La récente déclaration du Président du Conseil représentatif des institutions juives de France indiquant que « Marine Le Pen à titre personnel est irréprochable » est une erreur et un manque de sens politique.
Le Crif, qu’il le veuille ou non, est une institution politique et ce que disent ses représentants, quoiqu’on pense de la représentativité du Crif au sein des juifs de France, a une portée politique.
Nombreux sont ceux qui mettent cette déclaration dans la suite des propos tenus par les deux présidents de cette institution depuis 2001 que furent Roger Cukierman, Richard Prasquier, puis à nouveau Roger Cukierman. Comme pour indiquer que la communauté juive de France se droitise et qu’avec ce moment – pro Netanyahu voire pire en Israël, il y a un moment pro Sarkozy voire pire en France.
Dans une logique de « choc des civilisations », il y a dans les franges droitières du judaïsme politisé en France, un discours anti islam ou anti arabe qui fait rarement dans la nuance. Même s’il trouve des arguments dans l’actualité, celle-ci sert de prétexte à une généralisation qui creuse un fossé sans précédent avec les arabo-musulmans de France. Ce n’était ainsi pas très pertinent d’expliquer que « toutes les violences sont commises par des musulmans ». Pour des propos similaires, Eric Zemmour avait été poursuivi et condamné par la justice pour incitation à la haine raciale. Même si ce n’est pas l’intention du Président Cukierman, c’est l’effet que cela produit chez des gens moins subtils. Aussi bien chez des juifs que chez des musulmans.
Même s’il s’agit d’une minorité, cette formule qui se situe dans un discours de dédiabolisation du Front national est maladroite, malhabile et malvenue.
Car ce qui est autrement plus grave, c’est la participation du président du Crif à la dédiabolisation du Front national.
Le Front national demeure un parti antisémite. C’est dans son code génétique. On ne parle pas là seulement des propos de Jean-Marie Le Pen qui aujourd’hui ne font plus réagir personne, mais aussi des propos de plusieurs de ses élus, des attitudes de ses militants.
Le FN n’a jamais fait le moindre geste pour tourner la page de cette sinistre histoire.
Les bals néo-nazis de Vienne, les bras tendus de ses amis, les amitiés fascisantes italiennes, les ex Gudards jamais repentis, les repas de famille pour ne parler que de cela… Marine Le Pen a grandi dans un milieu antijuif, elle a été biberonnée à l’antisémitisme et même elle n’a jamais elle-même défrayé la chronique par des déclarations antisémites, elle n’a jamais fait le ménage dans son propre parti, même quand d’autres formations national-populistes européennes tentaient de nouer une alliance avec les communautés juives de leur pays contre les musulmans.
Marine Le Pen préside le parti le plus condamné et le moins démocratique de France. Elle assume tout - d'ailleurs elle l'a dit - tout l'héritage raciste et sulfureux de son père.
Marine Le Pen sait mieux que quiconque qu’on l’attend au tournant. Elle se surveille. « On ne l’y prendra pas ». De là lui tendre la main…
Cette générosité envers le FN est une erreur politique car cela déculpabilise certains, sans mémoire, à imaginer un « vote juif » en faveur du FN. Personne n’est naïf. On sait qu’ici et là, de manière très isolée, ça existe déjà comme à Marseille.
Le Crif doit se recentrer alors qu’il est attiré par des vents droitiers extrêmement forts qui l’éloignent parfois du dialogue républicain alors qu’il en a tous les outils.
Qu'il s'agisse de JSS News, Europe - Israël ou d'autres médias comme Dreuz, nombreuses sont les voix radicales de droite qui en rajoutent, désinforment et surfent sur les peurs. La dernière expression de cette folie, c'est ce buzz d'un type qui se balade en kippa dans Paris pour laisser croire, comme à Fox News, qu'on parle arabe dans toutes les rues de Paris, que tous les goys sont antisémites...
On aurait aimé par exemple une voix forte pour rétorquer à Netanyahu que les juifs de France avaient un pays, la France qui ne devait pas servir d’argument électoral. Dans un contexte de tensions, de haines et d’hystérie, alors que la communauté juive a payé depuis dix ans le prix du sang avec des meurtres, des tortures et des agressions, il faut plus de République. Cela veut dire plus de sécurité, mais aussi plus d’unité dans le pays. C’est aussi cela l’esprit du 11 janvier.
Le dialogue entre les Français de toutes confessions c'est aussi de construire le front du refus de toutes les formes de violences et la violence commence souvent par la stigmatisation de l'Autre. Tout cela fait le lit du Front national qui ne prospère que sur les divisions. Alors, reprenons-nous.
Les commentaires récents