Adieu Khaled
Il y a quelques jours, ma mère m’envoie un message depuis la Martinique pour me dire que cela faisait, à la date qu’elle évoquait, 29 ans que j’étais parti étudier « en France ».
Ce qu’elle ne sait pas, c’est qu’un de mes premiers rendez-vous deux jours après était à quelques pas du 46 rue Albert Thomas pour y rencontrer des militants de l’Unef-ID qui m’avaient obtenu mon inscription en histoire à Paris IV – Sorbonne.
Allait débuter un engagement militant avec des personnes dont, évidemment certains ont été perdues de vue depuis et d’autres avec lesquelles, des liens sont demeurés, malgré des rencontre trop rares.
Le hasard voulut qu’à ma première manif – contre la guerre du Golfe – je me retrouve, à un moment, à tenir une banderole entre Harlem Désir et Nasser Ramdane. Un moment inoubliable puisque pour nous, Martiniquais, Harlem était un motif de fierté. Plus tard, j’allais militer avec lui au PS dans les forums sociaux, sur des sujets européens et nous allions avoir des discussions nombreuses sur bien des sujets et parfois avec un homme qui nous a quitté cet été et qui a compté dans son engagement et « mon » rapport au Sénégal d’où certains de mes ancêtres ont probablement du être arrachés, je veux parler d’Ousmane Tanor Dieng, le leader du Parti socialiste là bas.
A l’Unef, très vite, on avait appris à saisir les enjeux de mémoire. Malik Oussekine était dans toutes les mémoires, la profanation du cimetière de Carpentras était récente, l’antisémitisme et le racisme mobilisaient en masse.
Mes camarades, plus « anciens » que moi, m’apprenaient pas mal de chose. Une d’elle avait, Line, plutôt discrète, avait un fougueux compagnon qui venait la voir à la Sorbonne.
Il semblait connaître tout le monde. Il a fait une gouaille irrésistible et avec son regard malicieux et sévère à la fois, il donnait l’image d’un homme déterminé, capable de beaucoup et prêt à tout. Généreux, disponible. Il s’appelait Khaled Melhaa.
Enfant d’Algérie, né au milieu des années 50, Khaled fut un camarade de discussions politiques à plusieurs reprises dans mon parcours militant et politique.
Il nous a quittés cet été et nous lui avons dit au revoir aujourd’hui.
Autour de ses proches, les compagnons de ses combats : les marches pour l’égalité du début des années 80, la mémoire de Malik Oussekine et l’exigence de justice, la défense des victimes de la dictature algérienne, la défense de la liberté d’expression de ce qui allait devenir Beur FM, la liberté de la presse avec El Watan, la manière de repenser des territoires solidaires avec ses collègues urbanistes et géographes.
Intellectuel, militant révolutionnaire, homme de gauche, Khaled était passé par l’école lambertiste, mais il y avait laissé le sectarisme et le dogmatisme.
Comme les enfants qui aiment qu’on leur raconte une histoire avant de dormir, j’aime côtoyer ces aînés en politique, souvent militants anonymes, qui représentent, encore aujourd’hui, une certaine façon d’être à gauche : hommes et femmes de culture, aux origines variées, curieux et qui ont, à un moment de leur vie, conçu l’engagement, non comme un hobby ou le motif d’une carte de visite, mais comme une implication qui parfois coûta une vie de couple ou la proximité des enfants…
Encore aujourd’hui, l’internationalisme qui mobilisa ces générations fait sens : au Brésil comme en Algérie pour ne citer que deux pays, la démocratie est un enjeu qui vaut la peine qu’on se batte pour elle.
D'ailleurs - et il en était un exemple - il a toujours dans la gauche française, une passion algérienne. Rien de ce qui se passe là bas ne nous laisse indifférent.
Avoir retrouvé Khaled dans la préparation d’élections régionales ou municipales était symboliquement, l’illustration d’une continuité malgré les apparences : donner à nos concitoyens plus de droits, faire reculer les discriminations, ca peut commencer dans des manifestations et se poursuivre dans des meetings, mais cela prend tout son sens dans l’action.
Voilà pourquoi la gauche a encore quelque chose à apporter au monde.
Amitiés à ses enfants et son épouse.
Salut camarade !
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