Cinq ans déjà... Cinq ans que la révolution tunisienne a eu lieu. Le 14 janvier 2011, Ben Ali fuyait vers l'Arabie saoudite, renversé par son peuple. Il est fort probable que le peuple tunisien ne ressente plus la fièvre des journées de l'hiver 2011 qui fut un printemps des peuples arabes. Mais quand on y pense, notamment, en gardant à l'esprit où en sont aujourd'hui l'Egypte et surtout la Syrie, oui il faut saluer le succès de la Révolution du Jasmin. Et avoir une pensée pour ceux qui sont morts trop tôt pour voir l'aboutissement de leurs combats.
Au terme d'un processus constitutionnel dans lequel la Tunisie a montré, comme à chaque fois qu'elle s'est donnée une constitution, sa modernité, le pays de Bourguiba a des institutions stables.
Bien sûr, comme dans tout processus révolutionnaire, aucun parti n'en sort intact. Bien qu'il y a un mouvement de gauche, dynamique, quand on regarde la diversité et la vitalité des courants qui le composent, il est clair que ce sont les mouvements les plus anciennement implantés dans le pays qui dominent pour le moment. Il y avait donc une logique que les conservateurs laïcs de Nida - même si beaucoup parmi eux récusent le terme de "conservateurs" et les conservateurs religieux d'Ennahda soient les vainqueurs des élections.
Oui on peut dire que la révolution a réussi. Le pays a été frappé par de terribles attentats à plusieurs reprises en 2015 commis par Daech. Cela aurait pu être le prétexte d'une tentative de reprise en main, pourtant, le pays n'a pas été déstabilisé. Et alors qu'on sait que beaucoup d'islamistes tunisiens, plus de 5 000, partent grossir les grands de Daech, le pays reste ferme face au fanatisme et il s'obstine à continuer son chemin, vers une démocratie nord-africaine exemplaire, faisant mentir ceux qui croient que ce n'est pas compatible avec l'islam.
Les observateurs avaient raison de dire que le Printemps arabe ne faisait pas système. Les conditions d'un scénario à la tunisienne n'étaient pas réunies dans les autres pays. La puissance des Frères musulmans en Egypte et la toute puissance de l'armée ne pouvaient déboucher sur une démocratie pluraliste à l'abri des "barbus". En Syrie, le pouvoir de Bachar Al Assad n'avait pas lui non plus atteint un degré suffisant de pourrissement. Le massacre de son propre peuple et la guerre civile qui s'en est suivie débouche sur une guerre totale : les efforts de l'opposition qui veut une Syrie démocratique et pluraliste sont confrontés aux ambitions iraniennes et russes, à l'ambiguïté turque alors que Kurdes et Daech se livrent un combat sans merci.
La Tunisie est loin du duel irano-saoudien, mais elle n'est évidemment pas à l'abri. Le pays n'est pas en mesure d'assurer seul sa sécurité et son économie est encore très fragile.
La gauche tunisienne est en train de se reconstruire et de travailler à son unité ainsi qu'à son élargissement. C'est toujours, quelque soit le pays, une condition essentielle de la victoire. C'est une entreprise difficile : dépasser les égos, alors qu'il y a beaucoup de convergences. Bâtir un projet qui dépasse les seuls impératifs électoraux pour qu'il soit durable - le temps des réformes étant toujours plus long que le temps des élections.
Le pays s'est doté d'institutions solides, il faut maintenant réussir, " la révolution sociale ". Créer les conditions d'un projet de société solidaire avec le soucis de l'égalité et de l'efficacité économique.
La crise de Nida Tounes, les affaires de corruption ouvrent un véritable espace à un courant progressiste laïc moderne qui peut proposer aux Tunisiens la poursuite de la révolution en misant sur le renouvellement, l'ouverture, la primauté de la question sociale et du développement du pays. Faire en effet qu'il n'y ait pas de laissés pour compte où qu'on soit : sur la côte, dans les grandes villes ou à l'intérieur des terres. Car l'individualisme consumériste et toutes les formes de repli, la relégation font partie des ferments de la radicalisation, un des ennemis les plus féroces de la démocratie.
Alors "Aid miled seîid ! " à mes amis et camarades tunisiens.
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