La conférence annuelle du Labour s'est déroulée du 22 au 25 septembre à Brighton pour la 23e fois depuis 1929. Avec Blackpool, cette ville balnéaire du Sussex est un lieu symbolique du mouvement travailliste britannique.
Après plusieurs éditions dans le nord (Manchester lors de l'élection d'Ed Miliband, puis Liverpool puis à nouveau Manchester) le Labour revient dans le sud. Brighton fait partie de ces territoires dans lesquels, le Labour a reculé fortement lors des dernières élections.
Les Conférences annuelles sont des événements nationaux qui ressemblent à un mélange entre nos universités d'été du PS et nos congrès. Elles durent près d'une semaine en commençant par les congrès des syndicats puis elles se terminent par un congrès au cours duquel on vote les textes ou les grandes décisions tandis que dans tous ce que la ville compte de lieux de débats, de salles, de salons etc, des dizaines de "fringe meetings" des ateliers se tiennent de 7h30 à 21h sur tous les sujets.
Ils sont organisés par tout ce que la sphère politique, syndicale, associative progressiste peut compter. Des courants de gauche comme Compass aux think tanks de "centre gauche" comme Policy Network, en passant par les socialistes chrétiens, les défenseurs des animaux etc...
Dans les allées du congrès, les stands sont eux aussi nombreux. Les Labour students vendent les discours de la veille, le Secours islamique ici, EADS ou EDF là tiennent leurs stands à côté d'autres entreprises ou syndicats, associations de lutte contre le cancer de la prostate, militants de la paix, etc.
Les travaillistes se réjouissent de l'effondrement des Libéraux démocrates, littéralement étranglés par ce parlement suspendu - cette coalition avec les Tories, une rareté dans le système britannique. D'une certaines manière, ils se disent que le gouvernement ConDem est condamné à la défaite aux élections de 2015...
Ils ont gagné six élections partielles rien qu'en novembre 2012 et d'une manière générale, l'écrasante majorité des élections qui ont lieu depuis 2010 et l'arrivée des conservateurs au pouvoir leur sont favorables.
En mars dernier, David Miliband a mis un terme à sa carrière politique en partant travailler à New York.
De leur côté, les eurosceptiques de UKIP ont sabordé eux-même leur conférence avec un de leur députés européens qui avait traité les femmes de "salopes" et balancé une brochure à la tête d'un journaliste lors de leur conférence. Mauvais pour leur image. Pourtant, c'est bien le cocktail UKIP, tabloïds et Conservateurs qui structure le rapport que les Britanniques ont vis-à-vis de l'Europe.
Probablement façonné par les nombreuses critiques dont il est l'objet depuis qu'il a pris la tête du parti, Miliband a un peu gagné en épaisseur. Discours sans notes ni pupitre ni prompteur, un peu évangélique, il a livré un discours mobilisateur. Mais à part la répétition de "Britain can do better" qui permettait des variations sur le thème du labour depuis un an "One Nation Labour", pas de vision du monde, encore moins de l'Europe. En quête de nouvelles références, Miliband a repris le concept au Premier ministre conservateur Benjamin Disraeli qui avait théorisé à travers son "One nation conservatism" que les classes dirigeantes avaient des devoirs envers la classe ouvrière et qu'avec pragmatisme et non sans un paternalisme assumé. Ce thème "disraélien" repris par le Labour de Miliband date de la Conférence de 2012. Plus personne ne se réfère au New Labour qu'avait développé Blair dans les années 90.
Ed Miliband a également évoqué le Labour de 1945 comme source d'inspiration et son discours a été salué par les syndicats et la presse de gauche qui lui reconnaissent cette prise de hauteur.
Le Labour peut gagner en 2015, mais la route est encore longue. C'est à l'ancien proche de Tony Blair, Jon Cruddas, qu'a été confié la tâche de redéfinir un concept idéologique pour le Labour. Cruddas pense que le Labour ne peut gagner que s'il adopte une ligne patriotique qui vient stimuler le récit national, comme cela fut le cas en 1945, en 1964 et en 1997. Il considère que la défaite de 2010, la pire en 100 ans n'est pas encore digérée, d'autant que le Labour assume avec difficulté son statut de parti d'opposition.
Sous l'étendard "One nation", le Labour veut se placer en rassembleur face à un parti conservateur qui est perçu comme diviseur, opposant les riches aux catégories populaires.
La rénovation du Labour
Au printemps prochain, il y aura une conférence spéciale sur la rénovation du parti. L'objectif est de doubler le nombre d'adhérents et donc de passer des 200 000 adhérents actuellement et de viser les 500 000. L'idée est simple. Le Labour se définit comme une alliance entre individus, syndicats et associations. On estime à trois millions le nombre d'hommes et de femmes affiliés au parti à travers les syndicats du public ou du privé eux-mêmes organiquement liés au parti, mais les syndiqués ne sont pas automatiquement adhérents du parti. Il y aura donc une campagne massive pour les attirer à rejoindre le parti travailliste.
Tous les syndicats ne sont pas d'accord avec cette proposition d'adhésion qui favorise un mouvement individuel des syndiqués vers le parti au lieu de l'adhésion automatique. Le syndicat GMB, un des trois principaux du pays, ainsi réduit sa cotisation d'1,5 millions de livre à 50 000 livres.
La réforme concernera aussi le mode de fonctionnement et d'organisation de la conférence annuelle et le collègue électoral qui désigne le leader et son adjoint, aujourd'hui Ed Miliband et la députée Harriet Harman.
Derrière cette réforme, ce n'est pas tant l'affaiblissement du poids des syndicats qui est recherché que l'accroissement de la transparence des liens entre parti et syndicats d'autant que l'actualité récente a montré que ce n'était pas toujours le cas.
Le Parti veut à son tour, avoir recours aux primaires et ce sera le cas pour la désignation du candidat travailliste à la mairie de Londres.
Un questionnaire a été envoyé aux militants pour travailler sur le sujet.
Cette grande rénovation a pour objectif de préparer le parti à la grande campagne pour les élections générales de l'automne 2015.
Que dit Ed Miliband ?
Bien qu'une partie de la matinée du lundi a été consacré à la Grande-Bretagne dans le monde, il n'y a que dans les fringe meetings qu'on a parlé spécifiquement d'Europe. Le thème était totalement absent du discours qu'a prononcé Ed Miliband le mardi après-midi. On aurait pu imaginer que le chef de l'Opposition esquisse sa vision du monde et du rôle que la Grande-Bretagne devait jouer sur la planète en général ou en Europe en particulier. Rien de tout cela. Quand on en parle aux camarades, ils disent poliment que ce n'est pas ce que les britanniques ont envie d'entendre pour le moment.
La Syrie a été abordée d'une phrase au début pour indiquer que le Labour ne pouvait soutenir un premier ministre va t'en guerre surtout s'il n'y avait pas de preuves de l'usage des armes chimique et que le labour avait appris de ses erreurs passées.
Ce qu'il faut retenir ce sont les annonces sur le gel des prix de l'énergie pendant deux ans, la suppression de la bedroom tax... C'est d'ailleurs ce qui fait la "une des journaux". Le labour veut donner le droit de vote dès 16 ans. Il a accusé les condem (conservateurs et libdem) de ruiner le NHS (système de santé). Il veut aussi miser massivement sur l'apprentissage.
Miliband a fermement affirmé son opposition à l'indépendance de l'Ecosse.
Il a critiqué la campagne anti immigration du gouvernement conservateur en stigmatisant l'exploitation des travailleurs peu qualifiés. Enfin, le leader travailliste a réaffirmé sa volonté de mettre réellement en place le salaire minimum.
Miliband a également marqué des points en indiquant que Cameron se battait pour ses amis les riches et que lui se battrait "pour vous" cette formulation fait effet car il ne désigne pas une classe sociale en particulier.
Même le très à gauche Daily Mirror a salué un "discours authentiquement social-démocrate, à la limite du socialisme démocratique", encourageant Miliband a poursuivre sur cette voie à gauche.
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