Nous avions le meilleur candidat et le meilleur programme. Un bilan sérieux et une fierté d'avoir transformé l'Ile-de-France. La défaite est d'autant plus dure à vivre que l'écart n'est pas abyssal. Ce qui console, c'est que dans le reste du pays, la gauche n'essuie pas la défaite annoncée. Mais cette ni victoire ni défaite, ne masque pas des réalités dures que rien ne vient nuancer que symbolise un chiffre : il y a désormais plus d'élus régionaux d'extrême droite que d'élus régionaux socialistes.
Mes premières pensées vont aux élus battus, aux militants en pleurs, aux collaborateurs déçus. A mes amis d'Alsace, de Lorraine, de PACA ou du Nord-Pas-de-Calais Picardie. Je les aime, on se relèvera ensemble.
Si on commence la liste des raisons de la défaite, on ne dira rien d'original. Contrairement à ceux qui ont bâti un raisonnement dans leur tête et qui veulent absolument avoir eu raison, je ne suis pas masochiste. Une défaite oblige à de l'humilité et la politique condamne au rebond, mais ni l'un ni l'autre n'empêchent d'être humain.
Pour les Franciliens ces satanés deux points n'ont jamais été rattrapés finalement. Une abstention en légèrement baisse, mais cela a profité à tous les camps.
Est-ce Clémentine Autain, la cause de notre gadin ?
On entend ici et là des commentaires sur l'élément déterminant de la défaite de Claude Bartolone : l'affaire de la race blanche, l'alliance avec le parti de Clémentine Autain qui appelait le vendredi 11 à un meeting avec Tariq Ramadan dont les partisans ont d'ailleurs appelé à faire battre la gauche. D'ailleurs plusieurs ont fait savoir avec force lyrisme qu'à cause de cette affaire de race blanche et cette alliance, ils ne voteraient pas ou qu'à minima ils se posaient des questions.
Je ne sais pas si pour les millions de Franciliens qui votaient et qui étaient préoccupés par le chômage, le logement, les transports ou la sécurité, un meeting avec Tariq Ramadan soutenu par Clémentine Autain pesait si lourd.
Mais il est clair que deux problèmes sont posés qu'il faut résoudre. La position du groupuscule "Ensemble" sur le Proche-Orient ou sa participation à des manifestations antisraéliennes interdites doivent-elles déterminer un vote sachant qu'on parle d'une élue sur 209 ? Croit-on sincèrement qu'elle influera sur une orientation ? Croit-on que le PS est suffisamment faible pour subir cela ?
En se concentrant sur cela, ne passe-t-on pas à côté d'autres raisons, plus importantes ?
Quant à l'affaire de la "race blanche", c'est typique de l'époque que nous vivons où on ne dit pas "mensonges", mais "contre-vérités". On a eu affaire à une droite dure, réactionnaire qui a préparé les conditions d'un report des voix frontistes au second tour. Voix frontistes dont les enquêtes montrent qu'il s'agit en majorité d'un vote d'adhésion. Donc depuis un certain temps on est entré dans le vif du sujet : la lepénisation des esprits que beaucoup constatent et que la gauche conteste par le combat idéologique, conduit à voir les thèses du FN banalisées, relayées ou copiées. Alors, il faut appeler un chat un chat et ne pas avoir de timidité à caractériser l'adversaire. Quand on s'allie à la Manif pour tous, donc on a vu les démonstrations dans la rue, comment être timoré à leur égard ?
Vers la guerre civique... Répétition générale ?
L'autre problème c'est l'appel des amis de Ramadan à faire échec à la gauche. On assiste à un début d'organisation politique probablement autour de groupuscules gauchisants qui ignorent qu'ils finiront par se faire déborder par des éléments ultraréactionnaires. Par exemple, cette ultragauche très féministe, quelle est sa position sur la situation des femmes saoudiennes qui n'ont pu voter pour la première fois que ce dimanche ? Un mouvement de masse pour les droits des femmes dans ces pays où au nom de la religion, l'obscurantisme assombrit l'avenir de milliers de femmes...
L'organisation d'un mouvement articulé sur un islam radical, soutenu par l'ultragauche qui désire jouer un rôle dans la société française, contre tous les partis politiques est un problème car sans alternative démocratique, seule la radicalisation constituerait une issue. Il suffit que des éléments marginaux s'y retrouvent pour que dans un délire dont les extrêmes ont le secret, certains se prennent à rêver à une nouvelle génération de "brigades internationales"... Sans passer à l'action, ces gens trouvent des circonstances atténuantes aux meurtriers de janvier et de novembre et se désolidarisent des victimes. Ce sera un des sujets à trancher dans la reconstruction de la gauche et de son côté, ce qui reste du Front de gauche, devrait aussi se positionner dessus. Le Parti communiste a un rôle structurant à jouer...
Reconstruire dans le réel
On le sait, la réalité c'est le désir de rompre avec l'union de la gauche et de cesser de s'allier avec les Verts et le Front de gauche - commodément classés à l'extrême gauche avec, parfois, une volonté de symétrie avec le Front national.
Il faut être réaliste : le PS ne gagne pas tout seul. D'ailleurs, ses alliés non plus. L'une des leçons du premier tour c'est qu'il n'y a pas de vote de gauche alternatif au PS. Ni les Verts, ni le Front de gauche n'ont bénéficié de la colère du peuple de gauche. Comme on l'a déjà écrit, l'occasion manquée d'un "Syriza à la française" c'était il y a dix ans avec "la gauche du non". Mais celle-si n'a pas su s'allier et dépasser son sectarisme. On n'en est plus là aujourd'hui. Et la main tendue du PS répond à une nécessité : reconstruire ensemble ou couler ensemble. Nous ne sommes plus - et c'est d'ailleurs le cas dans toute l'Europe - à l'époque où de grands partis sociaux-démocrates couvraient à eux seuls tout le champ de la gauche, ce qui leur permettait de se passer d'alliés.
Ceux qui disent que le PS doit rompre ses alliances avec les Verts et le Front de gauche, ne souhaitent pas sa victoire d'autant qu'ils ne sont pas candidats au renforcement du PS, car ils ne militent pas (tous) non plus pour une alliance avec le centre... Ils feignent aussi d'ignorer que le PS et ses alliés s'entendent sur un programme - voilà pourquoi le PG parle "accords techniques".
Il y a des moments pou faire de la politique est un petit peu plus compliqué qu'un tweet ou un clic sur Facebook.
Et maintenant...
Quand on perd une élection, nombreux sont ceux qui remettent tout en cause, de la couleur de la moquette à la taille du programme... Trop facile, complètement inutile car en réalité, chacun cherche à imposer son récit. La réalité est toujours plus complexe... On ne perd pas les élections à cause d'une phrase ou d'une colistière. Mais laissons cela, puisque nous venons d'en parler.
Ceux qui croient qu'il ne faut rien changer se trompent autant que ceux qui pensent qu'il faut tout changer, jusqu'au nom... On fait le coup à chaque fois. Qui aurait parié sur des victoires dans le Centre Val de Loire ou en Bourgogne Franche-Comté ?
Ce seront de nouveaux points d'appui. Surtout, il faudra rebâtir dans ces territoires perdus où une nouvelle génération commençait à s'enraciner alors que l'ancienne y avait parfois encore ses rentes.
Quant à nous, eh bien nous serons une opposition sans concession, résolue, mais constructive. Une nouvelle période avec le combat pied à pied contre un Front national qui aura des visages. Avec une détermination qui devra résister à la durée. Nous le devons aux Franciliens qui nous ont fait confiance. Nous n'aurons pas le lepénisme honteux, nous n'aurons pas la défaite amère. Ce qui compte finalement c'est de résister, d'incarner une opposition qui soit le socle d'une nouvelle majorité bientôt.
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