Ca y est. Finies les années Obama. C'est désormais un Président plus que jamais atypique qui occupera pendant quatre ans le Bureau ovale. Après avoir vampirisé la Primaire républicaine, Donald Trump, le magnat de l'immobilier, l'oligarque est désormais officiellement Président.
Il a formé son gouvernement et dans son équipe, Stephen Bannon est une des personnes à suivre de près. Homme de média, ultraconservateur, et un des artisans de la victoire, Bannon souhaite en effet tisser une toile qui aurait pour relais en France le Front national.
On a souvent qualifié la victoire de George W. Bush Jr en 2001 comme celle de l’Amérique néo-conservatrice, emmenée par cette génération d’intellectuels et d’universitaires venus parfois du gauchisme et formée à l’antisoviétisme dans les années 70-80. Ce n’est pas faux et ce courant s’est « enrichi » du Tea Party une dizaine d’années après, rassemblant quant à lui dans les classes moyennes blanches une population hostile aux politiques sociales et sociétales du Parti démocrate. Cette mouvance a bousculé le Parti républicain.
Le "Grand Old Party" n'est plus celui d'Abraham Lincoln depuis longtemps. Entre Lincoln et Trump, il y a eu Reagan et Bush notamment.
Depuis les années 80 et le succès des thèses néo-libérales de l'Ecole de Chicago, les krachs de 1987 et de 2008 n'ont freiné cette droite qui loue l'Etat minimal et ces dirigeants qui croient plus au dollar qu'à autre chose.
Quelques années plus tard, la victoire du magnat de l'immobilier Donald Trump, qui est entrée en politique comme on entre dans les affaires a achevé de révolutionner la droite américaine : sans chercher à prendre le parti qui la représentait, ces néo-conservateurs ont fait main basse sur ce qui fait l’opinion : les médias comme Fox News, une tribune qui leur était acquise depuis longtemps et les nouveaux médias, ceux du web.
Stephen Bannon est un des hommes forts de cette génération réac. Venu de ce monde là, le désormais « haut conseiller et chef de la stratégie » de Donald Trump fait l’admiration de ce côté ci de l’Atlantique, notamment dans l’entourage de Marion Maréchal-Le Pen.
Breitbart News, le « Hufftington Post de la droite »
Tout commence par un homme, Andrew Breitbart. Ce journaliste mort à 43 ans en 2012 avait été un des co-fondateurs du Huffington Post. Passé par le Washington Post, Breitbart était connu pour être un homme de télé, commentateur, chroniqueur, adepte des coups de gueule et très hostile au Parti démocrate. Enfant adopté d’une famille convertie au judaïsme, Andrew Breitbart se convertit lui-même politique au conservatisme « reaganien ». Pro-israélien, anti démocrate, il devint célèbre en devenant un polémiste virulent. Par exemple, en insultant la mémoire du sénateur Ted Kennedy quelques heures seulement après le décès de ce dernier.
En 2007, il lance le site Breitbart News qui porte une ligne anti système, conservatrice. Il était également des orateurs appréciés du Tea Party considéré également comme un « grand » par les principales figures du Parti républicain comme Newt Gingrich ou Mitt Romney. Dans son lectorat on retrouve aussi des suprémacistes blancs et des néo-nazis.
Breitbart News entretient des liens avec des mouvements d’extrême droite européens tout en apportant un soutien très fort à Israël.
Il existe une édition londonienne à laquelle Nigel Farage contribue régulièrement. James Delingpole, rédacteur en chef de cette édition, lancée en 2014, se décrit comme « membre de la minorité la plus discriminée de notre temps : les hommes blancs diplômés d’âge mûr. » c’est un aussi un climatosceptique et partisan du Brexit. Dans l’équipe britannique, il faut aussi mentionner le jeune Raheem Kassam, d’origine tanzanienne, conseiller de Farage et admirateur de Margaret Thatcher et Barry Goldwater.
Il y a aussi une édition israélienne et en projet une édition allemande. L’édition israélienne veut proposer une information différente disent-ils des médias dominants et de J Street, une initiative pro-paix animée par des juifs progressistes américains.
En soutien à la campagne de Donald Trump, ce site a véhiculé aussi bien des rumeurs que des thèses complotistes, ou encore des propos antimusulmans. Entre le tabloïd et la propagande réactionnaire, Breitbart News fait partie des sites les plus visités des Etats-Unis. Avec plus de vingt millions de lecteurs, il est encore plus radical et violent que la chaîne Fox News.
Après la mort de Breitbart, c’est Stephen Bannon qui prend la tête de ce média.
L’ère Bannon
Bannon est issu d’une famille irlandaise catholique, démocrate et pro-Kennedy. Ce « background » familial n’empêche pas le personnage d’être violemment hostile à tout ce qui représente « le système » en général et le clan Clinton en particulier. Son site a d’ailleurs repris toutes les rumeurs et informations négatives concernant l’adversaire démocrate de Donald Trump. C’est un déçu de Carter et de Bush. Admirateur de Reagan lui aussi, il s’est radicalisé.
Comme Breitbart, Bannon a un œil sur Hollywood où il a fait une petite fortune, mais qu’il critique volontiers, comme il a critiqué le mouvement « Occupy Wall Street » en même temps qu’il portait aux nues Sarah Palin.
Début juillet 2016, Bannon déclarait : « Nous pensons que la France est l’endroit où il faut être. Avec ses jeunes entrepreneurs, les femmes de la famille Le Pen… Nous cherchons à ouvrir un Breitbart Paris, voire un Breitbart France ».
Stephen Bannon a été accusé d’antisémitisme par son ex-femme ainsi que de violences conjugales. Mais le personne n’est pas à une contradiction près. Comme nous l’avons évoqué plus haut, Breitbart a aussi une petite audience en Israël et Bannon a engagé pour le site, Joël Pollak. Né en Afrique du Sud, Pollak a été élevé dans le judaïsme orthodoxe. On peut aussi citer Ben Shapiro qui a travaillé pour la même équipe et qui appartient à cette génération de jeunes nés dans les années 70-80, ultraconservateurs, obsédés la pensée dominante de gauche dans les medias ou le cinéma, violemment antipalestiniens…
A 62 ans, Bannon est devenu directeur général de l'équipe de campagne, au cours de l’été 2016 bien qu’il tirait déjà les ficelles en coulisses. Cela, au grand dam des cadres du Parti républicain qui y ont vu une provocation. En revanche, sa nomination a ravi les milieux néo-nazis américains ainsi que l’ancien dirigeant du Ku Klux Klan David Duke qui se présentait pour le Sénat en Louisiane.
La nouvelle droite américaine : « l’Alt Right »
Tous ces réseaux et ces personnalités se retrouvent au sein de l’Alt Right, qu’on pourrait traduire en française par « alterdroite » à l’instar des « altermondialistes » qui pensent qu’un autre monde est possible, plus solidaire et plus durable. L’alterdroite est quant à elle hostile au conservatisme traditionnel. Elle prétend défendre l’identité blanche contre l’immigration et le multiculturalisme. Elle est animée par des figures plutôt jeunes.
Le terme a été inventé par le suprémaciste Richard D. Spencer (né en 1978). Parmi ses références, la propagande nazi au point que ses partisans ont fait un salut hitlérien dans une réunion publique en plein Washington. Il a qualifié la victoire de Trump de « triomphe de la volonté », une référence directe au film de propagande nazi éponyme réalisé par Leni Riefenstahl. Spencer est interdit de séjour dans vingt six pays européens.
Les théoriciens de l’alterdroite craignent le déclin de la race blanche. Leurs militants sont très présents sur la toile et l’ensemble de réseaux sociaux qu’ils utilisent de manière systématique pour diffuser leurs idées et suggérer leurs grilles de lecture et banaliser leurs thèmes. Ce sont des antisémites notoires. Ils sont anti IVG, racistes et homophobes.
On pourrait objecter que Trump, dont une partie de la famille aurait des origines juives comme son gendre, Jared Kushner et que cela ne milite pas en faveur d'accointances avec une ultra droite antisémite... Mais Trump n'est pas un idéologue et Bannon n'est pas tout seul. Bien que David Duke ait vu dans le discours d'investiture de Trump, une "déclaration de guerre aux Juifs" et qu'enfin, Trump a eu "le courage d'employer le terme +Blanc+", cela ne signifie pas qu'au pays du pragmatisme, des idéologues aient pris le pouvoir au point d'imprimer un cours réactionnaire sans précédent au pays...
Ce qui est plus dangereux c'est le fait qu'une bonne partie de l'opinion a été conditionnée durant quelques années avec un mélange de vulgarité, de mensonges, de théories du complot qui ont banalisé des idées de haine à travers une savante utilisation des réseaux sociaux.
En France, on a Zemmour, Valeurs actuelles et les sondages qui façonnent l'opinion sous prétexte de l'étudier.
Nous sommes prévenus...
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