Dix ans déjà qu'un des nôtres est parti, beaucoup trop tôt.
C'était un jour de novembre 2003 quand nous avons appris le décès de notre camarade Boris Rubinsztejn. Ce grand blond aux allures de rugbyman était un des piliers de l'UNEF-ID de Tolbiac. Cette légendaire A.G.E. de Paris qui ne fut pas que le repère du trio Valls-Fouks-Bauer, mais aussi de plusieurs générations de militants. Pour moi, il faisait partie des visages les plus familiers avec son frère d'armes Pouria et toute une bande qui, de la rue Albert Thomas, siège du BN de l'Unef aux différentes A.G.E. de la RP (Région parisienne) ou de province tissait la toile d'un syndicat étudiant réunifié en 1980 et qui s’était rapidement imposé comme la principale force étudiante, creuset de toute une génération politique.
Boris et Pouria n’étaient pas encore étudiants qu’ils en avaient déjà la fibre militante, comme le montre l’Appel de Buffon que lycéens ils lancèrent à la rentrée 1988 pour que le ministre de l’Education de l'époque, Lionel Jospin accordent plus de moyens aux lycées. Ils firent bien sûr partie de la jeune garde des premières années du Manifeste contre le Front national qui est lancé en 1990.
Au printemps 2003, Boris signa l’appel « Une autre voix juive » au côté de Jean-Christophe Attias, Raymond Aubrac, Jérôme Guedj, Jeanette Habel, Stéphane Hessel, Axel Kahn, Benjamin Stora, Pierre Vidal-Naquet pour protester contre la droitisation de la communauté juive alors que les événements au Proche-Orient ainsi que le regain de tensions communautaires en France nourrissaient beaucoup d’inquiétudes.
Nous étions dans la même tendance au sein de l’Unef jusqu’à 1992 et l’apparition de ce fameux « Texte rouge » qui déboucha deux ans plus tard sur un changement de majorité.
Il venait en renfort avec les militants de Paris I lorsqu’il y avait des descentes de militants d’extrême droite à la Sorbonne.
On ne compte plus les dîners d'après élections étudiantes au deuxième étage de la Pizza Nana, boulevard Saint-Michel qui se terminaient dans le folklore des chants révolutionnaires que nous reprenions par fidélité à un passé qui n'était pas le nôtre. Mais nous saluions les Cavaliers de Boudienny, nous chantions la Varsovienne et autres chants d'un autre page... Je ne sais même pas si tout le monde savait qui étaient ces "atamans" défaits par les Partisans sur les bords de l'Océan d'ailleurs...
Comme cela se produit souvent, après les années de militantisme étudiant on s’était perdu de vue.
Mon dernier souvenir c’était une semaine avant son décès. Le PS participait à la manifestation du Deuxième Forum social européen qui avaient eu lieu à Paris et dans quelques villes de banlieue à la mi novembre 2003.
Le 15 novembre, la manifestation devant partir de République en direction de Nation était un succès si on considère à la fois la foule compacte sur la Place et le temps qu’il a fallu pour démarrer. Le cortège du PS se retrouva au contact de groupes anarchistes expulsés du cortège de la CNT. Après plusieurs charges du S.O. du Parti – renforcé par des « anciens », les « autonomes » finirent par être dispersés.
On s’amusait avec Boris et d’autres camarades de se retrouver dans la rue « au contact » à côté de dirigeants du PS comme Jean-Christophe Cambadélis, Daniel Assouline, Gérard Filoche ou Jean-Luc Mélenchon qui retrouvaient leurs réflexes.
Les funérailles de Boris furent un de ces moments où on est triste d’enterrer si tôt un camarade – et où on retrouve cette famille que fut le syndicalisme étudiant. Entre temps, tout le monde a fait un bout de chemin. Certains ont complètement tourné la page du militantisme, d’autres continuent. Par son histoire personnelle et celle de sa famille qu'on pouvait deviner, Boris était un mensch, un homme vrai, façonné par des événements qui nous dépassent, mais qui nous donnent le sens de la justice, de l'engagement, ce refus d'être spectateur du monde.
L’Unef fit partie des plus belles années de notre vie car c’était le moment où on pouvait beaucoup. Pour la génération entrée en militantisme dans ces années là, les « cendres » de 1986 étaient encore tièdes. Nous voyions le monde changer sous nos yeux : la Chute du Mur de Berlin, la fin de l’apartheid mais aussi l’installation du Front national...
Le militantisme associatif et antiraciste ou la montée du syndicalisme lycéen transformaient le paysage alors que les organisations syndicales étudiantes s’éloignaient des discours révolutionnaires, non sans mal.
Aujourd’hui, beaucoup d’anciens de cette générations sont à quelques postes clés où ils peuvent continuer lutter pour leurs engagements.
Quant à notre camarade Boris, l’hommage que nous continuons à lui rendre consiste bien évidemment à mener ses combats car ceux-ci demeurent d’actualité. Sans jamais baisser la garde.
Merci Pierre! Merci.
Aude
Rédigé par : Aude EVIN | 19 novembre 2013 à 17:18
Texte très émouvant.
DR
Rédigé par : David Rousset | 20 novembre 2013 à 11:40
Bonjour, je suis le frère de Boris. Je tenais à te remercier pour l'hommage que tu lui rends. Merci à toi de ne pas l'avoir oublié et à tous ses amis qui se reconnaîtront. Je vous embrasse tous et je pense à vous, et à toi aussi mon frère.
Rédigé par : alexandre rubinsztejn | 20 novembre 2013 à 17:06
Merci Pierre !
A toute au China, pour Boris
FB
Rédigé par : Fred Bonnot | 21 novembre 2013 à 18:30