C'est à peine la rentrée des classes que déjà, François Fillon vient de mériter un zéro pointé. Dans un discours ce week-end il a déclaré que "la colonisation visait à partager sa culture". Il fustigeait les enseignements scolaires visant, selon lui à inculquer aux élèves la haine de la France.
Une fois de plus, la droite, pour ne pas parler se son échec économique et social, fait dans la surenchère identitaire. Comme si les dégâts du discours de Dakar de Sarkozy, des propos de Guéant sur la civilisation ou des déclarations de multiples dirigeants contre les étrangers ou les français de culture musulmane n'avaient pas fait assez de ravages. Comme si, après les attentats et la débilité de l'affaire du burkini, il fallait en rajouter dans le révisionnisme et la division du pays.
Venant d'un homme qui fut Premier ministre notamment au moment de l'affaire Mérah, on aurait pu imaginer plus de sagesse quand on sait qu'il fut longtemps le maire de Sablé-sur-Sarthe, une ville qui eut comme particularité d'avoir élu dans les années 30, le premier ultramarin comme maire d'une ville de l'Hexagone. Raphaël Elizé (1891-1945), un vétéran de la Première guerre mondiale et vétérinaire de profession avait en effet été l'édile de ville sous les couleurs du Parti socialiste. Destitué par le régime de Vichy, il devint résistant avant d'être arrêté et de mourir en déportation à Buchenwald, là où fut également interné Léon Blum.
Fillon, qui compte parmi ses soutiens Gérard Longuet dont on connaît les engagements de jeunesse, fait donc dans le révisionnisme historique. Au lieu d'admettre son erreur dans le domaine de l'Education nationale quand il a décidé de supprimer des milliers de postes, il ferait mieux de comprendre que l'Ecole de la République mérite d'être défendue, tant la fonction d'enseignant est sacrée pour notre modèle.
Le génie de la République est de travailler à l'émancipation. Oui la République a mis du temps avant d'abolir l'esclavage, oui elle n'a pas compris tout de suite les méfaits de la colonisation, mais, elle a finit par entendre la voix de la Raison.
En militant pour que les programmes scolaires donnent une "imagine plus favorable" de la France, Fillon rouvre le débat de 2005 sur "les apports positifs de la colonisation" qui avaient provoqué une mobilisation de toute la gauche d'Arlette Laguiller et Olivier Besancenot jusqu'à Dominique Strauss-Kahn (à l'initiative d'ailleurs de ce dernier) contre cet article et le Président d'alors, Jacques Chirac avait tranché.
On ne redresse pas la France en dressant les Français les uns contre les autres, pas plus qu'on ne fait gagner un parti démocratique sur les obsessions identitaires alors qu'il faudrait exciter la passion égalitaire tant les injustices demeurent et tant les inégalités existent encore, malgré le travail engagé depuis 2012 par les gouvernements de gauche.
Mais quand on a été pendant cinq ans le Premier ministre d'un personnage qui croyait que le prêtre valait plus que l'instituteur, ce n'est pas très surprenant.
La zemmourisation de Fillon qu'on avait connu plus social ne lui apportera rien.
Les anciens colonisés ont fait le tri. Ils savent ce qu'ils doivent à la France, mais ils ne peuvent oublier que la colonisation est par essence une conquête militaire qui entraîne soumission, exploitation et aliénation. De ce point de vue, Fillon ne vaut pas mieux que d'autres révisionnistes qui se réunissent dans des "camps décoloniaux interdits aux Blancs".
Le débat sur la colonisation est d'autant plus tranché que la recherche historique est féconde de travaux de grande qualité. Au lieu de réécrire l'Histoire à sa convenance, Fillon ferait mieux de relire sa propre action. Pour lui aussi, son bilan est un boulet et un jour, s'il entre dans l'Histoire, les héritiers des enseignants qu'il critique aujourd'hui raconteront comme un homme politique - venu se parachuter à Paris sans pour autant briguer la mairie, par peur d'être battu par son propre camp préféra réécrire l'Histoire plutôt que d'assumer la sienne.
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