L'Afrique du Sud n'a pas toujours été la Nation arc-en-ciel. Ce jeudi 16 juin, le pays va honorer la mémoire des centaines d'écoliers victimes de la sauvage répression policière lors des émeutes de Soweto. C'était il y a quarante ans.
Depuis 15 ans, cette république africaine, faisait régner un régime raciste, l'apartheid et au racisme d'Etat - ici l'expression est parfaitement juste - elle ajoutait un impérialisme qui débordait sur ses voisins puisque l'Afrique du Sud occupait ce qui allait devenir la Namibie, elle exerçait une influence sur ses voisins comme la Rhodésie du sud (futur Zimbabwe) et elle était militairement engagée dans la guerre civile angolaise contre le MPLA.
Le Premier ministre John Vorster avait milité dans sa jeunesse au sein d'une organisation pro-nazie et il faut se souvenir que parmi les Afrikaners - les descendants des immigrants néerlandais, allemands et français, beaucoup soutenaient l'Allemagne pendant la Deuxième guerre mondiale car ils espéraient qu'elle les libérerait des Britanniques. (Le film de John G. Avildsen, la Puissance de l'Ange évoque cette époque).
Après les émeutes de Sharpeville, le monde a commencé à prendre conscience de la nature raciste du régime de Pretoria, mais il regarde encore ailleurs. La décolonisation du continent africain qui a commencé en 1960 s'inscrit aussi dans un contexte de Guerre froide et l'Afrique du Sud est, pour les puissances occidentales, un rempart contre le communisme. Or au sein du principal mouvement anti-apartheid, l'ANC, l'idéologie dominante est précisément plutôt de gauche et il y a même un courant communiste.
Les leaders historiques de l'ANC sont en prison, comme Mandela, Mbeki ou Sisulu à Robben Island, ou en exil.
Une nouvelle génération militante émerge dans les années 70. Elle a parmi ses dirigeants Steve Biko qui avec le mouvement "Conscience noire" veut radicaliser le mouvement car il considère que le soutien des libéraux blancs ne suffit pas. Il faut faire émerger une conscience spécifiquement noire car au bout du compte, ceux qui sont en première ligne sont les Noirs. Dirigeant syndical étudiant, Biko inspire une partie de la jeunesse noire. Parmi ses compagnons de route, Tokyo Sexwale qui fut ministre dans le gouvernement de Jacob Zuma.
En 1976, les écoliers de Soweto s'insurgent contre un nouveau décret qui veut imposer l'afrikaans comme langue d'enseignement. Ils refusent d'apprendre la langue de l'oppresseur.
Au printemps plusieurs établissements scolaires se mettent en grève. Le 16 juin, dix mille adolescents défilent dans les rues de Soweto pour rejoindre le stade Orlando.
La répression est une cruauté sans limites. Un policier tue le jeune Hector Pieterson, âgé à peine de douze ans,d'une balle dans le dos. Le pays s'embrase. Un demi millier de morts, sans parler des milliers de personnes blessées, torturées et disparues.
Biko fut lui-même victime de la répression qui ne s'arrêta pas avec les émeutes. Il est arrêté, torturé et il meurt en septembre 1977. Entre temps, il s'est lié d'amitié avec le journaliste Donald Woods qui écrit son histoire. Elle sera adaptée à l'écran dix ans plus tard par Richard Attenborough dans le film Cry freedom.
Ce sont les émeutes de Soweto qui poussent la communauté internationale à prendre conscience de la barbarie du régime de Pretoria. Même si Reagan et Thatcher sont réticents dans les années 80, c'est le bal des sanctions et le boycott qui vont forcer l'Afrique du sud à changer.
Si Hector Pieterson avait vécu, il aurait voté à 30 pour Nelson Mandela en 1994.
N'oublions jamais ces martyrs du combat contre l'apartheid, connus et anonymes.
Hugh Masekela composa dans la foulée des émeutes une chanson en hommage qui fut chantée par Miriam Makeba.
Amandla ! Awethu !
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