Ce ne sont ni les sorties de fin de campagne ni ces drames qui rappellent que le racisme tue qui pouvaient faire quoique ce soit. La mécanique était enclanchée.
La force du FN vient de la faiblesse des principales forces politiques démocratiques. Mais quand 26 ou 27 % des gens votent pour lui, c'est plus qu'un vote de protestation. C'est un vote d'adhésion sinon à son idéologie, du moins à l'idée qu'on peut s'en faire : un parti qui propose un repli identitaire tribal face à des formations qui proposent une offre politique globale.
On entendra le duel entre ceux qui voudront accabler l'électorat FN et ceux qui penseront qu'il faut concurrencer ce parti.
La force du FN vient aussi de sa banalisation et du fait que le discours général l'a mis au centre du récit médiatique de cette campagne.
Depuis le début de l'année 2014, le PS était en campagne pour les européennes dans l'indifférence générale. Mais l'Europe n'intéresse pas. La campagne n'a commencé à trouver une place dans la presse que dans les deux dernières semaines. Entretemps, la seule histoire qui était martelée jusqu'à l'étourdissement c'était que le FN allait gagner. Cette surexposition d'ailleurs a valu un rappel à l'ordre de la part du CSA. On est loin de l'époque où Le Pen père se plaignait d'être boudé par la presse... Il ne s'agissait pas de censurer le Front national, mais plutôt de garantir le pluralisme en refusant de tout centrer sur lui.
Les affaires de l'UMP, opportunément révélées en fin de campagne n'ont pas aidé non plus.
On ne peut décemment pas minimiser l'impact et le sentiment de honte. Beaucoup imputeront ce résultat à François Hollande et à Manuel Valls. Beaucoup de ceux qui tiennent ce discous n'ont pas fait campagne et ne s'intéressent à l'Europe que pour lui taper dessus, mais ils n'auront pas la décence de se taire. Ils commenteront sans fin car ils semblent tirer une satisaction assez grande à jouer les Cassandre.
Si une chose est sûre c'est qu'en politique, les résultats des grandes réformes ne se voient pas dans le temps court qu'est celui des élections. S'il y a une chose à faire - elle a été engagée dans les dernières semaines - c'est d'assurer la lisibilité de l'action que l'on mène. Être de gauche ce n'est ni dans les intentions, les postures ou les incantations, c'est aussi dans les moyens de d'agir. Comme disait Kautsky, "le but n'est rien le mouvement est tout". Voilà pourquoi le Parti socialiste doit jouer ce rôle de donneur de sens.
Mais ce n'est pas fini. On verra comment la vingtaine de lepénistes militera contre tout ce qui en Europe est affaire de justice et de solidarité. Il faudra regarder avec qui "ils" s'allieront pour former un groupe.
Ce n'est pas fini non plus car au plan européen, rien n'est joué. Juncker doit encore trouver les termes d'une majorité. Martin Schulz lui veut en finir avec les majorités arithmétiques pour enfin construire une majorité politique autour de la lutte contre le chômage des jeunes ou encore la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales...
Dans un parlement très clivé, rien n'indique qu'après une campagne très politique, l'indifférentiation soit encore de saison. Mais ce qui est sûr c'est qu'avec ce vote, la voix de la France est abîmée et sa position affaiblie. L'exact inverse de ce que voulaient tous les partis démocratiques.
Mais ce n'est pas fini.
malheureusement, mais je crains aussi que le pire à venir!merci pour cet excellent article.
Rédigé par : Cosette Nehabetyan | 26 mai 2014 à 21:35