Après le musée des Droits civiques à Memphis, Gorée au Sénégal, Auschwitz et le mémorial de la Shoah, j'ai découvert le Mémorial ACTe en Guadeloupe.
Nous avons eu la chance de discuter avec son directeur, Jacques Martial et de lui faire part de notre sentiment à chaud.
Ce musée assez particulier a ouvert ses portes au grand public au début du mois de juillet, après avoir été inauguré le 10 mai de cette année par le Président de la République en présence de nombreux chefs d'Etats et de gouvernements des Amériques et d'Afrique.
Plus qu'un musée guadeloupéen, il a été pensé comme un Centre caribéen et dans le parcours que fait le visiteur, c’est en effet l'ensemble des cultures caribéennes qui trouvent ici un bel hommage.
Jusqu'ici, il y avait de beaux musées dans la région, mais essentiellement tournés vers l'histoire locale. Avec le Mémorial, l'approche est plus globale. La question de la traite et de l'esclavage est abordée sous tous les angles permis par l'Histoire.
Car un tel projet puisqu'il rassemble les peuples afrodescendants, il ne devait pas les opposer aux autres. D'ailleurs l'ancien leader indépendantiste Luc Reinette a été un temps associé au projet.
Abordable pour tous niveaux de lecture et de connaissances, pour tous degrés de proximité avec cette histoire et cette mémoire, évoque l'esclavage dans le processus colonial. Il évoque aussi bien les aliénations que les adaptations, l'esprit de résistance, qu'il s'agisse des rébellions, du marronage que des courants de pensée abolitionnistes.
L'espace généalogique, encore en développement permet de retracer son ascendance, car il ne faut jamais oublier que pour les peuples afrodescendants, de grands pans de la mémoire furent effacés pendant des décennies.
Dans son discours inaugural, le 10 mai dernier, le président du conseil régional de la Guadeloupe, Victorin Lurel, a rappelé le retard pris dans le développement de ce projet a cause du désengagement de Nicolas Sarkozy, hostile à l'idée même d'un tel lieu de mémoire, alors que la traite négrière et la colonisation sont des actes fondateurs pour ces territoires.
Même s'il refuserait l'hommage, il faut saluer la détermination de Victorin Lurel. Un tel projet, pas si pharaonique, n'aurait pas pu voir le jour sans sa capacité à fédérer les talents et les volontés.
Signe que nous sommes bien en France, plusieurs voix se sont faites entendre pour contester ou critiquer le projet. Ne craignant aucune accusation d'indifférence ou de coupable ignorance, ces gens ont fait valoir que le conseil régional avait d'autres priorités. Mais avec le temps, ce musée, ce centre caribéen aura plongé ses racines dans les esprits et il sera à la Guadeloupe et son environnement ce que le le Louvre est à Paris ou le MoMa à New York à ceci près qu'il ne s'agit pas ici d'arts...
Même si, de cette souffrance, ces déracinements sont nés une culture et un patrimoine assez unique. Un peu comme les mauvaises herbes, les cultures caribéenne et afro-américaine sont les expressions d'une humanité qui s'obstine à vivre malgré la déshumanisation. Je me dis souvent que bien que l'on loue la beauté des metis, le premier d'entre-eux fut certainement un bâtard né d'un viol, sur le pont d'un navire ou sur une plantation.
L'homme occidental a passé beaucoup de temps à classer, à séparer. Du grand micmac où indiens Caraïbes, nègres, hindous, blancs, levantins se sont mêlés, a émergé non sans difficultés, un peuple.
Le mémorial évoque beaucoup cela, ainsi que les traces plus modernes du colonialisme puisque l'apartheid n'a pris fin que depuis vingt ans.
Comme quoi cette mémoire est toujours vivante.
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