Eole rime avec créole. Le dieu des vents aime nos îles qui semblent facilement les cibles de ces boîtes de Pandore que sont les cyclones…
Pluie et vent sur Télumée Miracle écrivait Simone Schwartz-Bart en 1972. C’est un peu le lot de ces territoires idylliques que rien n’épargne.
Il est bon de se pencher à nouveau sur le « côté obscur » des îles d’où nous venons. Nous savons très bien que derrière la douceur du climat, qui fait rêver les habitués des pays tempérés, la luxuriance des paysages et la profusion de saveurs et de rythmes, il y a, en plus des difficultés économiques et sociales auxquelles on ne peut échapper – la vie chère, le chômage de masse, la pollution et maintenant la dépopulation, les risques naturels.
On le sait, les îles de la Caraïbe sont des îles multirisques. Risques sismiques, risques cycloniques et risques volcanologiques. Par exemple, la moitié sud de l’île de Montserrat est inhabitée depuis l’éruption de la Soufrière en 1995 et personne n’a oublié la catastrophe du 8 mai 1902 quand la ville de Saint-Pierre en Martinique fut dévastée en quelques minutes. Dans les années 70-80 c’était la Soufrière en Guadeloupe et à Saint-Vincent qui entraient en éruption.
Haïti a été sévèrement touchée par un violent tremblement de terre en 2010.
Enfin, et ce sont les cas les plus fréquents, plusieurs îles ont été touchées par des cyclones au cours de leur histoire, au point d’ailleurs que ces catastrophes marquent chaque génération.
Pour la Martinique, nos parents ont connu, enfants, Edith en 1963, Beulah en 1967, Dorothy en 1970 et ses quarante quatre morts, David, Allen, Dean etc…
Certains se rappellent de ce cocotier à deux têtes qui était une des attractions de Fonds Lahaye, à la sortie de Schoelcher et qui perdit une de ses têtes lors du passage de David…
Chacun a en mémoire ce moment où il fallait mettre du ruban adhésif sur les jalousies afin de consolider les vitres des fenêtres. Chacun sait qu’il faut toujours avoir sa réserve de denrées non périssables, ses piles, son transistor et ce qu’il faut d’eau potable. De génération en génération, on se transmet les gestes et les consignes.
A chaque épisode pluvieux entre juin et octobre, on sait que cela peut évoluer. L’onde tropicale qui peut évoluer en dépression, puis en tempête, puis en cyclone – ou ouragan.
L’alizée qui adoucissait la dureté du soleil devient lui-même dur avec des vents pouvant aller à plus de 200 km…
Nous avons donc appris à vivre avec cette précarité : une terre remuante, des montagnes grondantes sous des vents menaçants…
Irma et Maria ont pourtant été le moment d’une nouvelle donne.
En effet, ces cyclones se sont produits à des rythmes très proches, fait rare et dans un moment de notre histoire où on parle des effets du réchauffement climatique qui impactent les îles avant tout : la montée des eaux fera disparaître certaines îles, le réchauffement de l’eau conduit à la modification de la biodiversité d’autant que la surpêche conduit elle-même à la raréfaction du poisson. La montée des températures rend plus fréquents et plus violents les orages et les ouragans.
En cette rentrée 2018, les écoles de Saint-Martin se sont retrouvées avec 15 % d’enfants en moins probablement car plusieurs familles ont souhaité quitter le territoire après l’épreuve du cyclone.
Probablement a-t-on assisté à la naissance d’un nouveau phénomène qu’on pourrait qualifier de « rapatriés climatiques » : ces citoyens français vivant en outremer et qui décident de venir s’installer dans l’hexagone, plus ou moins durablement. Il faudra anticiper ces mouvements car ces familles qui ont dans leur grande majorité des attaches familiales ici, devraient être accompagnés en termes d’hébergement, de transports ou encore de scolarisation des enfants…
Ce qui a aussi changé c’est l’information : très vite, de fausses nouvelles ont circulé sur le bilan des victimes et les cas de violences, exagérant tellement les faits que cela a créé une psychose et une défiance. Ces actes sont criminels car cela aurait pu déclencher une panique et on sait qu’une population en proie à la peur est capable de tout surtout lorsque le sentiment que la continuité de l’Etat n’est pas assurée. Il faut en tirer des leçons, même si on ne pourra jamais empêcher la diffusion de fausses nouvelles.
Plusieurs députés de l’opposition avaient demandé la nomination d’un Préfet en charge de la reconstruction, sur le modèle de ce qui avait été fait après le passage du cyclone Hugo sur la Guadeloupe il y a une vingtaine d’années. Il fallait superviser la reconstruction sur le long terme, s’assurer que les normes de construction anticycloniques soient respectées notamment.
Le bilan effectué au début de la saison cyclonique a été jugé décevants par les habitants et les élus locaux. Les sommes promises n’ont pas été versées intégralement et même la Cour des comptes, traditionnellement en faveur d’une dépense publique modérée, a jugé que l’effort était insuffisant. Bref, un an après, la reconstruction n’est pas finie et les engagements pris dans l’urgence par l’Etat n’ont pas été tenus.
Les assurances ne suivent pas et, problème structurel dans ces îles, la gestion des déchets, carcasses et déblais que les particuliers ont parfois tendance à déposer n’importe où, ce qui pose des problèmes de salubrité, de pollution et de sécurité… Autant d’objets dangereux en cas de cyclone !
Si le climat tropical permet à la végétation de repousser vite, il n’en est pas de même pour les constructions et on sait que de telles catastrophes peuvent se reproduire.
Il serait judicieux que les particuliers, associations et élus locaux qui sont des composantes incontournables de sortes de « comités de citoyens pour la reconstruction » jouent un rôle de « poil à gratter » pour que les pouvoirs publics et les assureurs permettent de recouvrer un habitat sûr et décent car c’est un droit élémentaire, notamment dans un pays développé. Mais on a vu comment, avec Katrina, ce droit élémentaire pouvait être oublié…
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