"Quand on est socialiste, on vote socialiste". Ce devrait être d'une logique implacable, mais évidemment, aux yeux de beaucoup d'électeurs, cela ne va pas de soi. Alors, voici quelques raisons et quelques arguments pour dépoussiérer l'enjeu d'une campagne perturbée par des approximations, des simplifications ou des détournements.
Il y a quarante ans, les citoyens des pays membres de la Communauté économique européenne élisaient pour la première fois leurs députés européens. Depuis, la participation n'a cessé de diminuer. Plus l'Europe s'est rapprochée de nos vies par les décisions qui étaient prises, plus elle s'est éloignée des désirs d'une majorité de personnes à cause d'une manière de fonctionner et de parler trop technique. On a eu rapidement l'impression que seule une poignée de spécialistes, familiers des acronymes et des règlements complexes, pouvait comprendre l'enjeu. Rien de pire pour creuser l'écart avec des citoyens tous sauf idiots, mais qui ne trouver que les démagogues, notamment d'extrême droite, pour parler clair - sans jamais parler juste - et travestir la réalité.
La réalité la voilà :
L'extrême droite est l'exact opposé de l'Europe dont j'ai envie. Bardella est candidat d'un parti qui jadis faisait campagne avec un slogan qui disait "tête haute et mains propres" pour dénoncer la corruption chez les autres. Le FN/RN est le parti le plus condamné de France quand on considère ce que la justice a décidé pour plusieurs de ses leaders : incitation à la haine raciale, apologie de crimes guerre... Le Pen a récidivé sur "le détail" et le parti a détourné 300 000 euros avec ces histoires d'emplois fictifs d'assistants parlementaires - Marine Le Pen refusant de répondre aux convocations du juge.
Outre ce problème sérieux d'exemplarité, les alliés et les réseaux frontistes démontrent la véritable nature du RN : de l'alt-right de Bannon aux financements russes, en passant par l'extrême droite autrichienne, le "national populisme" italien, estonien, néerlandais, polonais ou l'AfD en Allemagne, c'est haro sur l'étranger et feu sur les musulmans. Leur Europe, ils la veulent blanche.
La droite est de plus en plus à droite. Ce n'est plus celle de Veil et Barrot ni celle de Lamassoure qui a bien servi au Parlement. C'est celle de Bellamy Wauquiez Morano. Les deux derniers étaient contre la suspension d'Orbán des rangs du PPE. Quant au jeune Bellamy qui est en train de damer le pion à Wauquiez, il n'a rien d'un gauchiste, bien au contraire.
D'ailleurs, le centre droit fuit vers LREM pour y retrouver la tradition européiste incarnée dans les années 80 par la vieille UDF. Mais ce faisant, il grossit les contradictions chez Macron. Les cautions écologistes avec les deux Pascal (Canfin et Durand), l'onction de Dany Cohn-Bendit, le soutien d'un Romain Goupil ou la candidature d'un Bernard Guetta, tombent à plat avec le soutien de la vieille garde giscardienne - des noms qu'on avait oubliés comme Pierre Méhaignerie...
Ce même centre droit s'est retrouvé dans une belle difficulté avec sa tête de liste. Tout le flamboyant de l'euro-Macronie s'est scratché avec une tête de liste contraste cruellement au point qu'elle est désormais effacée, des affiches, qui représentent, comme en 2017, Emmanuel Macron. Cette affiche transforme les élections européennes en référendum "pour" ou "contre" Macron. Curieuse conception de la démocratie, étonnant risque.
Cela n'empêche pas quelques vieilles gloires socialistes d'annoncer leur soutien à cette liste. Ignorent-ils le bilan européen de Macron ?
Quelques rappels :
C'est lui ou l'extrême droite, mais comme l'extrême droite italienne, il refuse les passagers de l'Aquarius.
C'est lui ou l'extrême droite, mais il s'allie aux gouvernements nationaux-populistes conservateurs autrichien et hongrois pour refuser une réforme progressiste du congé parental.
Merkel elle-même reconnaît qu'entre eux, ça ne va pas fort...
Les écologistes veulent surfer sur le "momentum vert" qui donne des couleurs à l'écologie politique en Allemagne ou encore en Belgique. Mais Yannick Jadot n'ignore pas qu'on ne peut pas tout subordonner à l'écologie. Sur le social et l'économie, gauche et droite ce n'est pas pareil. Il faut toujours faire attention à ne pas tenir en campagne des propos trop vifs qui affaiblissent les opportunités d'alliance par la suite.
Les Insoumis ne rééditeront peut-être pas la percée de 2017. La campagne de Manon Aubry a permis de voir éclater les contradictions de LFI : la ligne euro-exigeante qu'elle incarne face à la ligne eurosceptique de gauche de Mélenchon. Cela ne masque pas leur isolement européen car leur plus proche allié, Podemos, n'a plus la même hostilité à l'égard du PSOE qu'eux vis-à-vis du PS. Leur nouveaux camarades, Maurel et Lienemann, n'ont pas quitté le PS pour aller dans un mouvement qui préférait une semaine sur deux le peuple à la gauche.
La défection d'un élu régional qui a annoncé dans revue d'extrême droite qu'il voterait pour Bardella ne dit rien de la véritable nature de la FI contrairement aux fantasmes de certains qui veulent voir des ponts entre les deux. Mais évidemment, cela tombe mal et cela s'ajoute à la campagne du PCF.
La FI sera isolée dans un groupe de la gauche européenne où les plus gros bataillons - Syriza ou Die Linke - sont sur une ligne "gauche critique" qui a vu l'extrême droite lui prendre des voix et qui en tirent les conséquences. Le temps est au dialogue des gauches au plan européen, qu'on le veuille ou non. Si les droites convergent, pourquoi les gauches ne convergeraient pas ? Ne sont-elles pas dans des logiques d'alliance ou de soutien sans participation au plan local ou national en Espagne ou au Portugal...
L'autre côté de la tenaille pour LFI c'est en effet le Brossat Effect. Le "jeune communiste" dont les parents étaient des cadres importants de la LCR fait sensation. Mais il est "plombé" par la marque PCF. De fait, la FI va supplanter le PCF dans la gauche européenne. Un tournant historique qui n'intéresse personne, mais qui a son importance.
Reste, la liste du Parti socialiste. Elle est la seule intéressante à gauche car c'est son prolongement européen c'est le groupe social-démocrate qui voit l'écart qui le sépare du PPE se resserrer à mesure qu'on se rapproche du 26 mai.
Le Parti socialiste a été le premier à adopter son programme, en octobre 2018. Un programme suffisamment bon pour que les macronistes en pillent une partie d'ailleurs... Il s'est nourri de contributions de milliers de militants, il s'est appuyé sur les revendications des socialistes européens qu'il a également nourries, puis il s'est élargie à d'autres mouvements avec lesquels il convergeait. Tout cela a été mis sur la place publique et la volonté de créer les conditions d'une nouvelle donne est sincère. D'ailleurs, un changement de majorité est non seulement souhaitable, il est possible. Plus il y a de voix pour les socialistes en France, plus c'est à portée de main. Plus de voix pour le PS c'est aussi plus de pression populaire pour la réorientation dont l'Europe a besoin. Être minoritaire est le résultat d'un combat perdu, rarement l'objectif. Plus les socialistes seront nombreux, plus ils pourront être centraux.
Il y a des moments où les calculs, les postures sectaires font plaisir, mais ne changent rien à la vie des gens.
Enfin sur cette liste, il y a pas mal de personnes que je connais depuis longtemps, qui ont de la valeur, de la ténacité et de l'expérience : Sylvie Guillaume a plus que fait ses preuves et sur les questions de démocratie, elle a montré que l'Europe peut faire plus que proclamer des principes, elle peut aussi les appliquer. Eric Andrieu est devenu le symbole d'un combat contre un poison au nom imprononçable, mais qui est désormais un combat repris par tous.
Des 34 listes, de la confusion et de la dispersion qui menacent et qui peuvent nourrir l'abstention une seule offre une voie social-écologique vers l'Europe dont les gens ont envie, celle qui aide à relever les défis d'un monde toujours plus complexe. La liste Envie d'Europe...
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