On a appris récemment le décès de Jean-Claude Duvalier, dit "baby doc" qui fut de 1971 à 1986, le président de la République d'Haïti - en fait un dictateur bouffon, mais non moins sanguinaire que son sinistre père.
Duvalier avait été renversé en 1986 et il avait trouvé un refuge doré en France avant de revenir dans son pays, tentant même de se relancer en politique. Il devait être jugé pour crimes contre l'Humanité, mais comme Pinochet, il aura échappé à un procès. Mais l'Histoire l'a déjà jugé car les victimes comme les bourreaux ne sont pas des inventions.
Duvalier était également l'un des derniers représentants de cette tolérance zéro que les différentes administrations américaines pratiquèrent à l'égard de la démocratie lorsque leurs intérêts, politiques ou économiques ne les incitaient pas à se comporter en "défenseurs du monde libre". En effet, il ne fut pas inquiété durant son "règne" puisque l'île, à quelques encâblures de Cuba constituait une base solide dans une Caraïbes où souflait depuis les années 50-60, le vent de l'émancipation.
A partir de ces années et jusqu'aux années 80, les échos de la révolution cubaine, les mouvements de libérations du continent sud-américain ou les luttes d'Amérique centrale constituaient autant de trous dans le blue jeans de l'Oncle Sam. D'ailleurs, la CIA, les multinationales comme ITT ou la United Fruit - ancêtre de l'actuel Chiquita qui vend ses "bananes dollars" sur nos marchés - n'hésitaient pas à déstabiliser des gouvernements jugés trop à gauche ou trop indépendants à l'égard de Washington. Parfois c'était l'armée qui s'en chargeait. Ce fut le cas en 1954 au Guatemala avec le renversement de Jacobo Arbenz, le premier président élu démocratiquement dans l'Histoire de ce pays. En 1961 lors du fiasco de la Baie des Cochons lorsque les les Etats-Unis tentèrent sans succès de renverser Fidel Castro, ce qui le fit basculer définitivement dans l’orbite soviétique. En 1973 au Chili avec l’aide apportée à la junte militaire dirigé par Augusto Pinochet qui renversa Salvador Allende ou encore en 1983 avec l’intervention à Grenade pour renverser Maurice Bishop.
Les Etats-Unis formèrent les polices militaires et secrètes qui étaient les bras armés de la répression et de la lutte contre la subversion. Costa-Gavras raconte dans Etat de siège cette coopération sinistre. Mais la France ne fut pas en reste puisque l’école de gendarmerie de Melun a elle-même formé des Tontons macoutes, cette milice sanguinaire du régime duvalieriste.
Bien qu’on ait beaucoup admiré Haïti comme la première nation noire au monde a avoir obtenu son indépendance, c’est surtout la misère et l’instabilité politique qui ont été le lot de ce bout d’île et cela depuis les origines.
J’ai déjà raconté la sinistre histoire des Duvalier dans un billet un peu ancien. Dans mes souvenirs d’enfance, il y a un vague récit relatant qu’au moment du décès ou des obsèques de François Duvalier, les éléments se déchaînèrent, c’est dire combien, même à des milles d’Haïti, certains croyances avaient la peau dure.
Une croyance qui a la peau vraiment dure, c’est celle en la démocratie et dans le développement. Bien sûr qu’il faut réconcilier les Haïtiens et que les funérailles soient nationales ou non, cela n’efface rien des souffrances passées de ce grand peuple. La justice ne meurt pas avec ce dictateur. Le Président Michel Martelly se trouve symboliquement face à un moment historique après le séisme de 2011 : réussir à tourner son pays vers l’avenir. Mais cela, il ne peut le réussir seul.
Si la France a su se montrer si généreuse pour accueillir la famille Duvalier, elle ne doit pas oublier qu’elle a une dette historique à l’égard d’Haïti et un partenariat d’un genre unique pourrait être conclu entre les deux pays au service du développement, de la prospérité et de la paix.
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