Entre Christian Paul et Jean-Christophe Cambadelis, ce sera le second. Voici pourquoi.
Ceux qui me connaissent peuvent s'amuser que j'expose ici quelques raisons, mais il est normal qu'on saisisse aussi le caractère historique ou insolite du moment, c'est selon.
Un parcours
Cambadelis n'est pas un de ces hommes lisses qui rassurent le bourgeois. Il doit tout à l'école de la République et au militantisme politique qui s'avère être aussi une bonne école de formation.
La presse, par fascination ou paresse, de contente de lieux désormais communs : l'ancien trotskyste, l'homme d'appareil, les affaires...
Camba l'ex-trotskyste est resté homme politique de gauche. Il aurait pu, comme beaucoup d'autres être fils de pub ou journaliste. D'ailleurs, le regard de journalistes venus eux aussi de ce courant de l'extrême gauche n'est pas pour rien dans la manière dont les réputations de tels ou tels dont façonnées. D'ailleurs, certains continuent dans la presse la lutte politique qu'ils menaient dans leurs sectes, se perdant dans de vieilles haines recuites. Ajoutons à ce que certains veulent voir comme un "côté obscur", la question des affaires. On peut comprendre que des citoyens souhaitent des dirigeants politiques irréprochables. Mais il faut aussi savoir respecter la justice comme les votes de militants qui investissent les candidats qu'ils veulent, et les électeurs qui votent pour qui ils veulent. Quand la justice est passée, il faut peut-être passer à autre chose et trouver des arguments politiques.
L'homme d'appareil - Être capable de faire fonctionner un appareil politique demande beaucoup d'astuce. Trouver les moyens de nourrir une dynamique entre des logiques parfois conservatisme, des logiques d'intérêts, et de dépasser les blocages, cela demande des ressources. Si on veut diriger une vieille organisation comme le PS avec ses lourdeurs et ses possibilités.
Il y a un an, Mediapart organisa un débat lors des élections européennes sur l'avenir des gauches entre Emmanuelle Cosse, Jean-Christophe Cambadélis et Jean-Luc Mélenchon. L'événement était historique. Entre "les Voltaire et les Nanterre", il semblait que les premiers étaient tous entrés dans la carrière, laissant parfois aux seconds, le statut de réprouvés. De mauvais garçons aux mauvaises manières. Mais ce soir là, l'image d'un Mélenchon, chef de parti, ex candidat du Parti communiste à la présidentielle et d'un Cambadélis, lui aussi chef de parti, se saluant comme des frères qui s'étaient perdus de vue depuis longtemps, ayant fait des choix différents, était touchant car Jean-Luc est un affectif qu'un rien émeut. L'idée d'appartenir au fond à la même famille, celle de la gauche républicaine et laïque était belle. Mais le débat et l'affirmation des divergence furent à la hauteur du respect mutuel. C'est aussi cela qui est important : le PS n'a pas de leçons de gauche à recevoir, mais il ne doit pas prendre ses partenaires pour des supplétifs. C'est ce qu'il faut avoir comme souci si on veut que la gauche se rassemble. Cela implique aussi que dans la gauche radicale, le rêve de la déconfiture du PS pour construire quelque chose à la place doit céder la place à autre chose.
Un style
L'éloquence, l'autorité, le charisme sont des qualités importantes pour un dirigeant politique. Il n'est pas seulement un représentant, il est aussi un dirigeant. Mais fort heureusement, le PS n'a jamais donné dans le culte de la personnalité. Il s'agit donc d'incarner aussi une organisation faite de diverses trajectoires et de cultures variées. Il est intéressant d'observer combien depuis plusieurs années, en apartés, dans des confidences ou des déclarations publiques, plusieurs militants, quels que soient leurs parcours ou leurs reproches passés ou présents à l'égard de l'actuel Premier secrétaire, reconnaissent sa valeur ou expriment le désir d'en être.
Quand on ne compte plus les heures de vols dans les discussions militantes, les débats dans la gauche, même dans les termes les plus anecdotiques, alors on peut incarner un profil dans lequel beaucoup peuvent se reconnaître.
C'est toujours important pour un dirigeant de ne pas être l'homme d'un clan et d'être plutôt un chef d'équipe voire un passeur, capable de faire émerger de nouveaux visages et surtout de nouveaux talents.
Un projet
Un Premier secrétaire, comme tout dirigeant politique a "des proches", un "entourage", une "garde rapprochée". Il peut s'agir de courtisans ou d'une génération qu'on peut décider de former pour faire émerger de nouvelles têtes. C'est une entreprise à la fois indispensable et difficile. Quand on a été "leader d'une génération" il est normal de devenir un "passeur". Mais la gestion des talents doit dominer sur la prise en compte des ambitions légitimes des uns et des impatiences des autres. Nul ne peut ignorer les postures et les impostures.
En politique, il n'y a pas de génération spontanée, même si de nos jours, si on appliquait à la religion ce qu'on observe en politique, on verrait des ouailles briguer la Curie papale sans jamais avoir ouvert une Bible, ignorant la doctrine et méprisant les principaux préceptes... l'exigence de concret pousse beaucoup de futurs cadres à renoncer à devenir des intellectuels militants, théoriciens plus que techniciens, penseurs plus qu'experts, enracinés dans le réel plus que dans les statistiques.
Le projet c'est aussi la "rénovation permanente" du Parti. Quand on dirige un parti vieux de 110 ans, on traîne ses pesanteurs. Le changer est certaines d'une impérieuse nécessité, mais cela est aussi une dangereuse sensibilité.
Il faut avoir le courage de se méfier de ses propres conservatismes tout en restant fidèle à soi-même. Dans le congrès de Bad Godesberg où le SPD abandonna le marxisme, il y eu aussi l'idée qu'il devait être "le parti de toute la société". Parler à tout le monde c'est sceller cette "alliance des productifs" que Cambadélis appelle de ses vœux dans la Troisième gauche.
Reste une question, celle de sa capacité à imposer "sa ligne" à Manuel Valls.
La question ne se pose pas en ces termes. Mais il est clair que nous ne sommes ni en Chine ni en Grande-Bretagne : ce n'est pas le parti qui fixe la ligne du gouvernement, pouvant via son groupe parlementaire ou sa direction désavouer à tout moment ledit gouvernement. Il est tout aussi clair, que les responsabilités gouvernementales n'affranchissent pas les ministres des engagements pris par le parti. Il ne faut pas commettre l'erreur de jouer le parti contre le pays, mais il faut faire en sorte que le parti soit le porte voix du pays facilitant la tâche pour le gouvernement en travaillant les esprits et en préparant les esprits pour faire passer les réformes du gouvernement. Bref, un parti intercesseur, un parti trait d'union. Tâche difficile, mais indispensable.
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