Ce 6 février nous allons inaugurer la gare Rosa Parks dans le 19eme arrondissement de Paris. Cette gare de la ligne E du RER va désenclaver un secteur du nord est parisien et le relier à la fois à l'ouest (gare Saint-Lazare et Grands Boulevards) et à l'est, la seine saint Denis et la Seine et Marne.
C'est aussi un nom. Rosa Parks. Le nom n'a pas été choisi par hasard. Ni par n'importe qui. Ce sont les habitants du quartier qui ont fait ce choix. Ce quartier, à l'image de l'arrondissement où vivent ensemble près de 80 nationalités, colorant un Paris populaire à l'image des grandes villes du monde. Défis du vivre ensemble, opportunités également. Ce sera ainsi la seule gare de RER à porter non pas le nom d'un lieu, mais celui d'une personne.
Il est heureux que de ce côté de l'Atlantique, de plus en plus de personnes ne résument pas le combat pour les droits civiques des Afro-américains à la seule figure de Martin Luther King. Rosa Parks fut en effet, pour ainsi dire la mère du mouvement.
En ce moi de février, c'est le "Black history month" aux Etats-Unis. Dans l'esprit d'un récit commun, les gens peuvent alors honorer les oubliés de l'Histoire. Et des femmes comme Madame Parks, il y en a eu. Harriet Tubman ou Sojourney Truth, Solitude ou ces voix qui enchantaient le public malgré la souffrance qu'elles enduraient avec dignité : Hattie MacDaniel, Billie ou Ella... Sans oublier la puissance Mahalia ou encore Coretta Scott King disparue il y a exactement dix ans et continua toute sa vie les combats de son époux, Martin Luther King.
Tout le paradoxe de l'univers où vivait Rosa Parks c'est que cette femme, à peau claire comme plus tard les militantes Kathleen Cleaver ou Angela Davis, portait dans ses racines ce métissage forcé, un lointain viol sur une plantation chez une de ses aïeules, aux yeux des Blancs, elle n'en était pas moins négresse pour autant. Racines africaines gommées, elle vivait sa vie d'honnête femme croyante dans un Sud aussi mieux que raciste qui avaient probablement vu revenir ses fils partis en Europe défendre la démocratie et qui avaient dû voir dans les camps nazis où pouvait conduire la folie du racisme.
Ce jour de décembre 1955, elle dit "non" à l'injonction de s'asseoir dans la partie du bus de Montgomery qui est réservée aux Noirs, à l'arrière. Ce refus va déclencher une campagne de boycott, puis le mouvement des droits civiques qui va aboutir dix ans plus tard à l'égalité devant le droit de vote.
C'est bien d'un hommage à un combat dont il s'agit, mais aussi le rappel qu'il ne s'agit là que d'Histoire. 2015 a montré aux Etats-Unis la dualité de la situation. Avoir à la Maison Blanche un Président noir n'empêchait pas que 50 ans les émeutes de Watts, des crimes racistes commis par la police ou d'autres émeutes puissent se produire comme à Baltimore, Ferguson ou Charleston.
S'agissant de la France, la situation d'apartheid ressenties par certaines populations, même si le mot est fort, a été relevée par Manuel Valls dont la formule controversée sur les "blancos" signifiait surtout que pour lutter contre le repli, il faut de la mixité. Car contrairement aux Etats-Unis où la ségrégation légale a succédé à l'esclavage, en France, la promesse d'égalité a fini par buter sur des ségrégations territoriales et un racisme non assumé qui pousse au repli, à "l'assignation à l'origine", tout cela nourri par des préjugés qui ont la vie dure.
C'est aussi ce qu'avait compris, bien inspiré, Dominique Lefebvre alors maire de Cergy en donnant le nom de Rosa Parks à une salle polyvalente en 2005.
Combien de "belles personnes" pour parler comme Mélenchon seront venues inaugurer cette gare en ignorant comme vivent les riverains !
Pour nous, il y a aussi de la fierté de voir aboutir ce projet auquel la Région Île-de-France, présidée alors par Jean-Paul Huchon, avait consacré du temps et des moyens. Nous avions inauguré le coup d'envoi des travaux. L'ouverture en décembre avait cependant été une occasion manquée de mieux marquer le coup.
Cette gare à la fois de train et de bus, sera donc un lieu de vie et de rencontres. Et qu'il s'agisse d'un train n'est pas anodin dans la culture afro-américaine. Le train c'était ce moyen de transport le plus rapide et le plus moderne pour s'arracher du Sud pour aller vers les opportunités au Nord. La mobilité est un élément essentiel en effet pour prendre sa part du monde.
Que l'exemple de cette grande dame plane donc sur les hommes et les femmes qui traverseront cette gare. Des gens se sont battus et se battent pour l'égalité entre hommes et femmes, se moquant des identités, des religions ou des origines.
C'est aussi pour cela que nous faisons de la politique. Pour l'émancipation et l'égalité.
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