Ce week-end, je me suis fait les deux saisons de "Plan cœur", et hier soir avec bonheur, Antilles-sur-Seine de Pascal Légitimus. Deux divertissements dans lesquels Jean-Michel Martial tenait un rôle. Puis, au réveil, la terrible nouvelle.
Il vient de nous quitter.
Jean-Michel représentait une certaine idée de l'outremer, pas celle qui vient en premier, mais qui est aussi ce bout de France qui fait de notre pays, une nation unique au monde. Avec son petit frère Jacques, Jean-Michel faisait partie des visages et des voix familières pour les Français.
L'homme était grand. Beau. Il avait du charisme. De l'élégance et de la pudeur. Ce "bitin" qui fait de l'Homme antillais un morceau de choix à un poil tel que l'expression "black and proud" sonne comme un pléonasme. Mais, surtout, Jean-Michel, c'était une voix unique. Claire, elle déliait les mots auxquels elle donnait une expression particulière, et dans la conversation courante - improvisée ou la tirade récitée - travaillée, sa manière de parler redonnait du lustre aux mots galvaudés.
Cette voix, il l'avait prêtée de nombreuses fois pour le doublage, les planches, le grand et le petit écran.
Comme beaucoup, je l'avais d'abord vu dans ses films. Il était très occupé par ses activités d'homme de théâtre, comédien et metteur en scène. Et puis, il s'était engagé dans l'action militante, à la tête du Conseil représentatif des Français d'outremer (Crefom) fondé par Victorin Lurel, auquel, il voulait, malgré des moyens très réduits, donner de la force, de la maturité et de l'indépendance.
Lui et Daniel Dalin qui lui avait succédé à la présidence du Crefom, m'avaient convaincu de venir leur donner un coup de main dans cette aventure qui avait commencé quelques années plus tôt. L'approche de Jean-Michel m'allait parfaitement car il comprenait que pour approfondir la présence de l'outremer dans la Cité, il fallait préférer le débat et la pédagogie au coup de menton, au coup d'éclat et au fonctionnement par à coups.
L'homme de théâtre qu'il était n'avait pas besoin d'être théâtral pour développer son point de vue. Sa tranquillité jurait avec l'agitation et la susceptibilité qu'on peut avoir dans un combat qui n'est pas toujours bien perçu par des élites bien intégrées qui croient toujours qu'antiracisme rime avec communautarisme.
D'ailleurs, ce n'était pas son style. Et pourtant, ce fils de militaire originaire de la Guadeloupe, qui avait beaucoup joué au rugby, n'avait pas peur de la rugosité pourvu qu'il s'agisse du beau jeu. Il n'avait pas peur d'entrée dans la mêlée, mais il savait qu'il fallait savoir rester au dessus d'elle.
Ce dentiste de formation, né à Madagascar, avait travaillé en Guyane avant de revenir s'installer en France. De fait, il était fait de cette glaise qui façonne l'homme antillais, mais elle ne l'enchaînait pas. Après tout, il était un Martial, un des patronymes les plus répandus aux Antilles.
Homme humble aussi, il était accessible et il savait dire "je ne sais pas" et il savait demander de l'aide.
Sa disparition survient à un moment où l'engagement civique des ultramarins prend de l'importance. Il n'était pas dans l'obsession identitaire ou la revendication des colères. Son truc, c'était la rencontre, l'enrichissement mutuel, le dialogue. Pas les formules chocs ou les combats de coq. Cette humilité qui pouvait faire penser à de la timidité laissait quand même deviner une grande force.
Et puis, plus un partenaire de discussion qu'un ami intime, Jean-Michel était un homme de gauche. Cet habitant de la Goutte d'or dans le 18e arrondissement de Paris avait soutenu le candidat socialiste Daniel Vaillant aux élections municipales de 1995 ainsi que François Hollande à l'élection présidentielle de 2012. Cela constituait un lien de plus pour nous deux.
Il va nous manquer bien sûr, mais en méditant son parcours, on trouvera, plus durablement que dans l'hommage, de quoi continuer à faire vivre la lutte permanente pour l'égalité et la culture, deux moteurs puissants qui tirent l'Homme vers le haut et vers le beau.
Au revoir l'ami !
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