J'ai écrit pour le site du Parti socialiste un billet saluant l'initiative de Laurent Fabius et relancée par Jean-Marc Ayrault pour relancer le processus de paix entre Israël et la Palestine. Qu'il me soit permis ici de l'enrichir de quelques commentaires.
Cent ans après le fameux accord Sykes-Picot par lequel la France et la Grande-Bretagne prévoyaient de se partager l'Empire Ottoman - ce qui, d’une certaine manière a « façonné » durablement le Proche et le Moyen-Orient, le conflit entre Israéliens et Palestiniens perdure.
On en parle beaucoup, on le commente toute le temps, il pèse sur les débats y compris dans un pays, la France, dont les citoyens de culture ou de confession juive constituent la troisième communauté au monde après les Etats-Unis et Israël. De même, les citoyens français de culture ou de confession arabo-musulmane constituent la première communauté d'Europe, ce qui permet de comprendre l'impact particulier de ce débat en France.
De promesses non tenues en revirements, c’est toujours un « Moyen-Orient éclaté » pour reprendre le titre d’un ouvrage de Georges Corm, qui s'enflamme sous nos yeux. Certains disent que la solution du problème israélo-palestinien apaiserait la région et dénouerait d'autres conflits. Il n'est pas certain que cette affaire ait tant de vertus, mais ce qui est sûr c'est qu'une paix durable serait bonne pour le développement de la région, l'épanouissement des peuples dont une partie de la jeunesse vit depuis toujours dans la peur et dans la haine.
La France soutient, comme le reste de la Communauté internationale, la « solution à deux Etats », c’est-à-dire un Etat palestinien à côté d’un Etat israélien « dans des frontières sûres et reconnues ». C’était un engagement de la France, si Israéliens et Palestiniens se révélaient incapables de relancer le processus de paix, la France prendrait ses responsabilités.
Mais on peut légitimement se demander pourquoi Paris entend se saisir de cet épineux dossier sur lequel, les Etats-Unis étaient les plus engagés. On pourrait tout autant retourner la question : qu'est-ce qui interdit à la France et à l'Europe de s'en saisir ? L'Union européenne est membre du fameux Quartet, mais depuis plusieurs années, le processus est bloqué et la situation se dégrade.
Depuis Bill Clinton, aucun leader n’avait obtenus d'avancées significatives et personne n’a fait sienne la doctrine d’Yitzhak Rabin : « lutter contre le terrorisme comme s’il n’y avait pas de processus de paix, travailler au processus de paix comme s’il n’y avait pas de terrorisme ». Pour conclure une Paix des Braves, il faut de grands hommes capables de regarder au-delà des difficultés du moment. Des hommes qui ont un certain sens de l'Histoire.
Depuis 2012, la France a décidé de ne pas rester spectatrice. Après l’intervention israélienne à Gaza à l’automne de cette année-là, Laurent Fabius avait été le premier dirigeant européen à se rendre dans la région pour tenter un dialogue et proposer l’aide de la France. Il avait déclaré plus tard, que la France prendrait ses responsabilités. Voilà pourquoi le gouvernement de gauche poursuit sa politique de « main tendue ». Le ministre des affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault s’est rendu le 15 mai dernier en Israël et en Cisjordanie pour présenter au premier ministre, Benyamin Netanyahou, et au chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, les contours de la conférence internationale prévue à Paris, qui se donne pour objectif de faire converger toutes les bonnes volontés, afin de relancer un processus de paix au point mort depuis deux ans. Il s’agit de mettre autour de la table notamment les membres du Quartet (Etats-Unis, Organisation des Nations unies, Union européenne, Russie) et la Ligue arabe dont l’initiative saoudienne de 2002 pourrait servir de base. Elle propose le retrait d’Israël des territoires et le règlement de la question des réfugiés. Il est prévu des groupes de travail sur les sujets clés comme le développement économique ou sécurité. Puis, les deux parties seront, dans un deuxième temps, invitées à la table des discussions lors d’une conférence au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement à l’automne. Tout le monde convient que la situation actuelle est intenable et dangereuse car à terme, elle nourrit la résignation et elle accroît la radicalisation alors que les deux parties concernées sont éloignées l’une de l’autre plus que jamais. L’unique solution au conflit que l’établissement de deux États, israélien et palestinien, vivant côte à côte en paix et en sécurité avec Jérusalem pour capitale partagée.
Le Parti socialiste a toujours milité pour cette solution qui doit entraîner également l’arrêt du blocus. Il s’agit aussi de lutter contre le terrorisme et la montée des extrémismes religieux qui augmentent le danger. La décolonisation de la Cisjordanie est non seulement conforme au droit international, mais elle est vitale pour la sécurité d’Israël. Tous les responsables du Mossad ou des services de sécurité depuis 30 ans le disent.
Encore récemment, le numéro 2 de Tsahal, le général Yair Golan a mis les pieds dans le plat le jour de la commémoration de la Shoah en déclarant : "s’il y a quelque chose qui me fait peur dans la mémoire de l’Holocauste, c’est d’identifier les processus horribles qui se sont produits en Europe … il y a 70, 80 et 90 ans et de trouver des preuves de leur existence ici, en notre sein, aujourd’hui, en 2016." Devant le tollé, il avait par la suite précisé qu'il ne comparait pas son pays à l'Allemagne nazie. Toutefois, cette expression d'un militaire traduit la crise morale qui touche les deux pays. Il y a un moment où l'obstination peut saper la démocratie. L’intransigeance du gouvernement de droite de Netanyahou dont certains ministres préfèrent s’attaquer aux ONG de gauche et aux organisations pacifiques plutôt que d’œuvre pour le dialogue ne va pas dans le sens de la désescalade nécessaire pour l’avenir de la région. Une initiative égyptienne du Président Al Sissi recueille un sentiment favorable du côté israélien. L’engagement des pays arabes comme des nations occidentales est en effet crucial pour aboutir à une issue positive et durable.
En France, certains comme d'habitude moqueront, tourneront en dérision, considéreront que cela ne sert à rien. Mais ces avocats du statu quo ne proposent aucune perspective. C'est précisément ce qui nourrit les extrémistes des deux camps.
La gauche doit inlassablement s'engager dans ce combat. On voit bien comment la droite, convertie au "choc des civilisations" et à la théorie du "grand remplacement" fait d'Israël la "muraille de fer" contre ce que certains imbéciles nomment "islamo-fascisme" et comment une partie de la gauche radicale se fourvoie en faisant de l'islam radical la nouvelle utopie révolutionnaire qui charrie pourtant son lot de régressions et de cadavres. Entre ces deux camps, entre les cyniques, les résignés et les hyper réalistes, il y a le camp des démocrates qui se battent pour la paix et ce camp, il faut le renforcer.
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