C'est dans le cadre d'un cycle consacré au cinéma de Jean-Pierre Melville que l'Armée des ombres est ressorti sur les écrans le 6 mai dernier. Alors qu'on est en plein célébration du 70e anniversaire de la fin de la Seconde guerre mondiale, ça valait la peine de revoir ce chef d'œuvre à plus d'un titre.
D'abord, bien sûr pour la formidable distribution. Lino Ventura, Simone Signoret, Paul Meurisse, Jean-Pierre Cassel et le colonel Rémy dans son propre rôle. La performance de ces comédiens qui ont marqué le cinéma français ne laisse évidemment pas indifférent surtout quand on garde en mémoire que ces comédiens ont connu cette époque troublée, celle de l'Occupation, celle de la Collaboration, celle de la Résistance. Jean-Pierre Melville lui-même participa à la Résistance. Lino Ventura a servi dans l'armée italienne jusqu'en 1943. Simone Signoret dont le père, juif polonais a rejoint Londres en 1940, est brièvement l'élève de Lucie Aubrac avant d'être la secrétaire de Jean Luchaire, un collaborateur. Paul Meurisse a été mobilisé en 1939, mais après la débâcle, il poursuit sa carrière de comédien. Jean-Pierre Cassel n'a que 13 ans à la fin de la guerre. Enfin, Jean-Pierre Melville, né Grumbach, a rejoint la France libre en 1942 - c'est là qu'il prend le pseudonyme de Melville.
Chacun à sa manière, incarne donc, la variété des parcours qui font la complexité de ces années noires.
Le film est lui-même l'adaptation d'un roman de Joseph Kessel publié en 1943. Kessel fut lui-même une figure de la Résistance puisqu'on lui doit les paroles, avec son neveu Maurice Druon, du Chant des Partisans.
On peut voir des ressemblances avec le parcours d'un Jean Moulin puisqu'une bonne partie de l'histoire se déroule à Lyon et qu'il est question de la nécessité d'unifier les mouvements de Résistance.
Revoir ce film sur grand écran permet de mesurer à la fois la grandeur de cette œuvre, mais aussi de comprendre mieux certains détails.
Alors que dans ces années 60-70, le souvenir de la Résistance est essentiellement celui, manichéen, du combat des collabos contre les héros, le film pointe nettement que les héros, au nom de l'intérêt supérieur de la cause, ne résistent pas pour le coup à la cruauté que leur commandent les temps, mais ce n'est pas un jugement. On nous met devant les faits, devant des logiques quasiment mathématiques - le personnage campé par Meurisse n'est pas un Préfet comme Jean Moulin ou un militant politique, c'est un mathématicien qui voit la mécanique des chiffres.
Le film a conservé tout son intensité, sans qu'il soit nécessaire de recourir à quelconque artifice. Si c'est l'Histoire qui compte, le jeu des acteurs la rend encore plus compréhensible.
A revoir.
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