C'est la fin d'une époque et d'une histoire. Mais la confusion du moment est telle que la question urgente qui est sur les lèvres de tout le monde mérite qu'on regarde plus vers l'avenir : et maintenant ?
Trois ans à la tête du Parti socialiste, Cambadélis aura réalisé un vieil objectif politique mais, il aura été en responsabilité dans un temps de crise profonde de la gauche dans lequel, elle ne s'épargna rien à elle-même. Il faut le remercier d'avoir tenu la barre et d'avoir fait avancer la barque.
Il a su prendre le meilleur dans chacun et chacun a pu donner le meilleur de lui-même.
Si on veut bien avoir un peu de mémoire, souvenons-nous de l'année 2012.
À ce moment, beaucoup pensent que c'est plié. Chacun pense qu'il sera ministre ou conseiller, la couleur de la moquette est déjà choisie... Lorsque que Cambadélis annonce par ces indiscrétions qu'on comment mille fois plus qu'une belle tribune que le job l'intéresse, cela intrigue. Encore une manœuvre ? Ah mais on avait oublié le Parti. Que pourra-t-on en faire ?
Il n'est pas faux de penser alors qu'il avait disparu des radars des grands stratèges, tous occupés à travailler à leur chance pour Matignon, cette fois ou la prochaine.
Après la victoire, il sera urgent d'attendre : s'il y a quelques soutiens qui s'expriment en faveur de Cambadélis sur la base de ses capacités à tenir un appareil aussi turbulent que celui du PS, plusieurs se mettent à avoir un désir d'Harlem, considérant que celui qui est alors le numéro deux du PS ne gênera personne. Indélicat ni pour Désir ni pour le PS.
Quant à François Hollande, il doit choisir entre ne pas désavouer ses amis qui veulent Désir et son Premier ministre, Jean-Marc Ayrault qui veut Cambadélis. Déjà le congrès de Toulouse devient cette manifestation de "l'empêchisme" qui fait aboutir une combinaison d'appareil non pas pour choisir le meilleur, mais pour éliminer celui dont on ne veut pas.
Pendant les deux ans qui suivent, Cambadélis est loyal, sa cote monte et lorsqu'Harlem, about de force se retire, il n'y a pas d'autre nom qui s'impose. Est-ce ces deux ans ont été perdus ? Nul ne sait. Mais une certitude demeure : ceux qui ont porté Harlem en 2012, ne l'ont pas soutenu durant ces années et ils ont fini par le lâcher.
Quand mi avril 2014, Cambadélis devient Premier secretaire, cela correspond jour pour jour à la date de sa rupture avec le trotskisme. Mais lui qui aura, à force passé plus de temps au PS qu'au PCI, reste un paria politique. L'aile gauche du PS qui n'a jamais masqué un rapport de fascination répulsion organise la fronde. Jusqu'au congrès de Poitiers en 2015, elle n'aura de cesse de remettre en cause sa légitimité.
Mais une fois pour toutes, les urnes parlent.
Cambadélis aura continué dans les pas de Martine Aubry sur le rajeunissement de la direction du PS.
Si on recommence à faire de la politique, ce n'est pas à coups de petites phrases ou de grandes menaces. Être Premier secretaire c'est trouver les termes d'un compromis dynamique entre le parti et le gouvernement. Entre une technocratie sans âme mais sûre d'elle et des masses militantes exigences qui pensent que l'on peut que l'on doit voter les textes du conseil des ministres en conseil national.
Beaucoup rejouent leur jeunesse dans cette histoire alors que le monde a changé.
On lui reprochera sa fidélité, son sens de l'équilibre. Mais avouons que face à la brutalité des amis de Manuel Valls et l'obsession anti Valls des autres, les deux ailes, gauche et droite, travaillaient à la même chose : briser le PS pour tenter de s'imposer dans la gauche.
On connaît la suite.
Imaginez ce mandat où il fallut affronter une vague terroriste sans précédent ou encore dire au revoir à Michel Rocard et Henri Emmanuelli... deux acteurs majeurs de la guerre culturelle qui divisait le PS mais qui avaient tous deux donné à Jean-Christophe Cambadélis les moyens d'organiser et de réussir les assises de la transformation sociale. Lui n'a jamais cru à la gauche dans un seul parti et l'unité de la gauche a toujours été un cap à suivre, malgré les sectarismes où les vents contraires.
2017 aura été une année de merde. Les socialistes se sont haï passionnément, certains ont confondu la présidentielle à un congrès de l'UNEF ou du MJS. Beaucoup on délibérément choisi de participer à la destruction d'une organisation qui leur a souvent beaucoup donné. Quand les socialistes ne s'aiment pas, alors il ne faut pas s'étonner qu'on ne les aime pas.
Encore aujourd'hui, l'aggravation des risques climatiques, les bruits de guerre entre Trump et Kim Jong Un, la tension en Catalogne, la crise du monde syndical face aux attaques en règles du gouvernement ouvre un espace dangereux à toutes sortes de débordements... le contexte politique est trop grave pour que l'on joue encore.
En juin juillet, tout le monde avait la mine grave et on semblait saisir qu'enfin, la situation nécessitait de la hauteur et de l'humilité. On dirait qu'aujourd'hui, ce soit un peu loin : les uns s'y voient, d'autres ne veulent pas y voir les autres et les troisièmes méprisent tout le monde.
Du bilan de Jean-Christophe Cambadélis, certains ne retiendront rien, trop contents d'avoir tourné une page. Pourtant il y a quelques marqueurs essentiels pour réussir le rebond :
L'autorité dans le leadership : savoir se faire respecter. Dans trop de cas, l'autorité du parti a été défiée et en quelques tweets il est possible d'étouffer une position claire. Cela doit cesser.
L'exigence d'un travail politique et intellectuel : le temps politique n'est pas le temps médiatique. C'est comme les sucres rapides, on les savoure, ils brûlent vite, mais à la longue ils rendent malade. Apprendre la patience et la détermination sont des choses essentielles. Apprendre aussi de l'adversité est fondamental. Quiconque n'a jamais essuyé de défaite est un bleu.
Rester ouvert et curieux c'est regarder comment mieux comprendre et mieux répondre. Sans se laisser intimider par le doute. Oui, le scepticisme, le relativisme et le cynisme sont de belles postures bourgeoises qu'on peut laisser aux commentateurs. Il faut se faire à l'idée que de bonnes propositions ne sont pas bonnes parce que quelques sondages donneront immédiatement de bonnes courbes.
Pour finir, oui, il y aura eu la fierté de travailler avec de bonnes équipes. Ce n'est pas rien de servir le Parti socialiste. Il y avait un petit objectif à attendre : être capable de se regarder dans la glace le jour d'après.
Bien sûr on n'aura pas tout réussi, mais ont aura tout essayé. Nous avions prévu les coups. Nous en avions vu d'autres au cours de ces années de militantisme. Nous n'aurions pas imaginé un harcèlement et un déferlement de haine qui ne se sont pas cantonnés aux discussions devant la machine à café.
Mais nous nous avons la conscience tranquille.
Il s'agit maintenant pour chacun d'aider ce parti à réussir quitte à lui donner quelques coups d'éperons.
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