Depuis longtemps, le "fascisme" sonne comme ultime insulte, ou caractérisation infâmante quand il s'agit de commenter un discours ou une politique que l'on juge autoritaire. D'ailleurs, rapport aux organisations de gauche, lorsqu'il s'agit d'une pratique du même acabit on parle dans le jargon militant de "méthode de stals".
Dans les choix de langage du Parti de gauche à l'égard de François Hollande et de Manuel Valls, l'usage de mots comme "droite" ou "extrême droite" pour caractériser des hommes de gauche n'est pas un dérapage. Cela correspond à toute une reconstruction du champ politique à gauche qui pour que le Parti de gauche et ses alliés se substituent à l'existant. Dans la nouvelle reformulation qu'ils ont fait leur et qu'ils égrènent à longueur d'expressions médiatiques - les militants appliquant eux-mêmes cela sur les réseaux sociaux, ils ont réinventé les mots. L'exemple le plus caricatural et insultant est la requalification du Parti socialiste en "parti solférinien".
Mais mettre ainsi la main sur un terme qui appartient à toute la gauche - pas seulement au PS - de même que le PG avait pompeusement décidé de s'appeler "parti de gauche", donnant moins le sentiment d'un manque d'imagination, que la prétention à organiser toute la gauche, même s'il s'agissait d'une scission. Un peu comme la formation lambertiste qui, après de multiples changements de nom, avait choisi de s'appeler "Parti des travailleurs sans jamais toute fois dépasser les quelques milliers d'adhérents.
On objecteura qu'il existe bien un Parti des travailleurs au Brésil qui est un parti de masse. Mais celui-ci doit sa puissance au fait qu'il rassemble dans ses membres un spectre qui irait, si on se rapportait à la France, du Modem au NPA...
La reconstruction d'un réel qui a vocation à se substituer à ce qui existe, n'est pas une tactique sémantique nouvelle pour le courant communiste.
Dans les années 30, des expressions telles que "social-fasciste" ou "hitléro-trotskyste" avaient pour but de caractériser un adversaire politique à priori dans le même camp "ouvrier", avec la même violence que l'ennemi absolu qu'on était sensé combattre ensemble.
Ainsi, à l'heure où le sarkozysme ou l'extrême droite sont des caractérisations infâmantes dans le langage politique, disqualifier les socialistes en insinuant qu'ils sont sarko-compatibles ou "contaminés" par l'extrême droite est une manière agressive de mener le combat pour se substituer aux socialistes.
Un peu sur le monde du "pousse-toi de là que je m'y mette" sans gagner ni sur les idées, ni sur la pertinence du programme.
Pour ces socialistes défroqués que sont les militants pégistes, ce n'est qu'un début avec d'autant plus de folie qu'ils ne seront suivis par personne au Front de gauche.
En galvaudant ainsi ce vocabulaire, Mélenchon prend le risque de la banalisation de l'extrême droite.
Un sujet en vogue de nos jours au point que les journalistes des chaînes d'info continuent parlent d'une "extrême droite radicale" un peu comme s'il en existait une de "modérée". Outre le fait qu'on ne peut être modérément extrémiste bien qu'il soit possible d'être extrêmement modéré, c'est une impression fausse qui est véhiculée là que l'extrême droite pourrait avoir un discours modéré, donc "acceptable".
Nicolas Lebourg a théorisé le concept d'extrême droite "radicale" afin de différencier les courants d'etxrême droite d'avant la Première guerre mondiale de ceux qui se sont développés depuis. En gros, sa thèse consiste à indiquer - ce qui est fort juste - que tous les courants ne sont pas réductibles au fascisme et au totalitarisme. Cette démonstration qui est utile à ceux qui s'intéressent à l'histoire des idées politiques ne cherche pas à relativiser, mais à différencier. Il reste que, si on suit sa thèse, les extrêmes droites préfascistes ont été supplantées par l'expérience du fascisme. Les courants d'avant 1914-1918 ne sont jamais parvenus au pouvoir, même s'ils eurent une influence notable. Depuis 1922 et la Marche sur Rome de Mussolini - et c'est la caractéristique des années 30 - les régimes fascistes ou autoritaires ont pullulé en Europe. Deux ont survécu à la Deuxième guerre mondiale car ils fonctionnaient dans des Etats non belligérants, le franquisme en Espagne et le salazarisme au Portugal. Un troisième est réapparu en Grèce avec la Dictature des Colonels.
Pour un militant de gauche, la thèse de Lebourg permet si on veut, d'ajuster le tir. "Fasciser" tout ce qu'on veut déprécier revient à vider de son contenu ce qu'est ou a été le fascisme. D'ailleurs, dans la nébuleuse d'extrême droite, il est rare que les militants assument ou revendiquent leur appartenance à un courant fasciste, voire nationaliste. Ils se revendiquent "droite nationale" ou "patriotes" plus volontiers.
On n'est plus dans les années 60-70 pendant lesquelles la génération militante scandait "CRS-SS" et voyaient dans la moindre expression autoritaire et réactionnaire ou plus simplement conservatrice, l'annonce du "fascisme".
Il reste encore des gens, nombreux, pour critiquer dans l'islamisme un "fascisme vert" qui, depuis l'Arabie Saoudite et l'Iran, étendrait ses tentacules vers l'Occident notamment... Leur souci là encore, n'est pas d'être précis, mais percutant qui à dire n'importe quoi. La soi disant "internationale verte" dénoncée par certains, est une reconstruction qui permet de remplacer les totalitarismes du vingtième siècle par l'islam dont ils croient ferme qu'il porte "naturellement" les germes de l'islamisme. On le voit, l'usage irréfléchit va loin et malheureusement, celle pratique a un avenir.
En politique, les mots sont importants et il faut toujours avoir le sens de la justesse autant qu'on le sens de la justice sinon, c'est le règne de la confusion, ce qui a toujours répresenté un danger pour la démocratie.
Commentaires