, mais les écarts sur le plan économique et sociaux ne seraient pas comblés tout de suite. D’ailleurs ils ne le sont pas encore. Même si l’Allemagne est redevenue une grande puissance économique et industrielle, s’affirmant même sur le plan diplomatique sous Gerhardt Schröder, elle n’a pas réussi à faire profiter les Länder de l’est de cette insolente prospérité.
Si la réunification est une victoire incontestable pour la démocratie, elle n’est pas encore achevée sur le plan social. La preuve c’est la façon dont « l’ancien régime » a survécu. D’abord avec les succès électoraux du parti Die Linke né d’une fusion de l’ancien parti communiste est-allemand et d’une scission de l’aile gauche du SPD, ensuite avec le mouvement de rue Pegida qui protestait contre les migrants et enfin, avec le débouché que s’est trouvé ce mouvement : le vote pour l’extrême droite incarnée par l’AfD qui dépasse désormais le SPD dans plusieurs Länder du pays.
Fukuyama avait donc tort : 89 n’a pas été la « fin de l’Histoire », mais plutôt le début d’une nouvelle page.
Aujourd’hui, chacun peut faire le bilan : la démocratie ne signifie pas automatiquement un Etat de droit garanti, des libertés fondamentales respectées et une justice sociale effective. La Hongrie et la Pologne qui ouvrirent les premières brèches dans le mur en sont des exemples bien connus. Mais l’intégration européenne suppose non pas une marche forcée, mais un processus de dialogue et de coopération politique. C’est là que le travail au sein de la social-démocratie européenne prend tout son sens.
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