Alors que beaucoup de militants politiques croient qu'on peut résumer la complexité du monde en 140 signes et que beaucoup d'observateurs hyper connectés ne se cognent au réel que les doigts sur leur clavier, il est bon de rappeler que le monde est toujours beaucoup complexe que la pensée, l'écrit, la méditation, sont essentiels en politique. En effet, la politique n'est pas une technique, c'est aussi un rapport au monde qu'il faut regarder, ressentir, interpréter avant d'essayer de créer les rapports de forces pour le transformer.
C'est l'exercice auquel se livre souvent mon ami Emmanuel Maurel. Il est un des rares militants de notre génération à n'être ni technocrate, ni séduit par le mouvementisme tous azimuts.
Dans la revue Charles, il a commis un étonnant portrait du Premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadelis, évoquant le parcours, le style et le profil du numéro 1 socialiste qui représente une certaine idée de la gauche, cette gauche du mouvement social qui cherche toujours à "mettre le réformisme au service des espérances révolutionnaires".
Emmanuel Maurel a longtemps été minoritaire au Parti socialiste, y compris par son parcours. Aucune jeunesse libertaire ou trotskysante, aucune fascination pour la Révolution bolchévique. Très cultivé, brillant orateur, éternel inquiet et insatisfait, le bonhomme est aussi un affectif et un sentimental.
Sa matrice c'était Jean Poperen dont on devrait tous se souvenir cet été, vingt ans après sa disparition. Poperen c'était cette gauche venue du communisme qui avait apporté sa contribution au PSU puis au Parti socialiste. Le théoricien du Front de classe milite pour l'unité de la gauche - le grand parti de toute la gauche est une vieille idée que nous avons toujours partagée. C'était et c'est toujours la Première gauche, articulée sur la République, la laïcité et une Europe progressiste.
Emmanuel que j'ai connu au Manifeste contre le Front national et retrouvé au Mouvement des jeunes socialistes animait un courant dont beaucoup de militants étaient de jeunes intellectuels qui avaient le mérite de ne pas être arrogants. Eux militaient à l'Unef-SE, mais ils étaient indéfectiblement liés au Parti socialiste.
Lors du congrès du MJS à Toulon en 1998, nous l'avions même soutenu à la présidence du mouvement parce qu'il avait l'étoffe qu'il fallait pour le MJS que nous voulions. Jamais le débat d'ailleurs n'a eu lieu sur le fond.
Il dresse un "costard" puisque les rédacteurs de la Revue font partie de ces gens qui réduisent Cambadélis - membre du PS depuis 30 ans, à ses 15 ans d'engagement de jeunesse à l'OCI où il se faisait appeler "Kostas"... La fascination de certains demeure, superficielle, car rares sont ceux qui s'interrogent sur les raisons de l'engagement dans la gauche radicale dans ces années 60-70. Ce costard là est de bonne coupe et ainsi habillé pour l'hiver, on peut se réconforter et dire qu'il y a encore des gens qui prennent la politique au sérieux.
Exercice rare que cette évocation qui n'est ni intellectuelle comme une revue savante, ni sensationnelle comme dans une publication "people".
La politique, la belle, pousse à la prise de hauteur. C'est affaire d'idées pour changer le monde. C'est aussi ainsi qu'on donne de la valeur au combat et de la profondeur à la réflexion pour peu qu'on ne soit pas blasé ou cynique.
Lisez cet article, lisez aussi les textes d'Emmanuel Maurel. J'aime sa plume. C'est un parti pris.
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