Les esprits avertis avaient noté la poignée de main entre Raúl Castro et Barack Obama lors des obsèques de Nelson Mandela en 2013. C'était oublier la main tendue par le leader cubain dès 2008 quand il avait dit à l'acteur Sean Penn sa disponibilité pour rencontrer celui qui allait devenir Président des Etats-Unis.
L'annonce du 17 décembre est donc historique. Cuba et les Etats-Unis,
les deux principales puissances de la région vont enfin se parler
normalement.
C'est, si on peut dire, le côté "éclairé" de Guantanamo, cette base
américaine en terre cubaine depuis le début des années 60.
La guerre froide est terminée depuis longtemps. Fidel Castro, retiré
de la vie politique, il était assez évident que son frère soit l'homme
de la transition et qu'il ne tourne pas le dos à cette évolution
vitale pour la plus grande des îles des Antilles.
Cuba est, depuis la fin des années 50, tout un symbole. L'ex colonie
espagnole, devenue possession "étatsunienne" était le paradis des
estivants yankee en quête de putes et de tropicaleries en tous genres.
Les barbudos de la Sierra Maestra étaient des révolutionnaires pas
spécialement soviétolâtres, mais le péché originel de la CIA dans la
région, le coup d'Etat contre le président gualtémaltèque Jacobo
Arbenz quelques années auparavant avait fait des Etats-Unis, nation
construite sur l'idée de liberté, l'allié des régimes corrompus de
toute l'Amérique latine et de la Caraïbe.
Cuba a toujours séduit car, au-delà du "paradis naturel" qui est quand
même sur la route des cyclones, l'île est un îlot de résistance et
donc d'ingéniosité. Quand on ne peut importer des pièces détachées, on
devient un as de la mécanique ! Le socialisme tropical a représenté
dès les années 60, une destination de choix pour les révolutionnaires
du Quartier latin en quête d'alternatives aux modèles européens ou
asiatiques, comme si le castrisme n'était pas un totalitarisme...
Et dans la lutte contre le fascisme latino-américain, très fécond entre les années 50 et 80, Cuba n'a jamais été isolé des gauches sud-américaines qui, par solidarité continentale ou par expérience, croyaient dans une évolution qui se ferait sans injonction ni ingérence.
Au sein d'organisations comme la COPPPAL ou le Forum de São Paulo, depuis des années, ces gauches se parlent.
Le dégel annoncé est donc une très bonne nouvelle, mais la route est encore très longue. Si on peut espérer que la démocratie s'épanouisse dans l'île, on sait bien que ce ne sera pas une fin en soi.
L'expérience de l'après-URSS, le souvenir des années Batista et l'intransigeance des Cubains de Floride doivent servir de boussole. Le développement de l'île, l'égalité des droits, la prospérité partagée sont des préoccupations sérieuses. Il n'y a qu'à voir comment les choses se passent en République dominicaine pour savoir de quoi on parle. Cuba ne doit pas devenu le nouveau paradis low cost pour voyageurs sans argent qui, aux dépends des habitants, pourront déguster puros et mojitos sans se soucier de rien d'autre.
C'est la raison pour laquelle, on attend la deuxième phase qui est l'affaire des Cubains et eux seuls : l'avènement d'une démocratie articulée sur la justice sociale et la prospérité.
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