Tous les chemins mènent à Rome. Même l'Europe y trouva son destin, un beau jour de 1957 pour se doter, non plus cette fois d'un empire dont le limes était protégé par une armée surentraînée, mais pour construire une communauté d'Etats voulant vivre ensemble.
Il était donc normal qu'un jour, la social-démocratie européenne y plante ses tentes pour partir à la conquête d'une Europe contrôlée par des conservateurs et menacée par des populistes dont ici même en Italie, on a vu les dégâts.
On dit souvent que ce qui se passe sur le plan politique en Italie préfigure des situations qui se produisent ailleurs. Rien n'est jamais facile. Une loi électorale qui pourrit le jeu démocratique, des combinazzione - le mot est italien - qui ont créé au milieu des années 90, les conditions d'une situation alors inédite, mais qui, vingt ans plus tard est devenue presque banale : après une large opération "mains propres", la classe politique italienne, longtemps dominée par la Démocratie chrétienne, le Parti communiste et le Parti socialiste, est balayée et un magnat des médias décide de s'accoupler avec un néo-fasciste et un populiste séparatiste dans une alliance nationale qui, par deux fois gouvernera la péninsule.
La gauche italienne a marqué profondément l'Histoire du mouvement ouvrier. Pour le pire et le meilleur. Du PSI, le monde a hérité de Mussolini et de Gramsci. Le premier inventa le fascisme et fit emprisonner le second qui fut l'un des théoriciens les plus influents du marxisme.
Après guerre le PCI fut avec le PCF, le plus puissant des partis communistes d'Europe occidentale, mais il eut la lucidité de résister à l'aveuglement du stalinisme en tirant quelques leçons du drame soviétique. Au pays de Berlinguer, Togliatti et de l'eurocommunisme, on inventa la notion de "compromis historique" et à l'inverse d'autres pays d'Europe occidentale, le mouvement communiste ne déclina pas, mais il se mit à muer vers les démocrates de gauche quand le PCI décida d'en finir avec le communisme.
Le socialisme italien lui, fut celui de Sandro Pertini et de Bettino Craxi, mais il fut englouti par des affaires de corruption. Ce qui contribua à ce que le PDS puis DS (ex PCI) le supplanta dans l'espace de la gauche italienne.
Mais celle-ci a toujours eu la manie de l'unité dans la diversité. Tandis que la CGIL jouait un rôle important de force motrice sous les présidences notamment de Bruno Trentin ou de Sergio Cofferati, les réfractaires du PCI s'organisèrent dans Rifundazione comunista alors que les démocrates de gauche, emmenées par d'Alema et Fassino évoluèrent au gré de coalitions larges comme celle de l'Ulivo qui fit gagner Romano Prodi vers un Parti démocrate intégrant des éléments venus de la Démocratie chrétienne et qui fit rêver beaucoup de monde en organisant des Primaires - permettant à des millions d'Italiens de choisir le leader de la gauche devant porter ces idées aux élections.
Pour compléter le tableau, il faut encore mentionner la gauche écologiste et libertaire (SEL) de Nicky Vendola qui est invitée au congrès du PSE.
C'est tout cela qui constitue l'héritage historique qu'on touchera du doigt à ce congrès.
Mais convoquer les mânes de la gauche italienne ne suffit pas à éclairer l'avenir. Si l'hyper-idéologisation de la politique au vingtième siècle n'a pas été balayée d'un tweet, elle survit difficilement dans la civilisation de l'image et de l'instant.
A l'époque des réseaux, les grands partis européens tissent des toiles, mais leur doctrine manque d'étoffe et il est facile de dérouler la pelote d'un discours qui ne clive pas assez, qui ne caractérise pas suffisamment les choses... L'obsession d'être raisonnable.
Le Congrès de Rome se veut historique. Tout le monde a pris la mesure de la crise en Europe, du divorce entre l'Union européenne et les Européens, du retour des égoïsmes nationaux et du caractère historique des élections de mai prochain.
Il y a donc quatre enjeux à relever qui sont la toile de fond des deux jours que nous passons ici :
La mobilisation de la social-démocratie européenne pour atteindre l'objectif de battre la droite en y mettant toutes nos forces.
La démystification de l'imposture des conservateurs qui par nature ne peuvent proposer que la continuité, et des populistes qui ne peuvent proposer que la régression.
Le rassemblement des forces progressistes et écologistes pour une majorité nouvelle afin de réorienter l'Europe pour qu'elle soit plus écologique, plus sociale, plus démocratique.
La reformulation d'un projet social-démocrate continental qui cesse d'être la coexistence d'expériences nationales, mais qui peut redevenir dominant dans un monde qui a changé.
Ce n'est pas rien, mais ce n'est pas pour rien que le travail intellectuel dans les réseaux intellectuels de gauche européens ou française porte le nom d'une période que les humanistes et les amoureux de l'art connaissent bien, notamment ici en Italie : Renaissance.
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