Dans un texte précédent sur la question « Israël Palestine », un camarade a estimé que l’analyse que je proposais n’était délivrée que « sous le prisme de la droite israélienne » et il m’invitait à regarder les responsabilités palestiniennes. J’avais promis de lui répondre.
Il a raison, dans les commentaires d’une bonne partie des personnes réservées ou hostiles à l’égard d’un Etat palestinien le prisme de la droite israélienne est la grille de lecture dominante. La sémantique est intéressante. Personne en France ne dit qu’il est contre sauf les ultra qui sont fort heureusement minoritaires. On préfère parler plutôt de « principe d’un Etat » en considérant que c’est du côté palestinien qu’il faut faire les efforts et les concessions tandis que l’occupation et la colonisation se poursuivent. Les thèses de la droite israélienne dominent, il faut l’admettre. Et celle-ci est majoritaire depuis longtemps à la Knesset.
On dit qu’il ne faut pas de reconnaissance unilatérale, mais la déclaration d’indépendance de 1948, qui suivait le partage voté à l’ONU en 1947 – refusé à l’époque par les Arabes – était bien unilatérale, pourtant, elle était juste et elle fut acceptée par la Communauté internationale. Comme le dit Laurent Fabius, « la négociation ne peut devenir le moyen de nier ou d’éviter la reconnaissance ».
Mais quittons ce prisme là pour regarder du côté palestinien.
Tout le monde admet qu’à Taba en 2001, on était passé plus près que jamais d’un accord qui portait alors sur 97 % du territoire palestinien revendiqué, avec Jérusalem, ville ouverte et capitale des deux Etats.
Pourtant, Barak et Arafat, si près du but, ont fait machine arrière. L’un par électoralisme ? L’autre pour ne pas disloquer la mainmise de son parti sur son peuple alors qu’il était contesté de plus en plus par des franges radicales ? C’est parce que, comme le dit encore Laurent Fabius, « les deux parties sont incapables de faire les derniers gestes à cause de la politique intérieure ».
Yasser Arafat avait passé plus de temps à lutter qu’à tendre la main et donc son successeur, Mahmoud Abbas, compagnon de lutter pouvait être surtout un homme de transition.
Comme le mouvement sioniste à l’époque mandataire, le mouvement national palestinien a toujours été divers. Au sein même de l’Organisation pour la libération de la Palestine (OLP), plusieurs organisations existent. L’Autorité palestinienne, dirigée pour l’essentiel par l’OLP est contestée par des factions terroristes qu’elle n’est jamais parvenue à neutraliser. Le Hamas a même pris le pouvoir dans la bande de Gaza et il a mis en coupe réglée ce territoire. Si demain il y avait un Etat palestinien souverain, la lutte entre djihadistes islamistes et démocrates laïcs demeurerait. Pourtant, le blocage actuel sert à merveille les premiers.
Les victimes civiles à Gaza ont naturellement renforcé l’unité du peuple palestinien, alors qu’il fallait pousser à isoler le Hamas pour l’affaiblir définitivement.
La guerre a un prix élevé. Pas qu’en vies humaines, mais aussi sur le plan économique, sauf pour les marchands d’armes…
Les démocrates laïcs sont du côté du Fatah, mais, ce parti, un parmi d’autres, voit sa force diminuer à mesure que la violence dure. Le Fatah est pourtant un parti vieillissant qui doit muter d’un parti de lutte de libération nationale y compris armée, à un parti qui ne fait que de la politique.
On parle de « corruption », mais si l’absence de corruption était la condition de la légitimité d’un Etat, il n’existerait pas beaucoup de nations, y compris en Occident…
On parle d’islamisme, mais quiconque s’est rendu dans la région, pour voir avec ses yeux, par-delà les discours officiels, voit bien comment la Palestine a construit un modèle culturel dans lequel musulmans ou chrétiens vivent ensemble depuis des milliers d’années.
De toutes façons, rarement dans l’Histoire, un Etat naissant a disposé de toutes les garanties, en comparaison d’Etats plus anciens, c’est par la coopération et la solidarité internationale que l’on dispose des armes les plus efficaces pour construire une paix durable.
L’an dernier, la Ligue arabe a proposé une initiative saluée par son représentant palestinien et la ministre israélienne chargée des négociations de paix, Tzipi Livni, ancienne ministre des affaires étrangères ainsi que par les Etats-Unis. Mais, les tenants de la ligne dure ont enterré l’initiative. Or, la Ligue arabe c’est une cinquantaine d’Etats qui, à termes, auraient reconnu Israël, comme l’ont fait l’Egypte et la Jordanie…
Pas d’Etat palestinien, c’est l’assurance de la poursuite de l’escalade, deux Etats, c’est l’assurance de la possibilité d’une désescalade et l’ouverture d’un chemin vers une paix durable.
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