Gouverner un pays comme la France est beaucoup plus difficile qu'une coordination étudiante. Redresser ce pays après dix ans de politique de droite, lorsque les leaders d'opinion sont de droite, que celle-ci se lepénise et que la gauche radicale ne laisse aucun répit n'est pas une partie de plaisir. Beaucoup tordent les faits plutôt que d'accorder le moindre crédit à un Parti qui reste la principale force d'une gauche tellement divisée, qu'aujourd'hui, il semble que plus rien ne peut la rassembler, même pas la menace d'une victoire de l'extreme droite dans plusieurs régions.
Les arguments sont étalés sans pudeur : le PS est seul responsable de la montée du FN à cause de la politique qu'il mène. Il ne faut pas lui permettre de s'en tirer à si bon compte. La traduction est simple : "tant pis si le FN gagne". A long terme, on imagine très bien que certains ont adopté ce qu'on aurait appelé à une certaine époque, une stratégie "substitutiste". C'est-à-dire qu'une poignée de cadres se substitue au parti, prétendant parler au nom des gens. Cela, on l'a déjà quand on regarde comme certaines formations se veulent "ouvrières" ou "populaires" alors qu'elles sont groupusculaires et qu'elles ont une ligne et un comportement sectaires. On peut aussi considérer que plusieurs à gauche rêve de supplanter la gauche actuelle au sein de laquelle le PS domine, par une autre. Dans la mesure où "la gauche qui vient" peine à advenir par les urnes, on imagine qu'il faut un tremblement de terre - par exemple, au hasard, une victoire du Front national ou une défaite à la présidentielle en 2017 pour renverser la table. Quoi de meilleur en effet pour un centenaire de 1917 !
Pourtant, peut-on se payer le luxe d'une guerre des gauches ?
Dans l'hystérie anti PS des uns et une forme de masochisme des autres, personne ne veut voir les choses comme nous les posons : face à la menace que représente le Front national dans les régions, faut-il une union des forces de gauche ? Face à ce que représente le FN et sa volonté de détruire ce que toute la gauche, rassemblée, dans les régions depuis 1998 pour certains territoires ou 2004 pour d'autres. Aucun des partenaires des majorités régionales sortantes ne rejette le bilan de ces majorités. Tous les budgets régionaux ont été voté par ces majorités, avant et après 2012. En règle général, ce n'est pas quand le bilan est bon qu'on lui tourne le dos.
Ne veut-on pas aider les gens à avoir un avenir meilleur ? Ne veut-on pas faire barrage par tous les moyens au FN ? Ne veut-on pas poursuivre le travail de justice sociale dans les territoires ?
Pour des parti politiques de gauche, faut-il sanctionner un des leurs, ou défendre les intérêts de leurs électeurs, qui sont aussi des citoyens ?
On dit que la proposition de référendum "passe par dessus la tête des appareils politiques". Oui. Dans la mesure où personne n'est propriétaire du peuple, il est bien normal qu'on s'adresse à lui directement. D'ailleurs, ce sont les "appareils" qui se sont empressés de répondre "non", argumentant qu'il fallait poser une autre question, celle qui les arrange. Finalement, il semble qu'il n'y ait rien à faire contre l'extrême droite...
On dit que le PS "panique". Comme si la perspective d'une percée du bloc réactionnaire devait laisser de marbre des gens blasés. L'écologiste David Corman avait comparé l'alliance avec le PS au fait de monter sur le Titanic. Depuis c'est sa propre formation politique qui est rongée par les vers de la division et cela ne réjouit personne. Oui, il y n'a pas de quoi être blasé, pas de quoi regarder avec dédain le désastre qui vient et se dire "on ne fait rien".
Il faut en finir une fois pour toute avec ce réflexe de "troisième période". Ce fameux choix fait par Staline en 1928 qui avait adopté la tactique "classe contre classe", désignant les partis sociaux-démocrates comme "sociaux-fascistes" et considérant qu'ils devenaient l'ennemi principal, devant le fascisme. 6 ans après, la nuit du 6 février 1934 ouvrit les yeux à tout le monde. La gauche décida de s'unir et cela aboutit au Front populaire, en 1936.
Aujourd'hui, tout le monde se souvient des belles réformes du bel été 1936. Personne ne veut enterrer les acquis de 2010. La droite veut sa revanche, ne la lui donnons pas. Le Front national veut engager sa "marche sur Paris" à partir des territoires. Va-t-on le laisser faire ou lui barrer la route ?
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