Fraternité

2014 ne rime avec rien et pourtant, pour les Français, cette année sera placée sous le signe de la mémoire. En commémorant le centenaire de l'assassinat de Jean Jaurès par un militant d'extrême droite qui précéda le début de la Grande guerre, mais aussi la Libération de Paris qui fut un des épisodes de la défaite du fascisme et du nazisme, c'est l'Humanité dans ce qu'elle peut avoir de pire et de meilleur qu'on scrutera.

2013, année du centenaire de la naissance d'Aimé Césaire fut émaillée de bien des épisodes qui montrent que l'ignorance et l'intolérance ne peuvent conduire qu'à la violence.

Le dernier billet a rencontré un succès inattendu et une écrasante majorité de commentaires qui démontrent que nos concitoyens sont attachés à la fraternité. Il faut saluer ceux et celles qui ne cèdent jamais.

Ceux qui sont en désaccord et qui se sont exprimés l'ont fait avec courtoisie, très rarement dans l'insulte. Mais par leurs arguments, quand ils ont développé leur pensée, ils ont prouvé qu'on avait raison de dénoncer non pas l'irrévérence, non pas l'anti-conformisme, mais les dangers de la confusion qui vient à la fois, il faut le dire, au mieux d'un manque de vigilance, de clairvoyance, au pire des méfaits de falsifications historiques...

Encore une fois, je préfère Paul Simon et Ladysmith Black Mambazo contre l'apartheid ou avant eux Abbie Hoffmann et Bobby Seale contre le système Nixon que Dieudonné et Faurisson sur la même scène. Que penser d'un homme qui dit : "comparer Taubira à une femme chimpanzé, c'est insultant pour les chimpanzés" ?

Pour répondre rapidement à quelques interpellations, il faut rappeler quelques vérités ou quelques principes.

Le ressort du racisme consiste à juger quelqu'un en fonction de ses origines. La liberté de conscience n'inclut pas que l'on véhicule des idées qui ne mènent qu'à la mort et aucun peuple ne peut se défausser sur un autre à cause des souffrances qu'il a subies. Personne n'en a les moyens et il n'est pas démontré que cela apporte grand chose, ça ne crée pas d'emplois, ça ne fait pas reculer la misère.

On a le droit, le devoir même de critiquer la politique d'un gouvernement, de l'inciter à mener une autre politique, c'est la logique du débat démocratique, mais un débat c'est une discussion, une confrontation.

On a aussi le devoir d'éduquer. J'évoquais dans mon billet précédent les textes de Césaire, mais dans les collèges et les lycées de France, cette partie de la culture de notre pays est encore trop peu étudiée voire pas du tout. Nos ancêtres n'étaient pas que des Gaulois et il faut que leur contribution à l'Histoire de notre pays soit plus connue, mieux diffusées. Beaucoup a déjà été fait, mais beaucoup reste à faire.

Beaucoup de personnes s'enflamment pour d'autres causes, même derrière leur ordinateur, et cet amour de la justice n'a de sens que s'il ne produit pas d'injustices.

Puisque Israël a été pris en exemple - ce n'est pas un hasard - dans les commentaires, ceux qui prennent pour cible l'Etat hébreu ont raison de dénoncer le racisme qui s'y exprime, comme c'est le cas de sociétés minées par les replis identitaires. Ils ont raison de dénoncer l'entêtement des gouvernements qui refusent de se donner les moyens de réussir le processus de paix. Il faut espérer qu'ils aident en cela plutôt les artisans de la paix israéliens et palestiniens que les jusqu'auboutistes de la violence.

Cette année 2014 sera aussi le vingtième anniversaire d'un génocide qui a ravagé le Rwanda qu'on aurait cru trop petit pour un si grand malheur. Nul doute qu'une fois encore, certains feront le procès de la France dans cette tragédie. Ce fut surtout une des preuves éclatantes de cette bêtise humaine que fut le colonialisme.

L'Afrique qu'on a enfin décrété "continent d'avenir" est encore tirée par la manche vers le passé avec l'exploitation des peuples, leur asservissement et les violences qui en résultent. Pollution à grande échelle, famine, guerres, causées, financées ou armées par des puissances qui ne sont plus seulement occidentales, mais qui ferment leur portes aux flux migratoires qui en résultent...

Un des défis de 2014 sera d'aller au delà des procès, pour faire que ça ne se reproduise plus alors qu'en Centrafrique ou au Congo, la violence est bien là. Il s'agira pour l'Afrique comme pour d'autres régions de travailler ensemble à un développement solidaire et durable. C'est le vœu qu'on peut faire pour cette année.